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Concrètement design, l'art de donner du chic aux déchets


Tahiti, le 19 août 2020 - Ambassadrice de l'upcycling, Vaea Dang s'est fait connaître avec ses bouteilles de gaz détournées en tabouret, en table basse ou en ’ūmete. Sa démarche qui consiste à donner du style aux déchets pour les réintégrer dans nos intérieurs, lui vaut une place au concours Tech4Islands, en catégorie “cleantech”.

“Je n'aime pas cette idée de confier aux autres la responsabilité de nos déchets.” On leur donnant une seconde vie, Vaea Dang, ambassadrice de l'upcycling, s'est fait un nom dans le milieu de l'innovation éco-responsable. C'est donc sans surprise qu'on retrouve sa start-up Concrètement design à Tech4island, un concours particulièrement friand des solutions en faveur de l'économie circulaire. Il faut dire que la petite société de valorisation des déchets a fait parler d'elle.
 
Repérée l'année dernière par Prism Tahiti (l'incubateur de projets de la CCISM), la start-up ne fait pas que donner une seconde vie aux détritus. Elle s'amuse aussi à détourner leur usage d'origine pour leur prêter une valeur ajoutée et les “rendre un peu plus sexy”. Ainsi la lampe “Black XL” est née de l'union improbable entre un pied de ventilateur et un bidon de peinture. “Elle a la ligne des lampes de cinéma mais elle a su rester simple” commente Vaea.

Celle-ci trouve dans le caractère résistant, déperlant et lavable des voiles de bateau la matière idéale pour faire des besaces, “avec le goût de l'aventure en bonus”. Quant à la bouteille de gaz, “objet à la fois trivial et ignoré”, elle tient une place centrale dans sa démarche. “Elle est présente dans tous les foyers, quelle que soit notre catégorie sociale. Quel que soit l'archipel ou l'île dans laquelle on se trouve. Elle voyage de famille en famille, au gré de ses remplissages pendant près de 35 ans avant d'être réformée", développe Vaea. “En la transformant, j'utilise sa caractéristique principale : la solidité pour lui redonner une place dans nos foyers.” 

Pas de transformation chimique, mais de la récupération

En tabouret, en table basse, en étagère, ou en ’ūmete, elle réintègre "pour toujours" nos intérieurs. Tout comme les boîtes de conserves, qu'elle transforme en horloge. “Le dessus des tabourets et tables basses est fait en bois de palette. Je suis tellement convaincue de la durabilité de l'objet que je refais gratuitement le dessus en palette s'il vient à s'abîmer” souligne la patronne. Une “universalité” qui joue dans le choix des objets “upcyclés”, ou “recyclés par le haut” selon la traduction littérale. Pas de transformation chimique donc, mais de la récupération.  

Encore faut-il des “matériaux ressources”. “L'up-cycling existe ailleurs. En Europe, les entreprises qui font de l'upcycling sont spécialisées dans un matériau, mais le marché là-bas est assez large pour alimenter la production, argumente Vaea. On a un souci en approvisionnement en ressources et de débouchés. Il a fallu varier les matériaux et leur utilisation pour que les gens puissent s'y retrouver.”

Si Vaea a été contrainte de “faire les poubelles” un temps, la notoriété aidant, elle a depuis décroché un partenariat avec sept entreprises. Cegelec par exemple lui laisse ses anciens bleus de travail troués, tachés, “plus mettable”. “J'en fais des tapis vegan” sourit la jeune femme, le patchwork de bleus lui évoquant l'aspect “peau de vache” mais à partir de ressources textiles. “Il faut que ce soit esthétique certes, mais aussi cohérent avec nos valeurs.”

Revalorisation des déchets sous-marins

Preuve que son projet est “réplicable” dans les îles, cœur de cible du concours, elle assure que la fabrication des objets est à la portée de tout le monde. “Pas besoin d'années de recherche” signale l'entrepreneure, elle-même formée sur le tas. “Ce que je fais c'est de la low-tech, je ne suis pas dans une démarche de course à l'innovation. À un moment donné, le progrès technique, c'est de faire avec moins. Je récupère les tee-shirts troués, tachés, ou publicitaires, il ne s'agit pas de sortir des choses utiles du circuit. Nos réflexes nous mènent facilement au gaspillage.”

Reste qu'un petit stage pour s'y mettre ne peut pas faire de mal. Les formations payantes et les expositions éphémères lui permettent justement de trouver un modèle économique équilibré en attendant de développer des projets de plus grande ampleur. Comme celui sur la revalorisation des déchets sous-marins avec l'association Océania. “En attendant de développer des produits de ce côté-à, ce qui va faire vivre l'entreprise c'est la vente des objets upcyclés et les stages pour fabriquer ses propres objets, selon des thèmes” indique Vaea. "Pour une lampe industrielle, le matériel est fourni, j'accompagne les stagiaires dans la fabrication et ils repartent avec.” Comptez 3 heures de travail, et 8 000 Fcfp, pour vous essayer à l'upcycling.

Rédigé par Esther Cunéo le Mercredi 19 Août 2020 à 09:24 | Lu 2947 fois