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Cigarette électronique: "Présomption d'efficacité" contre le tabagisme, mais les études manquent


BORDEAUX, 15 mars 2014 (AFP) - La cigarette électronique est un outil dans la lutte contre le tabagisme, mais les études manquent, notamment pour en cerner l'efficacité réelle et ses potentiels effets nocifs, estime le tabacologue Gérard Mathern, secrétaire général de la Société française de Tabacologie.

Q : Quel est l'intérêt de la cigarette électronique, dont le premier salon international se tient jusqu'à samedi à Bordeaux, dans la lutte contre le tabagisme ?

R. : "Notre arsenal thérapeutique (dans la lutte contre le tabagisme) est quand même limité aux substituts nicotiniques, aux médicaments. Il y a une pauvreté assez remarquable sur les moyens thérapeutiques. Tout ce qui va apparaître est bon à prendre en compte si l'on fait la preuve qu'il n'y a pas ou moins de danger que le tabac. On doit (la) prendre en compte, l'étudier et lorsque'on aura la certitude ou, au moins, une forte conviction, que les choses sont utilisables, on pourra l'utiliser. Actuellement, on n'a pas encore assez de recul pour dire (que) ça permet aux gens d'arrêter de fumer. Par contre, ce que les études montrent (plus d'une centaine d'études "sérieuses" ont été consacrées dans le monde à l'e-cig, ndlr), c'est qu'on réduit les risques : si les gens +vapotent+, ils fumeront moins (et) absorberont moins de toxiques. C'est beaucoup moins dangereux que le tabac (auquel) elle est une bonne alternative. La grande inconnue, ce sont les arômes : sont-ils dangereux à long terme ou pas?"

Q. : Que sait-on de la potentielle nocivité de la cigarette électronique?

R. : "Pas grand chose. Ce qui est nocif dans la cigarette (classique), ce sont le monoxyde de carbone et les goudrons. Dans la cigarette électronique, il n'y en a pas. Ou alors à des doses (très inférieures). Il n'y a pas de toxicité à court terme avérée. Ce qu'on connaît, a contrario, c'est la toxicité très forte, et à court et à long terme, du tabac. C'est un dispositif très notablement moins toxique et qui semble permettre, dans des proportions intéressantes, de réduire la quantité de tabac inhalée chez le fumeur voire, potentiellement, de le faire arrêter complètement (même si) on n'a pas encore de preuve évidente de l'efficacité sur le sevrage tabagique".

Q. : L'essor de la cigarette électronique est très récent, les études manquent pour en cerner tous les aspects sanitaires ?

R. : "Il faut essayer de mettre en place des études méthodologiquement irréprochables. sur la potentialité de la toxicité à long terme et l'arrêt du tabac. Une étude (solide) demande deux ans (et environ 200.000 euros). Où prendre cet argent? L'Etat? Il n'en a plus. Les laboratoires? On nous dira qu'on a fait une étude pour la pharmacie. Le monde des +vapoteurs+? Là aussi, on aura un conflit d'intérêts. L'émergence (de l'e-cig) a deux ans, c'est très court pour le monde scientifique (...) La vérité, c'est la méthodologie: si vous avez une très belle étude, bien montée, méthodologiquement irréprochable et qui va montrer quelque chose, on la croira. Ce n'est pas encore le cas. On a des présomptions d'efficacité et des témoignages. Mais le témoignage n'est pas la preuve".

Propos recueillis par Damien STROKA

Rédigé par () le Samedi 15 Mars 2014 à 07:06 | Lu 1408 fois