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Chef Ness : "En pâtisserie un grain de sucre peut faire la différence"


Son métier, une passion, est une histoire de rencontres. "Il faut qu’il y ait le feeling." Et le goût des bonnes et des belles choses.
Son métier, une passion, est une histoire de rencontres. "Il faut qu’il y ait le feeling." Et le goût des bonnes et des belles choses.
PAPEETE, le 15 mars 2018 - Depuis le début de l’année, les gourmets se pressent sur la côte est de Tahiti. Le bouche-à-oreille les mène tous vers les ateliers du chef Ness, qui ne se fait pas prier pour partager sa passion. Elle offre des recettes, livre ses trucs, lève le voile sur (certains) de ses petits secrets. Les apprentis apprécient, repartent avec leur création… et reviennent.

"Biscuit croustillant spéculoos, compotée et pommes Granny rôties au miel de Polynésie, trompe l’œil en ganache pomme Granny fraîche et cœur fondant caramel, mousse légère sucrée au miel de Polynésie, brutti ma buoni, queue chocolat et feuille de sauge en décoration", annonce le chef Ness en préambule. Ce samedi matin, elle anime un nouvel atelier pâtisserie, comme elle le fait deux à trois fois par semaine depuis le début de l’année.

Aujourd’hui, elle a choisi une tarte aux pommes contemporaine. La pâtisserie contemporaine étant devenue sa spécialité. En apparence, le dessert est digne des grandes tables. En réalité, le chef Ness crée des recettes accessibles pour ses apprentis. "Je pense à une pâtisserie, j’essaie, je teste et, quand j’arrive à quelque chose d’abouti, je le fais faire en atelier."

Des recettes accessibles à tous les amateurs

Elle propose des réalisations sans produits, ni matériels professionnels, des réalisations faisables en conditions réelles, c’est-à-dire sans laboratoire de pâtisserie. Les professionnels apprécieront le challenge, ils savent que la chaleur et l’humidité sont des contraintes en cuisine.

Tout au long de l’atelier, chef Ness, parle. Elle décrit chacun de ses gestes. Elle répond aux questions, raconte les produits. "Locaux dans la mesure du possible", précise-t-elle. "Naturels, dans tous les cas. Vous avez vu ce qu’il y a d’écrit sur les étiquettes de colorants par exemple ?" Pour s’assurer de la qualité des produits achetés, elle va au-devant des producteurs. Son métier, une passion, est une histoire de rencontres. "Il faut qu’il y ait le feeling." Et le goût des bonnes et des belles choses. De cette manière, elle encourage les artisans et petits commerçants. "L’industrie tue le commerce et les métiers."

Les apprentis suivent les consignes, installés autour des fourneaux du chef. Les ateliers se déroulent sur une terrasse, vue sur l’océan. Un ravissement pour les yeux. Ils font, selon le thème annoncé, tantôt des macarons, tantôt des number cakes. Ils s’essaient à la viennoiserie, au Paris-Brest, à la tarte aux fruits, en général pendant trois ou quatre heures. "J’annonce trois mais en fait, on reste plutôt quatre heures", avoue le chef Ness. "Je ne suis jamais à l’heure. On papote, on prend le temps. Je n’ai pas envie de les presser", dit-elle.

Élevée au "rythme des casseroles"


Ses parents étaient restaurateurs. Il tenait un restaurant gastronomique de cuisine traditionnelle française en Charente. Elle a "baigné dans la cuisine", a été élevée au "rythme des casseroles, du passage des clients, des odeurs et des cris". Son père était lui-même chef en cuisine. "Le chef, c’est celui qui dirige sa brigade, qui trouve, élabore, goûte puis fait reproduire ses recettes. Il gère le stock, les contraintes, prépare les commandes particulières", précise chef Ness qui, dès qu’elle a été en âge de travailler a tout logiquement rejoint les cuisines.

Le couple a fini par quitter l’établissement. Le père de chef Ness est entré dans l’administration, prenant un poste de chef dans un restaurant scolaire. Las du travail en établissement privé, il est entré au lycée Jean Mermoz de Montpellier où il a fait évoluer le système. "Il a réussi à offrir des repas de qualité à moins de deux euros (240 Fcfp)." Il a ensuite été muté dans le Gard. Jusqu’à la fin de sa carrière, il s’est battu pour maintenir la cuisine traditionnelle.

Chef Ness, elle, a continué sur sa lancée. Elle a suivi des "études classiques en boulangerie et pâtisserie". "Pourquoi j’ai choisi la pâtisserie ?", reprend-elle. "Sans doute pour ne pas faire comme mon père. On est tous les deux des bêtes à cornes, on a de la personnalité." Et puis, à l’entendre, la pâtisserie se joue au milligramme près. "En cuisine on peut jeter une pincée de sel dans un plat, en pâtisserie un grain de sucre peut faire la différence."

Une grande voyageuse


"J’ai aussi beaucoup voyagé", insiste-t-elle. "J’ai un besoin vital d’aller picorer ailleurs." Elle a visité la côte méditerranéenne, la Suisse, la Belgique, l’Afrique, le Mexique, l’Indonésie. Elle s’est gorgée de couleurs, de saveurs et d’odeurs. Elle a découvert des savoir-faire. Elle n’a pas cherché la complexité, mais a répondu à une soif d’ailleurs et d’autrement. Elle a retenu les détails des uns et a succombé aux originalités des autres. Partout elle a trouvé de quoi nourrir son insatiable appétit.

Il y a une petite année, elle a posé ses fourneaux en Polynésie française. Elle a lancé SweetNess Pâtisserie en partenariat avec Denis Matyasy, membre de l’association internationale Relais desserts. Une association qui rassemble l’élite mondiale de la haute pâtisserie française. Elle propose les ateliers tout en concoctant d’ambitieux projets. Après avoir visité les cuisines du monde, elle a eu besoin de se poser et d’ouvrir la sienne. Elle cherchait pour cela un endroit "simple et généreux". En Polynésie, elle assure ne "pas être déçue".



Pratique

Les ateliers ont lieu à Mahina (Atima) face au lycée professionnel
Facebook : Atelier Pâtisserie SweetNess
Tél.: 87 22 12 89

Recette de la tarte aux pommes

1 Préparez le fond de la tarte avec 150 g de speculos concassés et 60 g de beurre fondu mais pas chaud. Mélangez, étalez le au fond de votre plat puis figer au frais.

2 Préparez une ganache en forme de pomme (il existe des moules ronds adaptés). Mélangez pour cela 200 g de crème liquide à 35% de matière grasse minimum, 70 g de compote de pommes Granny préalablement rôtie au miel de Tahiti (de preference un miel à fleur, plus sucré), 2 g de gélatine bloom (ou equivalent agar agar), 60 g de couverture ivoire. Faites chauffer la crème, versez le chocolat, ajoutez la gélatine préalablement ramollie puis la compote de pomme. Filmez et réservez au frais pendant 2 heures. Coulez dans le smoules à moitier, deposer une boule de fondant caramel maison, terminez le remplissage, lissez et faites prendre au congélateur une nuit.

3 Faites fonder un peu de chocolat au bain-marie. Fabriquez un cone avec du papier sulfurisé, déposez-y le chocolat fondu et tracez des queues de pomme en chocolat sur une feuille de papier sulfurisé que vous placez au congélateur.

4 Préparez des brutti ma buoni. Des sortes de petits cailloux très sucrés. Le nom de ce biscuit, italien, se traduit par moche mais bon. Monter 50 g blancs d’oeufs avec 100 g de sucre pour obtenir une meringue molle. Mélangez à part 75 g de poudre de noisettes et 75 g de noisettes concassées. Ajoutez à la meringue et faites revenir en casserole jusqu’à obtention d’une pâte compacte qui se détache de la casserole. Posez sur une plaque à l’aide de cuillère puis passez au four 10 à 15 minutes à 180°C. Les brutti ma buoni doivent être bien dorés.

5 Lavez, pelez et coupez deux pommes Granny en morceaux. Faites les revenir dans une poèle avec deux cuillières de miel de Tahiti. Vous pouvez ajouter le jus d’un demi citron de Tahiti pour éviter la décoloration. Lorsque les pommes se cassent (elles ne doivent pas être molles) enlevez l’équivalent d’une pomme que vous mixez. Faites rôtir le reste que vous ajoutez à la partie mixée. Vous obtenez une compote non homogène avec deux textures et deux couleurs.

6 Détendez 250 g de mascarpone avec un batteur et incorporez du miel de Tahiti (une à deux cuillères selon votre gout) et 100 g de crème liquide à 35%. Incorporez 100 g supplémentaires de crème à la main.

7 Réalisez un glaçage miroir avec les ingredients de votre choix. La couleur du glaçage doit s’approcher de la couleur de la pomme Granny. Coulez ce glaçage sur les ganaches en forme de pommes tout droit sorties du congélateur.

8 Place au dressage. Étalez la compotée sur le fond du biscuit. Avec une douille saint Honoré, déposez le mascarpone travaillé et les ganaches sur la tarte aux pommes. Terminez par les brutti ma buoni, la queue de pomme en chocolat et la feuille de sauge pour imiter la feuille. Vous pouvez, en option, placer des feuilles d’or comestible pour sublime le tout.

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 15 Mars 2018 à 19:12 | Lu 2849 fois