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Ces Tahitiens enrôlés dans les Sections disciplinaires en Indochine


Ecussons des Sections Spéciales. (Collection privée).
Ecussons des Sections Spéciales. (Collection privée).
PAPEETE, 6 février 2019 - L’association Mémoire polynésienne et la Maison de la culture organisent une conférence sur le thème Les Tahitiens dans les guerres d’Indochine et de Corée, mardi 12 février au Petit théâtre. Tahiti Infos s’associe à cet événement en publiant chaque jour un épisode de ces épopées tahitiennes en Orient.

Les Sections Spéciales sont une unité disciplinaire méconnue souvent en poste isolé en pleine zone de combat vietminh. Les soldats tahitiens sont connus pour leur courage, mais aussi leur indiscipline. La gravité de leurs actes va conduire certains d’entre eux vers les unités disciplinaires. Le Tahitien Smith Gobrait, dit Mataoa, est versé dans les Sections Spéciales, le 6 août 1952, pour son indiscipline. Il fait deux séjours dans leurs rangs. Il a été précédé par le Tahitien Michel Fougerousse en décembre 1947. Le caporal-chef Saïd Brouta, Tahitien d’adoption, venu du 2e Bataillon du Régiment de Corée, est affecté à sa demande aux Sections Spéciales en novembre 1953. 

Michel Fougerousse a combattu les Japonais et a réussi à s’enfuir via la frontière chinoise. Il revient à Saigon en mars 1947, dans le cadre d’un second séjour. Il est affecté au 21e RIC, 10e compagnie comme soldat de 1e classe. Son unité est alors stationnée dans le sous-secteur de Dinh Lap An Chan. 

En septembre 1947, il est puni pour vol, ivresse et négligence dans ses fonctions. Michel Fougerousse est cassé de son grade et remis soldat de 2e classe pour être affecté aux Sections Spéciales. Les Sections Spéciales sont des unités disciplinaires créées le 1er février 1946, d’abord appelées Section de discipline, puis le 1er novembre 1946 Compagnie de discipline avant de prendre le nom de Sections Spéciales le 1er août 1947. Elles sont rattachées au I/22e RIC, puis à la CCZE le 1er novembre 1950. Les Sections Spéciales sont implantées dans le sous-secteur de Bien Hoa, où elles tiennent le quartier de Tan Phu, particulièrement dangereux. De nombreuses bandes vietminh y opèrent, bien armées et agressives. L’unité les poursuit inlassablement les accrochent, combats et embuscades, leur infligeant des pertes énormes, pour les désorganiser et les rejeter du Do Nai. 

Sa peine disciplinaire accomplie, Michel Fougerousse est muté le 19 juillet 1948 au 21e RIC, dans la 3e compagnie. Mais sa santé s’est dégradée. Il entre à l’hôpital de Lang Son le 26 février 1949 pour congestion pulmonaire, puis est transféré à l’hôpital militaire de Haiphong. Michel Fougerousse décède le 15 mai 1949. Il est inhumé au cimetière de la conquête, allée E, tombe n°6 bis. 

Vaincre ou Mourir

Dès son arrivée en Indochine, le Tahitien Smith Gobrait se signale par son penchant pour la boisson. Plusieurs fois puni, il fait rapidement l’objet d’une demande de sanction très sévère. Smith Gobrait est ainsi affecté dans les Sections Spéciales du 1er octobre 1951 jusqu’au 3 mai 1952. Libéré des Sections Spéciales, le 9 mai 1952, Smith Gobrait est muté au 1er bataillon mixte d’Extrême-Orient (BMEO), 3e compagnie. Saïd Brouta, tahitien d’adoption est affecté à sa demande à l’encadrement des Sections spéciales.

Les disciplinaires condamnés par un Tribunal Militaire spécial (TM) stationnent au moins six mois dans les sections spéciales. Si ces compagnies disciplinaires accueillent des soldats qui sont sanctionnés pour leur insubordination, elles sont aussi pour ceux qui accusent des peines plus lourdes, leur seule chance de réhabilitation. Une bonne conduite ou une action d’éclat peut permettre, sur proposition du chef de section, une réduction du temps d’épreuve. Toute absence autre qu’un départ à l’hôpital pour une blessure de guerre entraîne automatiquement la prolongation du temps d’épreuve, pour une durée égale à l’absence.

Leur écusson est fait d’une tête de mort sur fond bleu de carte de France, porte la devise : Mea Culpa (C’est ma faute) qui se transforme rapidement en Vaincre ou Mourir. Saïd Brouta se souvient : "(…) sur un panneau à l’entrée du camp fut inscrit par ailleurs : « Vous entrez comme un lion ; vous sortirez doux comme un agneau ».

Les disciplinaires sont astreints sans répit à des exercices de manœuvres, des ouvertures de routes et des patrouilles offensives en territoire hostile armés seulement d’un poignard et de grenades sous la garde de cadres, armés eux de mitraillettes. En cas d’embuscades en avant du groupe, ils sont des cibles privilégiées des Vietminh. Toute tentative de fuite, est sanctionnée. Ils sont abattus sans sommation.

Ils sont aussi sujets à des châtiments corporels et toute punition grave supérieure à huit jours de prison entraîne une demande de prolongation du temps d’épreuve et un nouveau stage à la section de redressement. Les Sections Spéciales seront dissoutes le 30 avril 1955.

Conférence le 12 février

L’association Mémoire polynésienne et la Maison de la culture organisent une conférence sur le thème Les tahitiens dans les guerres d’Indochine et de Corée.
Jean-Christophe Shigetomi relatera l’épopée des Tamari’i Tahiti engagés dans le corps expéditionnaire d’Extrême-Orient, entre 1945 et 1954. Il parlera aussi de ceux, moins nombreux, qui ont servi au sein du Bataillon français de l’ONU, entre 1950 et 1953 en Corée.

Date : le 12 février 2019 à partir de 18 heures

Lieu : Petit théâtre

Entrée libre et gratuite


Rédigé par TI le Mercredi 6 Février 2019 à 02:00 | Lu 1635 fois