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Camp de rétention à Nauru : la Cour Suprême donne tort aux défenseurs des droits humains


Camp de rétention à Nauru : la Cour Suprême donne tort aux défenseurs des droits humains
YAREN, mercredi 19 juin 2013 (Flash d’Océanie) – La Cour Suprême de Nauru a rendu mercredi son jugement concernant une éventuelle atteinte aux droits humains dans l’affaire du camp de détention pour boat-people installé sur cette île et réactivé en septembre 2012, à la demande de l’Australie, aux fins de « traitement extraterritorial » de leurs dossiers de demande d’asile.
Les plaignants, des militants de groupes australiens de défense des droits humains, contestaient la légalité d’un tel centre en arguant du fait que ses pensionnaires étaient illégalement retenus.
Leur avocat, Julian Burnside, avait invoqué la notion juridique d’habeas corpus et le fait que ce centre étant désigné pour traitement de dossiers de demande d’asile, il n’était nul besoin d’incarcérer ces personnes.

L’un des objectifs des demandeurs (qui ont aussi mis en avant les conditions difficiles de vie dans ce camp et le fait que son activité était contraire à la Constitution de Nauru) était au moins d’obtenir un jugement par lequel les pensionnaires de ce camp (environ quatre cent personnes, pour la plupart venues du Moyen Orient et du Sri Lanka) pourraient bénéficier d’une semi-liberté, dans la journée, sur l’île.

Mais le juge australien John von Doussa, après avoir entendu des témoignages concernant notamment les conditions de détentions dans ce centre, a estimé que les délais de traitement de ces demandeurs d’asile retenus sur Nauru, même s’ils pouvaient être considérés comme longs, ne pouvaient toutefois être qualifiés de « déraisonnables ».
Selon le magistrat, ce processus débouchera de toute manière sur un départ de ce camp de Nauru, soit à destination d’un pays tiers dans le cas d’une réponse positive à leur demande, soit vers leur pays d’origine dans le cas d’une réponse négative.

Ce verdict a suscité une réaction de « déception » de la part d’organisations telles qu’Amnesty International, qui a rappelé au passage que l’Australie, de par cette politique dure contre l’immigration clandestine et sa réponse forte par un traitement dans des pays insulaires tiers, manquait à ses obligations internationales en matière de respect des droits humains.
Entre-temps, en Australie, une commission parlementaire s’st penchée ces derniers jours sur ce dossier et cette politique de « Pacific Solution », pratiquée à Nauru, mais aussi sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée).

Les parlementaires ont rendu un rapport particulièrement critique vis-à-vis de cette politique de traitement « offshore » et en particulier a lui aussi rappelé que l’Australie, en l’espèce, se plaçait en contravention avec les traités et conventions internationales dont elle est signataire.
Cette commission, présidée par Harry Jenkins, a aussi exprimé des doutes quant à l’efficacité de cette politique censée dissuader les boat-people.
Quant aux Nations-Unies, son commissaire aux réfugiés a à plusieurs reprises rappelé l’Australie à ses obligations internationales.

En début de semaine, le 18 juin 2013, le représentant régional du Haut-commissariat onusien aux Droits de l’Homme, Rick Towle, a déploré une « rapide détérioration » en matière de protection des droits des demandeurs d’asile arrivant par voie maritime, principalement via les côtes Nord-ouest de l’Australie, toutes proches de l’Indonésie.
M. Towle a aussi déploré le caractère de plus en plus « négatif » du débat public concernant le dossier des demandeurs d’asile et de l’immigration clandestine, mais surtout le recours à une succession de mesures dissuasives censées endiguer ce flux migratoire incessant.

Depuis la réouverture des camps de Nauru et de l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée, là aussi à la demande de l’Australie), en septembre-octobre 2012, les clandestins déportés ont multiplié les actes de protestation, de grèves de la faim, d’automutilation, voire même de tentatives de suicides, afin de s’élever contre les conditions de vie dans ces « centres de traitement », ainsi que contre le fait qu’aucune durée limitée limite n’est fixée pour leur séjour insulaire.
Ian Rintoul, responsable de l’une des ONG (RAC, Refugee Action Coalition) particulièrement impliquée dans ce dossier des camps extraterritoriaux de Nauru et de Manus, estimait début mars 2013 que les récents dysfonctionnements des institutions nauruanes, pour cause d’instabilité politique, permettent aussi de ne pas traiter de manière diligente les nombreuses demandes d’accès aux réfugiés formulées par les ONG et l’ONU.
Dans le cadre de l’accord signé entre l’Australie et Nauru, concernant ce camp, la gestion de ces installations et le maintien de l’ordre sont du ressort de la juridiction locale et ne tombent par conséquent pas sous le coup des lois australiennes.
Même au plan intérieur politique australien, le parti des Verts, sous la houlette de la Sénatrice Sarah Hanson Young, mettait en garde début avril 2013 le gouvernement fédéral australien de la travailliste Julia Gillard contre l’éventuelle tentation de se servir de la situation politique à Nauru comme excuse pour faire traîner le traitement des dossiers de demandeurs d’asiles envoyés à Nauru.
« Le traitement des dossiers de demande d’asile de ces gens doit commencer dès maintenant. Et si cela ne peut être fait par les autorités locales, alors ces gens doivent être ramenés sur le sol australien. C’est aussi simple que ça », avait-elle alors lancé.


En fin de semaine dernière, le 14 juin 2013, le gouvernement australien et son ministre de l’immigration et de la citoyenneté, Brendan O'Connor, annonçaient le départ pour le Sri Lanka du trentième avion avec à son bord des immigrants clandestins de ce pays, renvoyés dans leur pays d’origine.
Ils ont été déportés une nouvelle fois du camp de détention de l’île Christmas (Océan Indien).
Plus d’un millier de ressortissants Sri-lankais ont ainsi été renvoyés chez eux depuis août 2012, a rappelé le ministre.
Mi-mai 2013, 57 ressortissants Sri-lankais répartis en deux vols avaient aussi quitté l’Australie à bord d’un avion charter, affrété par le gouvernement.
« Renvoyer ces groupes au Sri Lanka envoie un message fort aux gens qui paient des passeurs pour leur dire qu’ils jettent leur argent par les fenêtres et risquent même leur vie », a martelé le ministre.

Le 16 mai 2013, le parlement fédéral australien a adopté un texte de loi rendant impossible toute demande d’asile sur l’ensemble de l’île-continent.
Cette nouvelle loi, qui « excise » de facto l’ensemble du territoire australien de la zone d’immigration, a été adoptée par les travaillistes au pouvoir, avec le soutien de l’opposition conservatrice, en dépit de l’opposition du groupe parlementaire des Verts, qui parle de « tache sur l’image de l’Australie ».
Ces dispositions entrent dans le cadre d’une politique dure de réponse à une vague d’immigration clandestine, principalement sur des embarcations de fortune en provenance de l’Indonésie toute proche, où transitent des immigrants clandestins afghans, ou sri-lankais, via des passeurs.
Déjà, les clandestins interceptés par les autorités australiennes près des îles australiennes (les îles Ashmore, Cartier, Christmas et Cocos) hors continent, au large à l’Ouest, étaient traités en mode « excision » et étaient déportés dans des centres de détention, y compris les deux centres extraterritoriaux réactivés en septembre et en octobre 2012 à Nauru et sur l’île de Manus (Papouasie-Nouvelle-Guinée).
En vertu de cette nouvelle loi, désormais, toute arrivée sur le continent tombera sous le même régime, ont annoncé les autorités, qui soulignent le caractère dissuasif d’une telle mesure.
Tout comme pour les camps de Manus et de Nauru, ces mesures d’excision avaient été fortement envisagées sous un précédent gouvernement conservateur dirigé par John Howard, en 2006, mais elles s’étaient heurtées à une fronde au sein même de la majorité de l’époque.
La politique mise en œuvre par le gouvernement travailliste de la Première ministre Julia Gillard fait suite aux recommandations remises par un panel d’experts, en août 2012.

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Rédigé par PAD le Mercredi 19 Juin 2013 à 06:04 | Lu 398 fois