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“C’est tous ensemble que nous pourrons construire le Pays”


®Présidence
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Tahiti, le 12 mai 2023 - Sans surprise, le candidat du nouveau parti majoritaire, Moetai Brotherson a été élu à la tête du Pays dans l'hémicycle de l'assemblée de la Polynésie française ce vendredi. Il remporte la victoire avec 38 voix, contre 16 pour Édouard Fritch et trois pour Nicole Sanquer.
 
La séance solennelle relative à l’élection du président de la Polynésie a débuté avec un peu plus de 30 minutes de retard ce vendredi matin. Mais cela n’a pas empêché amis, familles et militants d’investir tôt le hall de l’assemblée accompagnés de quelques instruments de musique pour animer cette matinée historique. Celle de l’élection d’un représentant du parti souverainiste Tavini huiraatira à la tête de l’exécutif polynésien jusqu’en 2028, avec l’assurance d’une majorité solide de 38 représentants sur 57 à Tarahoi.
Quatre élus se sont cependant portés candidats à la présidence du Pays : la A Here Nicole Sanquer, le leader du Tapura Édouard Fritch, le hakaiki Tapura Benoît Kautai et le souverainiste Moetai Brotherson, seul à même de réunir une majorité sous son nom. Mais c’était l’occasion pour les autres de s’offrir une tribune et de livrer leur message à la faveur du discours de candidature.

Les Marquises attachées à la République

C’est Benoît Kautai, le hakaiki de Nuku-Hiva, et président de la Codim qui a ouvert le bal en reconnaissant d’emblée une candidature “évidemment pas dans l’espoir d’être élu”. Si le 30 avril dernier “la démocratie s’est exprimée, et elle se doit d’être respectée”, le résultat des urnes démontre cependant que “la Polynésie française demeure une terre autonomiste” avec 55% des électeurs favorables au maintien du lien institutionnel avec la France, a-t-il insisté. “Ce constat est encore plus vrai aux îles Marquises” où 56% des suffrages se sont portés sur une des listes autonomistes. Benoît Kautai l’a martelé : les tāvana marquisiens souhaitent travailler avec le prochain gouvernement mais ils plaident pour un cadre.

Un des sujets “prioritaire” pour les hakaiki concerne l’évolution de la communauté de communes en communauté d’archipel : “Une innovation institutionnelle”, pour répondre efficacement et rapidement aux besoins de leur archipel. Guy Rauzy et Lucien Kimitete ont été les pionniers de la décentralisation des îles Marquises a-t-il rappelé, en portant le projet, il y a trente ans, de création d’une collectivité autonome des Marquises directement rattachée à la France. “Leur volonté vit en nous mais nous ne souhaitons pas remettre en cause l’unité de notre Pays. Sachez-le, cela pourrait changer si le Tavini venait à marchander avec des nations étrangères – en particulier la Chine – l’exploitation des ressources de notre archipel quelles qu’elles soient, ou s’il engage le Pays dans une indépendance dont nous ne voulons pas ! (…). Il n’y a pas de raison pour que le peuple marquisien (…) soit trainé dans un processus qu’il n’a pas lui-même choisi.” Benoît Kautai a terminé son discours en insistant sur ce principe : « l’avenir de la Terre des hommes, c’est la reconnaissance juridique de notre archipel dans la Polynésie et la République.” 

Une “nouvelle ère” pour Nicole Sanquer

La présidente de A Here ia Porinetia Nicole Sanquer, a dès le début de son intervention, taclé une gouvernance Fritch qui “a échoué” car déconnectée de la réalité et “enfermée dans ses certitudes, souvent arrogantes, et surtout méprisantes à l’égard de ceux qui ne partageaient pas ses choix”. Une attitude encore illustrée par les réactions des représentants Tapura, Édouard Fritch et Lana Tetuanui, lors de son élection jeudi en tant que 3e vice-président du bureau de l’assemblée. Un comportement qu’elle estime “déplorable” et qui les conduit “à proférer des insultes ou des fausses interprétations” alors même qu’ils disent souhaiter “l’unité du soi-disant camp autonomiste”.
Aussi a-t-elle fait le souhait que la nouvelle majorité ne verse pas dans “les mêmes travers” de déni de la démocratie et de confiscation du pouvoir. Elle fait au contraire le vœu d’une mandature Tavini qui soit “une victoire collective” et la “la naissance d’une nouvelle ère”.

Le temps de parole de son discours de candidature Nicole Sanquer l’a aussi exploité pour revenir sur les axes forts prônés dans le programme défendu par le A Here ia Porinetia aux territoriales : réduction des inégalités sociales ; réforme du modèle économique ; et changement du système politique. Pour le parti vert et blanc, le gouvernement doit cesser de politiser les aides financières octroyées à la population pour le développement économique et sociales“en période électorale”. Pour y mettre un terme, il faudrait selon elle digitaliser les services du Pays, ce qui amènerait à avoir moins de politiques dans les différentes commissions d’attribution.  

Pour lutter contre la vie chère, et l’amélioration du pouvoir d’achat, Nicole Sanquer a rappelé qui son parti plaide pour une suppression de la TVA sociale, la révision de la taxe de péréquation tarifaire sur l’électricité, la mise en place d’enquêtes plus régulière et plus fréquemment sur les prix des produits. Selon elle, cela passe aussi par la diminution des taxes et des droits de douanes mais aussi par la réduction des dépenses publiques.

“Ne mordons pas la main de celui qui nous donne à manger”

Édouard Fritch a, dès le début de son discours, annoncé que son groupe de 16 représentants soutiendra “les actes” qui seront “bons” pour la population et qu’il restera “vigilant et combatif”, pour rester “à la hauteur de la confiance des 56 000 voix (…) qui ont opté pour l’autonomie”. “Sans esprit d’orgueil ou de vanité” il estime que son gouvernement et sa majorité au sein de l’assemblée de la Polynésie “ont bien travaillé” et que leur bilan est “très satisfaisant”. L’occasion de vanter les bienfaits de l’autonomie et d’un partenariat avec l’État et les communes, qui a permis non seulement de développer celles-ci, mais aussi de mettre en place des chantiers structurants et d’assurer la surveillance de notre ZEE.
Pour le président sortant, ce “partenariat à trois (…) est un signe de maturité politique jamais atteinte par nos institutions”. Critiqué sur ce fait, il a martelé que les aides attribuées aux communes “n’ont pas été politisées” en donnant pour gage celles accordées aux collectivités non Tapura.
Pour Édouard Fritch, “l’autonomie est la meilleure solution institutionnelle pour notre pays” dans un contexte international instable : elle offre l’avantage aux élus de tenir “les manettes politiques” avec le secours de l’aide de l’État. “Ne mordons pas la main de celui qui nous donne à manger.”

“Discuter avec tout le monde”

Moetai Brotherson s’est présenté au pupitre sans “discours écrit” mais avec l’envie de s’“adresser à vous, à nous, au peuple” en appelant d’emblée l’auditoire à méditer sur une citation de Tolstoï : “Tout le monde veut changer le monde mais personne ne veut changer.” Fort de l’assurance d’être élu à la tête du Pays il a aussi rappelé la punch line du Tavini : “Servir et non se servir.” Et ce dans un contexte où, si l’engagement en politique est “difficile” il s’engage à l’assumer “avec conviction”.

Une allocution qui lui a aussi donner l’opportunité de répondre aux craintes du Hakaiki Benoît Kautai. Oui, ils vont travailler ensemble, sans faire cas des couleurs politiques parce que les Polynésiens sont “un seul peuple”. Et non, il n’a “ jamais été notre intention” de livrer la Polynésie aux Chinois. “En revanche nous refusons de ne pouvoir discuter avec tout le monde : il nous faut pouvoir discuter avec tout le monde en bonne intelligence et avec la prudence qui s’impose”, a-t-il relativisé. Il a également rappelé que l’indépendance ne sera imposée à personne et que ce ne pourra être que le choix des Polynésiens.

Moetai Brotherson a aussi insisté sur le fait que dans tous les programmes des partis en lice lors des territoriales, il y avait de bonnes choses que son gouvernement pourrait mettre en place sans contraindre quiconque à se “peindre en bleu”
Après les discours des quatre candidats, les représentants ont donc voté et sans surprise Moetai Brotherson a recueilli 38 voix, Édouard Fritch 16 et Nicole Sanquer trois.

À peine deux heures après son élection, la passation du pouvoir avait lieu à la présidence à la présidence “dans la bonne humeur et de manière très conviviale et très efficace” a assuré le président Moetai Brotherson. Le nouveau gouvernement doit être présenté lundi. Un exécutif que le nouvel homme fort de Polynésie a annoncé de 10 ministres et qu’il promet jeune et d’ouverture.
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Samedi 13 Mai 2023 à 19:15 | Lu 3722 fois