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"C'est ce ton qu'ils emploient": le président des Palaos outré des manières de Pékin


Hong Kong, Chine | AFP | mercredi 07/04/2021 - La Nation qu'il dirige a beau être une des plus petites au monde, Surangel Whipps n'a pas peur d'affirmer haut et fort que les Palaos ne se laisseront intimider par personne. Et certainement pas par Pékin.

L'ancien sénateur de 52 ans a été investi en janvier à la présidence de l'archipel du Pacifique après avoir battu l'an passé un candidat favorable à un rapprochement avec la Chine.

Ensemble d'un demi-millier d'îles et îlots peuplés de 21.000 habitants au nord-est de l'Indonésie, les Palaos sont un des 15 pays au monde qui continuent de reconnaître Taïwan plutôt que la Chine populaire, en dépit d'intenses pressions diplomatiques et économiques de Pékin.

"Si nous devons être le dernier, nous le serons parce que Taïwan est à nos côtés depuis le début", a dit Surangel Whipps lors d'un appel vidéo à l'AFP en début de semaine.

Il rentrait alors d'une visite à Taïwan où il a inauguré une "bulle" au sein de laquelle ses concitoyens et les ressortissants taïwanais pourront circuler sans quarantaine.

La Chine considère toujours Taïwan comme une partie de son territoire qui a vocation à revenir dans son giron, et ce même si l'île suit son propre destin depuis 1949. 

Les relations se sont dégradées avec l'arrivée au pouvoir en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, issue d'un parti traditionnellement hostile à Pékin.

Harcèlement téléphonique

Le gouvernement chinois ne cesse d'oeuvrer à l'isolement international de Taïwan, en tentant sans relâche d'attirer à lui les alliés de l'île.

En 2019, Pékin est parvenu à établir des relations avec le petit archipel des Kiribati et avec les Iles Salomon, si bien que dans le Pacifique, les derniers pays qui reconnaissent encore Taïwan sont les Palaos, les Iles Marshall, Nauru et Tuvalu.

Et parmi les leaders de ces quatre archipels, Surangel Whipps passe pour le plus ferme vis-à-vis de Pékin, une position qu'il explique par l'agressivité de la Chine sous Xi Jinping et par sa propre expérience des relations avec des dirigeants chinois.

"J'ai eu des rencontres avec eux et la première chose qu'ils m'ont dite, lors d'un coup de téléphone, était: +Ce que vous faites est illégal, reconnaître Taïwan est illégal. Vous devez arrêter+", raconte-t-il.

"Vous savez, c'est ce ton qu'ils emploient", décrit-il. "Personne ne devrait nous dire avec qui nous devons être amis ou pas."

Il raconte avoir été harcelé d'appels de responsables chinois pendant la campagne présidentielle.

"Ils appelaient parfois 16 fois", se souvient-il. "Depuis les élections, je ne prends plus leurs appels."

Interrogé sur les propos de M. Whipps, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Zhao Lijian s'est contenté de dire que Pékin était "résolument opposé" à l'alliance diplomatique entre les Palaos et Taïwan.

L'arme touristique

Entre la carotte et le bâton, Pékin a de plus en plus opté pour la seconde stratégie face aux Palaos.

Au début de la dernière décennie, l'archipel a connu ue croissance exponentielle du nombre de touristes chinois. Puis en 2017, Pékin a interdit les voyages organisés aux Palaos, privant Koror d'une précieuse manne.

Mais pour M. Whipps, cette décision a surtout joué contre Pékin en permettant aux Paluans de prendre conscience des pressions chinoises.

"C'est comme un leurre", explique-t-il au sujet de la politique chinoise.

Une méfiance vis-à-vis de Pékin qui fait totalement les affaires des Etats-Unis qui cherchent à contrer les ambitions croissantes de la Chine dans le Pacifique.

Les Palaos font partie des territoires du Pacifique qui avaient été administrés par Washington au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

L'archipel est devenu indépendant en 1994 mais entretient des liens étroits avec Washington, au travers du Compact de libre-association (COFA) qui rend les Etats-Unis responsable de sa défense.

"Taïwan est un pays libre"

Au moment où la pression japonaise monte en faveur d'une réduction de la présence américaine à Okinawa, le Pentagone cherche des points de chute dans le Pacifique.

L'an passé Mark Esper est devenu le premier secrétaire américain à la Défense à se rendre à Koror, et les Palaos ont dans la foulée exhorté les Etats-Unis à y établir une base permanente.

Ce qui permettrait selon M. Whipps de rendre son pays moins dépendant du tourisme: "Tout le monde aurait à y gagner."

S'il a vécu l'essentiel de sa vie aux Palaos, il est né à Baltimore, a étudié aux Etats-Unis et parle avec un fort accent américain. Il a dû renoncer à la nationalité américaine pour devenir sénateur des Palaos.

Fervent partisan des liens avec Washington, il décrit aussi Taïwan, qui a noué des relations avec l'archipel en 1999, comme étant plus qu'un allié.

"Il y a une culture et une histoire communes", dit-il en évoquant les liens entre les habitants de l'archipel et les populations aborigènes de Taïwan.

"Taïwan est un pays libre", ajoute-t-il. "C'est une démocratie qui doit être respectée à ce titre. En tant qu'alliés diplomatiques, ont ne peut pas tirer un trait sur cela."

le Mercredi 7 Avril 2021 à 04:24 | Lu 918 fois