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Budget 2021 : Les "précisions" de Gaston Tong Sang


Tahiti, le 6 décembre 2020 – Dans un droit de réponse, le président de l'assemblée a tenu à apporter ses "précisions" à nos articles de jeudi consacrés à l'examen et au vote des budgets du Pays et de l'assemblée pour l'année 2021.
 
"Dans le cadre de sa session budgétaire, l’Assemblée de la Polynésie française s’est réunie, le jeudi 3 décembre dernier, afin d’examen avant adoption du budget primitif de la Polynésie française au titre de l’exercice 2021. Au cours de cette 6ème séance, le budget de l’institution a également fait l’objet d’un examen et d’une adoption par la représentation. Je m’étonne de voir paraître, sur votre site Internet, les deux articles (…) intitulés "Un budget 2021 voté au bout de l’ennui" et "L’Assemblée ne connaît pas la crise".
 
Le premier affirme que "réduite à une portion rachitique du temps de parole, l’opposition n’a guère eu l’opportunité de s’exprimer, le président Gaston Tong Sang veillant notamment au chronomètre lors de l’intervention de Nuihau Laurey". Cette rédaction quelque peu fallacieuse amène à rappeler que les modalités relatives à l’organisation et la tenue des séances plénières sont strictement encadrées par la délibération n° 2005-59 APF du 13 mai 2005 modifiée, portant règlement intérieur de l’Assemblée de la Polynésie française.
 
C’est à ce titre que je vous informe que l’ordre du jour, l’organisation des débats, la durée globale de la discussion générale de tout projet ou proposition de texte, ainsi que la répartition du temps de parole entre les différents groupes politiques constitués, sont proposés par la conférence des présidents, qui réunit le président de chacun desdits groupes, de la majorité comme de l’opposition. Ainsi, dans le cadre de la préparation de la 6ème séance de la session budgétaire, les quatre présidents de groupe politique se sont réunis en conférence des présidents le 27 novembre dernier et ont décidé, par consensus, de fixer à 120 minutes la discussion générale sur le projet de budget de la Polynésie française pour 2021.
 
Par conséquent et en application des dispositions réglementaires prescrivant une répartition du temps de parole en fonction de l’importance numérique des groupes, le Tapura Huiraatira disposait, en discussion générale, de 76 minutes, contre 17 minutes pour le Tavini Huiraatira, 15 minutes pour le Tahoera’a Huiraatira et 12 minutes pour le groupe A here ia Porinetia. Vous noterez qu’en sus de la discussion générale, au cours de laquelle chaque groupe s’exprime sur l’ensemble du projet de budget soumis à leur examen, les 57 représentants à l’assemblée disposent chacun de 5 minutes pour s’exprimer sur chaque chapitre et mission du budget. Aussi, je vous précise que si le Tavini Huiraatira a strictement respecté son temps de parole, tel n’a pas été le cas du Tapura Huiraatira et du Tahoera’a Huiraatira, qui ne l’ont pas épuisé. Ainsi, quant à l’intervention de M. Nuihau Laurey, j’estime avoir fait preuve de bienveillance à l’égard du groupe A here ia Porinetia, en lui accordant un dépassement de son temps de parole équivalant à 7 minutes, soit 58% du temps de parole initialement accordé.
 
De la même manière, votre second article laisse apparaître que l’institution ne s’inscrit pas dans la démarche d’effort collectif pour lutter contre les effets de la crise sanitaire et économique. Une fois de plus, ces écrits se veulent inexacts et infondés.
 
Je vous rappelle alors que l’Assemblée de la Polynésie française, qui dispose de l’autonomie budgétaire, a marqué sa solidarité en cédant au Pays, en mars 2020, la somme de 915,9 millions Fcfp de son budget, pour lui permettre de parer aux urgences liées à la gestion de la crise sanitaire d’une part, et en ne réclamant pas son reversement au budget 2021 d’autre part. En outre, il est indispensable de préciser que la reconduction "à l’identique" du budget de l’institution s’appuie sur les dispositions de la loi organique, portant statut d’autonomie de la Polynésie française.
 
S’agissant des frais de transport des élus, et contrairement à ce qui est mentionné dans l’article de presse, les inscriptions au titre de ces dépenses n’ont pas doublé entre 2018 et 2020, mais ont été agrémentées de 17,22% afin de tenir compte des dépenses liées aux différents partenariats interparlementaires intervenus dans la période considérée. Néanmoins, eu égard au contexte sanitaire mondial connu en 2020, les dépenses afférentes au transport des représentants sont inférieures au montant inscrit sur la ligne budgétaire correspondante.
 
A ce sujet, je vous précise que cette coopération interparlementaire présente un intérêt incontestable en matière de développement institutionnel dans la mesure où le partage d’expériences entre l’Assemblée de la Polynésie française, les parlements du Pacifique et ceux des pays francophones du monde entier, permet de contribuer au bon fonctionnement des institutions et à l’amélioration du travail parlementaire. D’ailleurs, cette ouverture sur le monde a été saluée par la presse internationale et notamment par Diploweb.com : La revue géopolitique.

Gaston Tong Sang"

 

​Et nos précisions…

Dans son long droit de réponse diffusé sur le site de l'assemblée et que nous publions in-extenso, le président de l'assemblée M. Gaston Tong Sang s'est ému de la rédaction de deux articles de Tahiti Infos consacrés jeudi à l'examen et au vote du budget 2021 du Pays et de l'assemblée. Estimant nos écrits "inexacts et infondés", le président de l'assemblée se livre néanmoins à des imprécisions qui appellent quelques réponses.
 
"Réduite à une portion rachitique du temps de parole, l’opposition n’a guère eu l’opportunité de s’exprimer, le président Gaston Tong Sang veillant notamment au chronomètre lors de l’intervention de Nuihau Laurey", écrivions-nous jeudi à l'issue de la discussion générale sur le vote du budget. Or sur cette question du temps de parole, la phrase de notre article –bien malheureusement sortie de son contexte– mettait en effet en balance les 110 minutes d'intervention du président du Pays ajoutées aux 76 minutes allouées aux élus de la majorité en comparaison des 15 minutes de moyenne octroyées à chacun des trois groupes d'opposition… Aucune remise en cause de la gestion du président de l'assemblée sur ce point, puisque ce dernier –comme il l'explique– a même laissé Nuihau Laurey s'exprimer au-delà de son temps de parole réservé, avant de finir –comme nous l'expliquions– par lui demander avec insistance de clore son intervention.
 
"L'assemblée ne connaît pas la crise", titrions-nous jeudi, en relevant la différence entre la réduction imposée au budget du Pays en raison de la crise et la reconduction à l'identique du montant du budget de l'assemblée par rapport à celui de l'année dernière. Dans sa réponse, le président de l'assemblée défend l'effort de solidarité de son institution, en rappelant que celle-ci a déjà cédé 915,9 millions de Fcfp de son précédent budget "en mars 2020" pour "marquer sa solidarité". Soit. Nous en sommes particulièrement bien informés, puisque c'est justement Tahiti Infos qui avait révélé le premier les détails et l'étendue de cette mise à contribution budgétaire dans un long article publié le 24 mars dernier…
 
Pour conclure, s'agissant des dépenses de transport de l'assemblée, nos chiffres sont, au contraire des allégations du président de l'assemblée, parfaitement exacts et fondés sur des documents budgétaires disponibles sur le site même de l'institution. Notre article évoque très précisément le montant des crédits de transport (inscrit à "l’article 624 - chapitre Pouvoirs publics" dans le budget 2021) à hauteur de 42,220 millions de Fcfp et représentant les frais de transport des élus. Et comme nous l'indiquons : "jusqu’en 2018 ces dépenses de transport de l’APF étaient deux fois moindres".

En effet, le compte administratif 2018 de l’assemblée, adopté en juin 2019, fait précisément état de dépenses de transport pour les élus (même article, même chapitre) de 22 193 118 de Fcfp. Le compte administratif 2017 de l'assemblée, adopté en juin 2018, présentait quant à lui des dépenses de transport de 21 880 337 de Fcfp pour les élus. Par rapport au montant de 42,2 millions de Fcfp budgétés pour 2021 pour les transports des élus de l'assemblée, les dépenses réalisées en 2017 et 2018 étaient donc respectivement bien 1,93 et 1,90 fois moindres…

Notons d'ailleurs qu'en 2019, les dépenses de transport des élus ont fortement augmenté, passant de 22 193 118 Fcfp à 35 794 656 Fcfp, soit une hausse de ces dépenses de +61,3% de ce poste de charge en un an.
 
Antoine Samoyeau, rédacteur en chef de Tahiti Infos
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Dimanche 6 Décembre 2020 à 18:04 | Lu 2047 fois