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Belles et bonnes Zingibéracées... (2e partie)


Tahiti, le 10 juillet 2020 - Nous poursuivons cette semaine notre découverte des Zingibéracées que l’on trouve en Polynésie, qu’elles aient été d’introduction ancienne ou moderne. La semaine dernière, nous vous avons présenté essentiellement des plantes ornementales alors que cette semaine, notre petit tour d’horizon de cette famille de plantes nous amènera à présenter les plus connues car les plus consommées, à savoir le gingembre et le curcuma, appelés localement re’a tinito et re’a Tahiti.
 
Une recommandation destinée à tous les jardiniers amateurs, les Zingibéracées sauvages, que l’on trouve le long de nos rivières ou en moyenne montagne humide ne s’y développent que parce qu’elles trouvent dans ces biotopes des conditions de vie correspondant à leurs besoins. 

Nous pensons notamment au taux d’humidité et aux pluies fréquentes dont ces plantes ont grand besoin. 

Inutile donc de déterrer des rhizomes pour les ramener dans un appartement (en pot) ou même dans un jardin (en plaine comme en montagne) : sauf à leur offrir un sol très riche en humus et réellement arrosé abondamment, vous n’avez que peu de chances de parvenir à produire de belles inflorescences.

En revanche, si vous aimez le gingembre chinois ou le curcuma, rien de plus facile que de replanter des rhizomes achetés dans le commerce ; mais là encore, seuls une terre généreuse et des arrosages fréquents vous garantiront des résultats satisfaisants. 

Si elles sont généreuses en termes d’inflorescences comme de rhizomes délicieux, les Zingibéracées sont en revanche des plantes exigeantes. Dans leur milieu naturel, respectez-les !

Des indigènes...

Si la plupart des Zingibéracées ornementales sont des plantes ayant été introduites en Polynésie française par les Européens, il en existait pourtant au moins trois espèces indigènes ou introduites par les premiers Polynésiens. Nous voulons parler du safran d’Océanie (Curcuma longa), le re’a Tahiti (introduction polynésienne), mais aussi du gingembre shampoing ou gingembre d’Océanie (Zingiber zerumbet), bien connu par son appellation tahitienne de re’a moeruru(introduction polynésienne). 
Enfin, nous ne pouvons pas ne pas mentionner l’opuhi des montagnes (Etlingera cevuga), le trop rare opuhi mou’a, que l’on ne trouve que dans les vallées humides et ombragées, jusqu’à 600 m d’altitude (espèce native de Fidji ; origine non éclaircie dans l’archipel de la Société).

Pourquoi “Zin” et pas “Gin” ?

Les Zingibéracées désignent une très vaste famille de plantes herbacées produisant des fleurs (angiosperme) monocotylédones. Plantes pérennes, les Zingibéracées regroupent environ 1 500 espèces, classées dans une cinquantaine de genres. La dominante en termes de vocabulaire est, bien sûr, le mot gingembre. Mais alors pourquoi avoir appelé cette famille Zingibéracées et non pas Gingibéracées ? Tout simplement parce que les noms scientifiques données aux familles, aux genres et aux espèces sont presque tous construits à partir de racines latines. Ce latin scientifique fait donc appel au mot “zingiber” qui, à l’époque où le latin était une langue vivante, désignait le gingembre. Ce même zingiber latin était dérivé du grec ancien ziggiberis. En arabe, zijebir signifie aussi “pays des Noirs” (l’Afrique), mot qui a donné également Zanzibar.

Curcuma longa

Safran d’Océanie, safran indien   
Le genre Curcuma compte une dizaine d’espèces originaires d’Asie, dont Curcuma longa (safran d’Océanie, re’a Tahiti). Curcuma longa a été introduit en Polynésie par les premiers navigateurs ayant colonisé ces îles, donc bien avant l’arrivée des Européens. Le rhizome du re’a Tahiti est utilisé dans la médecine traditionnelle polynésienne et comme aromate. De ce rhizome, on tire une poudre d'une magnifique couleur jaune vif, très largement utilisée aujourd’hui dans la cuisine polynésienne, alors que la plante n’a plus guère d’usage en tant que plante tinctoriale (malgré le très beau jaune qu’elle produit).

Curcuma zedoaria

Zédoaire 
Ce gingembre ornemental est surtout cultivé pour son inflorescence, dont la partie terminale est rose à rouge carmin. La zédoaire est originaire d’Inde. Elle aime l’ombre et l’humidité sur des terrains riches en humus. Son rhizome comestible est de couleur orange vif à l'intérieur et son odeur rappelle celle de la mangue. Mais sa saveur ressemble plutôt à celle du gingembre, avec un arrière-goût très amer. En Indonésie, on le réduit en poudre et on l'utilise comme épice  (dans le curry). On peut aussi consommer les jeunes feuilles. 

Costus speciosus

Canne d’eau 
Originaire de la zone tropicale du Nouveau Monde, le genre Costus comprend de nombreuses espèces dont C. speciosus. Ses grandes corolles blanches s’épanouissent au sommet d’un gros épi grenat, lui-même situé à l’extrémité de très longues tiges (1,50 à 3 m) sur lesquelles sont piquées de longues et larges feuilles épaisses vert clair. La canne d’eau se plait plus particulièrement dans les endroits ombragés et nécessite un sol humide. Spécificité bien connue des jardiniers, les rhizomes de la canne d’eau, lorsqu’ils sont arrachés et jetés dans un coin du jardin, ne tardent pas à faire des racines et à repousser.

Costus arabicus

Canne Congo
La canne Congo porte un nom vernaculaire français bien impropre, puisqu’en réalité, cette plante est native d’Amérique du Sud tropicale et de la zone Caraïbe. Compte tenu de sa facilité à être multiplié par division des rhizomes, on la trouve abondamment dans les lieux humides et ombragés.  En Polynésie, cette espèce est nettement moins abondante que l’espèce Costus speciosus. La fragilité des fleurs fait qu’elle n’est pas utilisée dans les compositions florales.

Costus spicatus

Coste rouge, canne d'eau
Originaire d’Amérique du Sud tropicale et de la zone Caraïbe, la coste rouge est aussi appelée canne de rivière eu égard à son besoin d’une humidité constante qu’elle trouve le long des cours d’eau. La plante offre volontiers le nectar de son inflorescence aux fourmis et, en échange, celles-ci protègent les graines des insectes herbivores trop gourmands. L’inflorescence, de taille relativement modeste, est parfois utilisée dans les compositions florales car elle tient bien dans le temps.

Costus woodsonii

Gingembre bouton, rose de Birmanie
Le gingembre bouton ne connaît pas de repos si les températures restent élevées et si le taux d’humidité demeure lui aussi élevée. La plante originaire de la zone Caraïbe et de l’Amérique centrale peut produire des inflorescences toute l’année. Une variété naine, ne dépassant pas 60 cm de hauteur (sa taille normale va d'un mètre à un mètre cinquante) s’avère très décorative comme plante d’intérieur. L’un de ses noms vernaculaires anglais est surprenant : “French kiss”...

Costus malortianus

Autant le reconnaître de suite, dans le genre Costus, l’espèce malortianus n’est pas celle qui produit les plus belles inflorescences, ce qui explique qu’on ne la trouve pas fréquemment dans nos jardins. La taille de cette plante est modeste, 50 cm environ. L’inflorescence est légèrement collante et gluante car elle produit un exsudat sucré qui attire les fourmis, exactement comme Costus speciosus ; les fourmis se régalent donc de ce nectar et protège les fleurs des herbivores, sans toutefois gêner les pollinisateurs.

Zingiber officinale

Gingembre chinois (rea tinito)
Condiment autant que plante médicinale, le vrai gingembre, “re’a tinito”, a une multitude d’usages dans la médecine et la cuisine chinoise. Seuls les rhizomes sont vendus dans les magasins de Tahiti où ses usages sont également très nombreux. On le consomme cuit, cru, en pickles ou confits (en dessert). Comme la plupart des Zingibéracées, le gingembre a besoin d’ombre et d’humidité pour se développer. Sur notre photo, les hampes florales ne portent plus de petites fleurs, déjà fanées.

Zingiber spectabile

Gingembre à abeilles
Ce gingembre ornemental entre dans la composition de très nombreux bouquets de fleurs en Polynésie française où on se contente souvent de l’appeler “opuhi” ou, terme encore plus impropre, “oiseau de paradis”. Les hampes florales, une fois coupées, se conservent plusieurs jours sans difficulté et se marient très bien avec les alpinias et autres anthuriums. 
On l’achète à la pièce chez les fleuristes des marchés (qui ont la regrettable habitude de les “bomber" à la peinture dorée ou –pire– argentée, au moment de Noël). Ce gingembre au rhizome aromatique est originaire de Malaisie. A noter que l’on en rencontre à Tahiti deux variétés, l’une à hampe florale jaune et l’autre aux inflorescences rouge vermillon, allant parfois jusqu’au carmin.

Zingiber zerumbet

Gingembre shampoing, gingembre d’Océanie (rea moeruru)
Répandu dans toutes les zones ombragées et humides des vallées et forêts de basse altitude, le gingembre d’Océanie produit une inflorescence conique rouge, formées de bractées très serrées, d’où semblent jaillir de petites fleurs jaunes. On utilise le rhizome de la plante pour des usages médicinaux depuis des temps immémoriaux, mais de nos jours, l’usage familial le plus amusant de cette plante est fourni par son inflorescence : il suffit de la presser fortement pour en extraire un liquide incolore qui lave les cheveux et les rend brillants. Mieux qu’un shampooing sophistiqué !

Etlingera corneri

Rose du Siam
La trop rare rose du Siam est indubitablement à classer dans les petites merveilles que founit aux jardiniers la grande famille des Zingibéracées. Les inflorescences, qui se développent à partir des rhizomes ne font guère plus d’un demi-mètre de hauteur, mais groupées, elles forment avec leurs bractées colorées et brillantes de splendides bouquets ressemblant, vus de haut, à des roses. Le feuillage quant à lui est beaucoup plus impressionnant puisqu’il atteint une hauteur de quatre mètres. La plante serait originaire de la Malaisie et du sud de la Thaïlande. Délicate, la rose du Siam demande une exposition à l’ombre, beaucoup d’humidité et de chaleur.

Etlingera cevuga

Opuhi des montagnes
On se perd en conjectures sur l’origine précise de ce gingembre des montagnes dans l’archipel de la Société. La plante serait native des Fidji. Elle forme d’épais buissons dans les vallées, près des cours d’eau, entre 50 et 500 m d’altitude environ. Elle produit des cannes très longues, jusqu’à quatre mètres, mais en revanche les inflorescences qui portent les petites fleurs rose saumon se développent à seulement quelques centimètres du sol (contrairement aux inflorescences d’Etlingera eliator, la rose de porcelaine). Les fleurs sont d’autant moins visibles que sans que l’on sache exactement pourquoi, les fourmis les recouvrent de terre noire. 
On reconnaît ce gingembre à ses rhizomes et au bas de ses tiges rouge carmin, tandis que des feuilles émane un délicat parfum.

À lire

- Pardon Daniel (2005) : Guide des fruits de Tahiti et ses îles (Ed. Au vent des îles)
- Pardon Daniel (2006) : Guide des fleurs de Tahiti et ses îles (Ed. Pacific Promotion Tahiti SA)
- Pardon Daniel (2016) : Les graines bijoux de Tahiti et ses îles
- Pardon Daniel : (2017 : Guides des fruits de Tahiti et ses îles (Ed. Au vent des îles). Nouvelle édition enrichie
- Pétard Paul (1986 et 2019) : Plantes utiles de Polynésie (Ed. Haere Po)
- Whistler W. Arthur (2009) : Plants of the Canoe People (National Tropical Botanical Garden Lawai, Kaua’i, Hawai’i)
- Whistler W. Arthur (2000) : Tropical Ornemental (Timber Press)

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 9 Juillet 2020 à 14:43 | Lu 1250 fois