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Bayrou jette un froid dans la majorité et met le MoDem sous tension


Crédit JOEL SAGET / AFP
Crédit JOEL SAGET / AFP
Paris, France | AFP | jeudi 08/02/2024 - En critiquant la "dérive" vers une "technocratie gestionnaire" d'un exécutif qu'il a refusé d'intégrer, François Bayrou ouvre une brèche dans la majorité, sept ans après avoir rallié Emmanuel Macron, et s'offre au passage une contestation interne au MoDem.

Ambiance mercredi soir au ministère de l'Agriculture, bureau de l'unique représentant du MoDem au gouvernement, Marc Fesneau. Devant les parlementaires et cadres du parti centriste, François Bayrou vient justifier sa décision de ne pas intégrer le gouvernement de Gabriel Attal. 

Une déclaration à l'AFP est venue clore un feuilleton qui l'envoyait, avant même sa relaxe lundi au procès des assistants parlementaires du MoDem, remplacer Amélie Oudéa-Castera à l'Éducation.

"Bayrou s'est un peu fait remonter les bretelles par certains de ses plus vieux amis", qui lui ont reproché "de ne pas (leur) en avoir parlé". "On pense aussi à nos ministres un peu en danger", raconte à l'AFP le député Jimmy Pahun.

Un autre député évoque des "sortants tremblants" de ce coup de semonce en plein remaniement. Outre M. Fesneau, confronté à la crise des agriculteurs, deux ministres délégués (Jean-Noël Barrot et Philippe Vigier) et une secrétaire d’État (Sarah El Haïry) attendent de savoir s'ils seront reconduits.

Parmi les plus remontés, Jean-Louis Bourlanges. Le respecté président de la Commission des Affaires étrangères de l'Assemblée s'est même fendu jeudi d'un communiqué pour dénoncer une décision "sans aucune concertation avec personne", qui "revient à affaiblir dangereusement" la majorité "tout en discréditant" le Mouvement démocrate. "C'est politiquement inepte et moralement dégradant", a-t-il accusé.

Une fronde contre François Bayrou dans le parti qu'il a lui-même créé sur les décombres de l'UDF en 2007 ? "A l'intérieur du MoDem, la base va le suivre" car François Bayrou, "c'est un gourou". Mais "il y a des interrogations chez les cadres", juge un autre député, qui souligne que l'ensemble des députés MoDem a réaffirmé son appartenance à la majorité.

Le maire de Pau l'a lui-même réaffirmé jeudi matin sur franceinfo. Tout en renouvelant ses critiques et sans rien exclure en vue de 2027.

"Nous sommes membre à part entière de la majorité", a-t-il assuré, mais "pour reconstruire le pays" qui "a besoin de plus de compréhension politique de ce qui se passe à la base et de moins de technocratie gestionnaire".

Les promesses de 2017

Et M. Bayrou de pointer "une dérive" par rapport à l'objectif de 2017 de "gouverner autrement". Une condition du ralliement à Emmanuel Macron de ce triple candidat à la présidentielle (2002, 2007, 2012), qui avait enfin trouvé là le moyen de mettre un terme au balancier droite-gauche contre lequel il luttait depuis vingt ans.

Les critiques de M. Bayrou étaient feutrées depuis 2017. Elles ont percé après la nomination à Matignon de Gabriel Attal dont le Haut-Commissaire au Plan de 72 ans avait questionné "l'expérience", et des premiers membres de son gouvernement, qui marquent une orientation à droite.

"On a besoin de réconcilier les classes populaires de façon viscérale avec la politique française si on ne veut pas que Mme Le Pen arrive. C’est ce que dit François Bayrou", appuie le député Richard Ramos.

"Nous avons envie de nous faire un peu mieux entendre sur des sujets comme la simplification, les relations Paris-province", abonde un député, qui rappelle l'épisode de la "fameuse taxe Mattei", quand le président du groupe centriste avait tenté en vain d'alourdir la fiscalité sur les dividendes.

Mais pour lui, "la question est de savoir si avec la position de Bayrou le MoDem peut rester" au gouvernement.

"Le MoDem c'est 50 députés. Qu'on soit très clair : il n'y a pas de majorité sans le MoDem", prévient Richard Ramos, convaincu néanmoins que le parti "va rester en soutien à Gabriel Attal et au Président". 

"Il y aura des ministres MoDem", a de son côté déclaré François Patriat, chef de file des sénateurs du parti présidentiel Renaissance et inconditionnel soutien d'Emmanuel Macron.

le Jeudi 8 Février 2024 à 05:11 | Lu 365 fois