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Avec la note triple B - "toutes les options sont ouvertes" (Laurey)


Le vice-président en charge des finances du Pays se réjouit de cette remontée de la notation du Pays : la première en 16 ans.
Le vice-président en charge des finances du Pays se réjouit de cette remontée de la notation du Pays : la première en 16 ans.
PAPEETE, le 9 mai 2016. Le vice-président du Pays, Nuihau Laurey, ministre des finances française analyse la nouvelle notation de la Polynésie française révélée en fin de semaine dernière par Standard and Poor's. Avec ce triple B- c'est le retour du Pays "dans le cercle vertueux".

Depuis vendredi dernier (le 6 mai), la Polynésie française dont les comptes et les résultats financiers ont été passés au crible de l'une des trois agences de notation mondiale est entrée dans la catégorie dite "d'investissement" et sort de la zone "spéculative". Pour le ministre en charge des finances, c'est le résultat de trois années de travail pour redresser les comptes publics, assainir la situation financière du Pays notamment par l'élimination des emprunts toxiques et améliorer les recettes fiscales. Et ce n'est pas une surprise en soi.

"On s'y attendait un peu car beaucoup de choses ont été réalisées depuis mai 2013 et on était sur une tendance assez positive mais on n'a jamais de certitude avant que la publication soit effective. Cela reste une bonne nouvelle, car elle était attendue depuis plus de trois ans. On a mis en œuvre des mesures qui étaient parfois douloureuses avec la réforme fiscale de juillet 2013, les dispositions budgétaires, la création des fonds spéciaux. Depuis plus d'un an aussi les efforts de réduction budgétaire, le désendettement, un travail de retissage des liens avec les bailleurs de fonds".

Situation budgétaire assainie, une trésorerie qui laisse une plus grande marge de manœuvre au Pays, capacité d'endettement reconstituée, tout cela a été pris en compte par l'agence de notation. Toutefois dans son analyse complète, Standard and Poor's ne se prive pas de pointer les situations plus risquées, c'est le cas notamment des divers satellites de la Polynésie française (établissements publics autonomes, sociétés d'économie mixte notamment) où une plus grande rigueur comptable est souhaitée (voir en encadré).

APRÈS STANDARD AND POOR'S, CE SERA MOODY'S


"Cette note en triple B- veut dire deux choses principales : déjà obtenir de meilleures conditions d'emprunt auprès des bailleurs de fonds qu'ils soient publics ou privés, donc diminuer les charges et par conséquent améliorer la situation budgétaire, donc c'est un cercle vertueux. Par ailleurs, cela donne une image beaucoup plus positive pour les investisseurs extérieurs qui veulent s'implanter dans notre pays". Si cette notation financière de la Polynésie française, dans la catégorie investissement n'est pas entrée dans les discussions qui sont ouvertes avec les investisseurs chinois du projet du complexe touristique du Tahiti Mahana Beach, elle importe en revanche dans d'autres projets pour attirer d'autres investisseurs privés qui restaient dans l'attente que la Polynésie redevienne "une destination financière plus solide car cela les sécurise dans leurs possibles investissements à venir ici".

Pour l'avenir, le ministre des finances espère pouvoir poursuivre, progressivement, la remontée de la notation financière de la Polynésie, mais prévient "cela ne dépend pas que de moi" et il précise: "dans les discussions budgétaires, il y a aussi des collègues ministres qui ont des politiques sectorielles qu'il faut financer à juste titre. Il faut développer le tourisme, il faut plus de promotion sur certains marchés émetteurs, il faut développer la pêche, il faut que le Pays se donne les moyens de lancer ses politiques sectorielles et ça coûte de l'argent".

En attendant, Nuihau Laurey rappelle que le gouvernement est engagé, depuis l'an dernier, dans une politique de réduction des dépenses publiques de 10% sur trois ans. Et de conclure, désormais "avec cette note BBB -, toutes les options sont disponibles". A la fin de l'année 2016, la Polynésie française changera d'agence de notation pour passer cette fois par l'expertise de Moody's. "C'est bien de changer ! Ça fait 16 ans qu'on est noté par Standard and Poor's, cela permettra d'avoir un autre regard. C'est bien de le faire après un relèvement. Moody's fait beaucoup de notation d'entités publiques et de collectivités, ce sera bien d'avoir leur regard sur la situation". Selon un tableau comparatif des trois agences de notation mondiale (Standard and Poor's, Moody's et Fitch), la note triple B- de chez Standard and Poor's correspond à un Baa3 chez Moody's. On verra d'ici la fin de l'année si cette note se confirme.


La première amélioration de la note polynésienne

Le nec plus ultra en terme de notation financière par Standard and Poor's c'est le triple A, mais toutes les notations qui se situent dans le classement en A sont très positifs sur le plan de la valeur économique et comptable. Puis vient la famille des triples B qui correspond à une notation moyenne/bonne. Ensuite viennent les notes en double B, avec lesquelles on sort de la classification d'investissement pour entrer dans la classification spéculative. "Lorsque la Polynésie française a commencé à être notée, en 2000, on était en A-" explique Nuihau Laurey. A ce moment-là le Pays avait pu émettre son premier emprunt obligataire (remboursé depuis). "Puis on a descendu les étages. On est passé à de A- à BBB+, puis BBB et BBB- et ensuite depuis 2011 à BB+, la catégorie spéculative dans laquelle un certain nombre d'organismes qui attachent beaucoup d'importance à la solidité financière de ceux à qui ils prêtent, ne prêtaient plus et là, pour la première fois, on remonte. C'est vraiment la première fois ! Depuis 2000 on n'avait connu que des dégradations de la note. Alors bien sûr, il reste du chemin à faire pour retrouver une note A, mais c'est très positif".

Les satellites devront mieux faire

"Le Pays a fait beaucoup d'efforts : on a demandé des efforts aux différents ministères, aux services également, aux établissements publics administratifs mais un certain nombre de satellites continuent à vivre leur vie dorée et là aussi il y a des efforts à faire. C'est à chaque ministre qui assure la tutelle de ces entités qui doit faire ce travail aussi de remise à niveau"commente Nuihau Laurey. En effet, ces SEM, EPIC ou autres ont, de leur côté, contracté leurs propres emprunts dont la garantie financière est systématiquement assurée par le Pays. S'ils ne peuvent pas rembourser leurs échéances, c'est au Pays d'assumer financièrement les traites bancaires à payer. Aussi, pour avoir un panorama complet de la collectivité territoriale s'en tenir au budget principal uniquement n'est pas suffisant. "C'est même pire que ça, effectivement les emprunts sont garantis par le Pays car ces établissements, ces satellites sont des émanations du Pays, mais très souvent aussi, ils dépendent du Pays pour fonctionner par le biais de subventions, de fonds publics qui leur sont octroyés" poursuit le ministre des finances.

Certains de ces satellites ont néanmoins réussi à amorcer un virage à 180° pour revenir à l'équilibre et même au-delà. "Air Tahiti Nui était proche de la cessation de paiement il y a un peu plus de quatre ans. Air Tahiti Nui, maintenant va dégager un résultat sur l'exercice 2015 en excédent de près de 4 milliards, va payer de l'impôt, depuis l'année dernière verse un dividende au Pays. Bref, depuis l'année dernière, l'ordre de versement des fonds est inversé. C'est une bonne chose. D'autres établissements devraient aussi faire des efforts comparables dans le futur proche". Le ministre des finances, qui répète depuis trois ans qu'il faut se serrer la ceinture partout où de l'argent public est injecté, ne se risque pas néanmoins à citer quels satellites ne se sont pas encore mis à la page du redressement des comptes et du contrôle strict des dépenses. "Je compte sur mes collègues pour le répéter. Que chacun fasse le ménage chez soi".

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 9 Mai 2016 à 17:28 | Lu 1976 fois