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Avant le retour à terre, joie et anxiété pour les marins de l'Auvergne


A bord de la FREMM Auvergne, France | AFP | vendredi 21/12/2017 - "Toulon, H moins sept, l'équipe de quart vous souhaite une bonne journée et de belles retrouvailles!": ce matin, une musique de Noël résonne dans les coursives de la frégate multimissions (FREMM) Auvergne. Dans quelques heures prendra fin une mission éreintante de quatre mois en mer.

A l'horizon, sous un ciel bleu lavande, se dessinent enfin les côtes toulonnaises, quittées en août pour le premier déploiement long de ce bateau flambant neuf, fleuron français de la lutte sous-marine.
Dans quelques heures, familles et amis seront massés à quai pour accueillir l'équipage de 110 personnes, à l'issue de leur vaste périple à travers le globe: golfe arabo-persique, Malaisie, mer de Chine, Singapour, Australie, Indonésie, Sri Lanka...
"Depuis le départ de Colombo le 6 décembre, on n'avait pas de signal", se réjouit un jeune matelot en tapotant des textos sur la passerelle.
"C'est le début de la fin, je perds tous mes moyens!", plaisante le commandant de l'Auvergne, Xavier Breitel, en regardant partir l'hélicoptère Caïman et l'embarcation des commandos marine, direction la terre ferme.
Lena, 32 ans, l'une des 12 femmes de l'équipage, s'apprête à retrouver sa fille de 7 mois et son garçon de 5 ans. "Je n'ai qu'une envie: les serrer contre moi et les couvrir de bisous", sourit-elle en ouvrant les bras.  
Un crève-coeur de laisser son bébé derrière soi? " Jamais facile, pour une mère comme pour un jeune papa", tranche-t-elle. "Je connais des marins qui ont quitté des nourrissons de 10 jours pour qui c'était très dur. Mais j'ai le téléphone blindé de photos, et puis à bord on a Skype, pour se voir, discuter."
Elle et son mari, un marin lui aussi, ont décidé de partir à tour de rôle. "Ca me paraît logique et légitime. C'est un papa des années 2000!", dit la jeune femme. De sa traversée, elle garde en mémoire "des moments fatigants et de belles escales", comme l'Australie, "magnifique".
 

- 'Déconnectés' -

 
Hormis le sapin orné de boules rouges qui décore le carré des officiers, difficile pour l'équipage de se projeter dans l'ambiance des fêtes de fin d'année. "On ne réalise pas que c'est Noël, on est déconnectés de la vie à terre. Et puis on vient de pays où il faisait 30 degrés!" s'amuse Laetitia, 40 ans, bronzage radieux. 
Après 19 ans de mer, le retour à terre reste un moment "magique mais bizarre", confie cette sous-officier. "Le plus curieux, c'est le silence quand on rentre à la maison. Ne plus entendre le bateau craquer, le bruit des machines..." 
Edouard, officier de pont, plus de 20 ans de Marine derrière lui, ne cache pas une petite appréhension. 
"J'ai passé 217 jours en mer cette année. Je suis très impatient de retrouver la famille mais il y a aussi un peu d'angoisse... Il va y avoir des choses à régler avec les enfants", confie-t-il. 
"Ma femme m'a prévenu: à mon tour de m'en occuper!", renchérit Benjamin, papa de deux jeunes enfants, à peine la trentaine. Pas évident malgré tout de reprendre une vie normale, après une mission très dense à bord d'un bâtiment à l'équipage très resserré. 
"La FREMM demande de l'excellence. On est deux fois moins pour faire le même travail qu'avant", souligne ce spécialiste de la détection sous-marine.
"Moi j'ai besoin de deux jours tranquille quand j'arrive!" Arnaud, 35 ans, contrôleur hélicoptère, en racontant des journées de "16, 20h de travail". "Quand on vient de passer 4 mois à bord, on a parfois envie de s'isoler, mais c'est dur à faire comprendre, tout le monde veut vous voir, aller boire un verre, entendre vos histoires", explique-t-il.
"Il y a des gens qui ont du mal à quitter le bord, à s'imaginer devoir gérer le quotidien, les courses...", explique le commandant Christophe, chef machine. "En même temps, avec internet, on est déjà au courant des aléas de la vie à la maison. Avant on apprenait tout seulement en rentrant !" 

le Vendredi 22 Décembre 2017 à 05:26 | Lu 674 fois