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Aux urgences de Castres, un ras-le-bol qui déborde


Castres, France | AFP | mercredi 13/08/2019 - "Ce qu'a donné la ministre, c'est tellement rien que ça a été la goutte de trop": s'ils ont tardé à rallier la grève menée au niveau national, les soignants des urgences de Castres (Tarn) s'affirment désormais déterminés à "ne pas lâcher". 

Commencée le 31 juillet, après le déblocage de 70 millions d'euros au secteur par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, la grève est suivie par 77 des quelque 90 employés paramédicaux, selon le piquet d'une demi-douzaine de grévistes déployé devant l'accueil du centre hospitalier de Castres-Mazamet. 
"Ras la seringue", "la couche est pleine": dès le rond-point d'accès, des banderoles affichent le ras-le-bol. En réponse à une situation "se dégradant d'année en année", il couvait depuis longtemps, affirme Christine, une infirmière de 56 ans. 
A l'inauguration de l'hôpital, en 2011, les urgences enregistraient 34.902 entrées. En 2018, elles sont passées à 42.544, avec des dotations en baisse. 
La dynamique insufflée par la mobilisation nationale, la déception engendrée par la réponse gouvernementale ont fait le reste, selon Christine, l'une des rares à avoir déjà fait grève, il y a des lustres.  
La direction, qui n'a pas souhaité s'exprimer auprès de l'AFP, a pourtant fait des concessions lors d'une réunion la semaine dernière avec les grévistes, indique-t-on dans l'encadrement. 

- Trop peu trop tard -

Elle s'est notamment engagé à recruter deux infirmières supplémentaires et revaloriser les heures supplémentaires. Réclamé depuis longtemps, l'agrandissement et le réaménagement de la salle d'accueil pour les patients couchés a aussi était promis, actuellement le local, trop exigu est ouvert sur le couloir, sans intimité. 
Du "bla bla qu'il reste à concrétiser", et de toute manière une réponse insuffisante, tranche Valérie, une aide-soignante de 42 ans. 
"C'est six à huit infirmières et quatre aide-soignantes en plus qu'il nous faudrait", avance-t-elle, invoquant des coups de chauffe où "on ne sait plus par quel patient commencer". 
"Dans ces conditions, la douleur des patients est moins bien prise en compte, et leur état peut se dégrader", met en garde, Sylvie, ambulancière de 50 ans. 
Le matériel de base -- brancards, pieds de perfusion, fauteuils --  est aussi jugé insuffisant, parfois vétuste. "La base de la grève, c'est vraiment d'améliorer l'accueil des patients", insiste Valérie.
La France est "réputée pour avoir un des meilleurs systèmes de santé au monde, il faut le sauver", renchérit Sylvie Fabiani, responsable CGT de l'hôpital. 
Les autres doléances qui reviennent en boucle portent sur les heures supplémentaires non-prises en compte, les rappels incessants pour les besoins du service, l'alternance jour/nuit faute désormais de personnel nocturne dédié, les congés fractionnés... 
Un casse-tête pour un personnel majoritairement féminin, souligne Mélodie, 28 ans, mère d'une fillette. "En principe je suis à 80%, quand je fais 110% pour pallier les manques, qui se débrouille avec la nounou?". 
"Depuis juin, j'ai été rappelée au moins six ou sept fois, la direction joue sur notre culpabilité par rapport aux patients et aux collègues, mais maintenant je dis non", s'agace Christine. 

- "Soutien du public" -

La "pénibilité" que toutes invoquent, et qui alimente au niveau national la revendication d'augmentation des salaires, découle aussi à les entendre de rapports de plus en plus tendus avec les patients, exaspérés par des attentes qui s'allongent. 
"Crachats, agressions verbales, insultes font désormais partie de notre quotidien", affirme Christine, nostalgique, comme les autres anciennes d'un hôpital où les soignants "faisaient le forcing pour entrer". 
Toutes pourtant protestent de leur attachement à la structure hospitalière, et à sa notion de service public. "Mais c'est vrai que de plus en plus on se demande si on ne serait pas mieux dans le privé", relève Mélodie, selon qui la direction, prenant la mesure du risque, s'oppose à toute mise en disponibilité. 
Les responsables "vont essayer de nous avoir à l'usure, parce qu'en fait le service continue à tourner normalement, et nous à travailler, mais on est déterminés à ne pas lâcher", affirme Valérie. 
"Et on a le soutien du public, ce à quoi on ne s'attendait pas", relève-t-elle. Une pétition en ligne de soutien à leur mouvement a déjà recueilli plus de 12.000 signatures. 

le Mercredi 14 Août 2019 à 05:50 | Lu 310 fois