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Aux assises, l'accusé et son “obsession” pour son ex-femme


Tahiti, le 23 novembre 2022 – Au deuxième et avant-dernier jour du procès d'un maçon poursuivi pour avoir assassiné le compagnon de son ex-femme en juillet 2020 à Pirae, l'accusé a continué de nier avoir voulu causer la mort de la victime malgré le rapport accablant du médecin légiste qui a autopsié le corps de la victime. Lors des plaidoiries, les avocats des parties civiles ont quant à eux dénoncé le geste d'un homme qui était “obsédé” par son ex-compagne qu'il prenait pour un “objet”. 
 
Poursuivi pour l'assassinat du compagnon de son ex-concubine et pour des violences commises sur cette dernière, le maçon jugé depuis mardi devant la cour d'assises a de nouveau nié le caractère prémédité de son acte au deuxième jour de son procès, mercredi. L'homme de 35 ans, qui avait mortellement poignardé son rival après l'avoir surpris en plein sommeil le 18 juillet 2020 à Pirae, a assuré qu'il n'avait jamais eu “l'intention de le tuer”, mais qu'il s'était saisi d'un couteau car il voulait l'émasculer. Face à cette affirmation, la présidente de la cour d'assises lui a opposé l'extrême violence des cinq coups de couteau et des nombreux coups de pied et poing portés à la victime, même quand cette dernière se trouvait au sol, déjà très affaiblie. 
 
Et cette violence, ce sanglant passage à l'acte, c'est ensuite la psychologue qui avait expertisé l'accusé après les faits qui est venue la décrypter à la barre. Selon la spécialiste, l'accusé a une “personnalité immature et dépendante” qui fait qu'il n'a pas “les outils pour gérer les émotions dans la relation à l'autre”. Sa perception de lui-même – son narcissisme – étant très “négativisée”, c'est alors “l'autre qui peut lui attribuer des compétences ou déclarer des échecs”. Pour la psychologue, le passage à l'acte aurait résulté d'une “accumulation de faits”. “Incapable de se détacher” de son ex-compagne, l'homme n'avait pas accepté la séparation qui était tout simplement “insupportable à accepter dans la réalité”. Cette “dynamique d'obsession” de l'accusé envers son ex-compagne aurait mené au crime car ce dernier était “l'unique échappatoire” pour que l'accusé survive “en termes d'identité”. 
 
“Phase préparatoire”
 
Une obsession de l'accusé envers son ex-compagne qui a aussi été dénoncée par l'avocate de l'ex-femme et de la fille de la victime, Me Vahinerii Tavanae, lors des plaidoiries des parties civiles. “C'était un homme bon, attentionné et aimant. Une personne pacifiste et inoffensive qui a été tuée en raison de la jalousie de l'accusé, de sa volonté de récupérer la mainmise sur son ex-compagne”. L'avocate a ensuite lu une lettre écrite par la fille du défunt, une adolescente de 14 ans, à l'attention de l'accusé : “Je m'adresse à l'accusé. Je voudrais lui dire que je lui en veux vraiment d'avoir ôté la vie de mon père, mais malgré cet acte, je suis prête à lui pardonner pour ce qu'il a fait. Je suis consciente que ce que je fais va en décevoir plus d'un dans ma famille mais selon moi, c'est ce que mon père aurait aimé. Je ne te souhaite aucun malheur, mais plutôt que tu réussisses tous tes objectifs”. Après la lecture de cet écrit, la présidente de la cour d'assises a dû suspendre l'audience car certains jurés étaient très secoués sur le plan émotionnel. 
 
Au terme d'une suspension de dix minutes, l'audience a repris avec la plaidoirie de l'avocat du frère de la victime, Me Robin Quinquis, qui a rappelé que les photos de la scène du crime étaient effroyables tant il y avait du sang partout sur les murs et le sol de la maison du défunt. L'avocat a expliqué que son client était très proche de la victime, qui était son frère mais aussi son “meilleur ami”, son voisin et son “mentor”. Il a ensuite souhaité démontrer que l'accusé, qui a toujours soutenu qu'il avait commis un meurtre et non un assassinat, avait bien prémédité son geste. “Il y a eu une phase préparatoire, des coups d'une extrême violence puis une fuite organisée”, a conclu Me Robin Quinquis. 
 
Dernier avocat à s'exprimer pour la défense de l'ex-compagne de l'accusé, qui avait été violemment battue le jour du crime, Me Bruno Loyant a soutenu qu'il s'agissait aussi d'un “dossier de violences conjugales extrêmes”. “Ma cliente a vécu dix ans avec un tyran domestique, avec un type dont l'extrême jalousie l'a amené à assassiner un homme”. Le procès s'achèvera jeudi avec les réquisitions de l'avocat général et la plaidoirie de l'avocat de l'accusé, Me John Tefan. 

La victime s'est "vue mourir"

Selon le légiste qui a autopsié le corps du défunt, ce dernier souffrait de plusieurs fractures au nez et aux sinus. Il avait des dents cassées et présentait des lésions par arme blanche de plusieurs centimètres. L'homme, qui était en bonne santé, est décédé des suites d'un “choc hémorragique” consécutif à la section de son artère humérale droite, “l'artère nourricière” du bras, qui a provoqué une perte de sang “massive”. Il souffrait d'un “important traumatisme cranio-facial” provoqué par des “coups de forte intensité”. Interrogé sur le fait de savoir ce que l'homme avait ressenti après que son agresseur l'a abandonné dans une mare de sang, le médecin légiste a affirmé mardi qu'il s'était vu mourir et avait dû ressentir une immense “angoisse”. L'expert a également rappelé que le malheureux avait lui-même essayé de se faire un garrot mais qu'il n'avait pas réussi à faire un nœud. Sur la souffrance physique relative aux fractures faciales, le médecin l'a estimée à 6 sur une échelle maximale de 7. Il a par ailleurs soutenu que pour sauver la victime, il aurait fallu intervenir dans un délai maximal de 30 minutes après la section de l'artère humérale. 

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 23 Novembre 2022 à 19:18 | Lu 2067 fois