Tahiti Infos

Australie: Heures "désespérées" pour le gouvernement, suspendu à une élection partielle


Sydney, Australie | AFP | jeudi 17/10/2018 - Ça passe ou ça casse. Le gouvernement australien de centre-droit affronte ce weekend une législative partielle cruciale où les électeurs d'une affluente banlieue balnéaire de Sydney risquent de priver le Premier ministre Scott Morrison de sa maigre majorité parlementaire.

D'après les sondages, le gouvernement devrait perdre l'élection de Wentworth samedi et avec elle sa majorité d'un siège à la chambre des représentants. Les commentateurs politiques présentent ce scrutin comme celui qui aura le plus de répercussions de l'histoire moderne de l'Australie.
Un défaite dans une circonscription jadis réputée imperdable pour le Parti libéral (PL, conservateur) serait un énorme revers pour M. Morrisone, qui le mettrait en bien mauvaise posture pour les législatives de 2019. Depuis son arrivée au pouvoir fin août, son gouvernement va de crise en crise et est traversé par les luttes intestines. 
La vaste circonscription comprend l'emblématique Bondi Beach ainsi des habitants célèbres commme Russel Crowe et Hugh Jackman.
"L'élection ne pourrait pas venir à un pire moment pour Scott Morrison car parfois, gagner une partielle peut être insuffisant pour un nouveau leader, il faut la gagner de manière convaincante", commente pour l'AFP Nick Economou, politologue à l'Université Monash.
Une défaite, qui déboucherait sur un gouvernement minoritaire, ferait du Premier ministre un canard boiteux susceptible d'être victime d'une motion de défiance. 
La législative partielle est due à la démission de son siège parlementaire de l'ancien Premier ministre Malcom Turnbull victime d'un "coup d'Etat" interne à son parti. M. Turnbull a claqué la porte de la chambre basse malgré les appels de son camp qui lui demandaient de ne pas mettre en danger la majorité de la coalition formée par le PL avec le Parti national.
 

- "Electeurs bougons" -

 
"Depuis la +mort+ de M. Turnbull, ils s'écroulent devant nos yeux. Ils renoncent à leurs stratégies politiques, ils sont tous à l'ouest depuis le remaniement, ils ont perdu le cap sur des sujets qui faisaient leur force", poursuit M. Economou.
M. Morrison n'a pas ménagé ses forces en vue du scrutin, se montrant à de multiples reprises au côté du candidat libéral Dave Sharma. Il a également semblé vouloir jeter aux orties des décennies de politique étrangère dans une tentative désespérée pour séduire les électeurs de confession juive de Wentworth.
Le Premier ministre a ainsi évoqué l'idée de transférer l'ambassade de son pays de Tel-Aviv à Jérusalem, ce qui a sucité l'ire palestinienne ainsi que le courroux de l'Indonésie voisine, pays musulman le plus peuplé du monde.
Les sondages d'opinion montrent que M. Sharma, ancien ambassadeur d'Australien en Israël, est à la traîne des intentions de vote, à une dizaine de vois de la candidate indépendante Kerryn Phelps.
M. Turnbull, qui avait remporté son siège avec une avance de 18 points, a brillé par son absence au cours de la campagne.
Mais ses collègues du Parti libéral n'ont pas lésiné sur les moyens.
L'ancien Premier ministre John Howard, le dernier chef de gouvernement à parvenir à effectuer un mandat entier, a ainsi usé ses semelles jeudi dans les rues de la circonscription pour tenter de convaincre "les électeurs bougons" du PL de ne pas abandonner leur camp.
 

- "Désabusés" -

 
"C'est vraiment de la politique de petit niveau", a dit à l'AFP John Hewson, ancien chef du PL et ancien parlementaire. 
"Ils veulent gagner à n'importe quel prix, ils se fichent de ce qu'ils doivent faire pour atteindre ce but, ce qui va de alimenter le mécontentement envers le gouvernement de manière générale. C'est grave de faire les choses de cette façon".
Durant la campagne, des électeurs ont fait part de leur mécontentement face aux luttes intestines d'un gouvernement accusé de se regarder le nombril, dans un contexte d'augmentation du coût de la vie et de stagnation des salaires.
Mais "les gens désabusés ne sont pas seulement ceux qui ont du mal à joindre les deux bouts", estime Joseph Camilleri, professeur à l'Université La Trobe.
"C'est aussi ceux qui pensent que leurs opinions et leurs intérêts sont ignorés. (...) Cela fait un moment qu'on a un gouvernement qui passe d'un objectif tactique à court terme à un autre sans visée claire sur où en est l'Australie et où elle va".
Mme Phelphs, qui est gay, mène campagne sur des thèmes nationaux comme la lutte contre le changement climatique et le traitement réservé par l'Australie aux demandeurs d'asile, semblant marquer des points dans cette circonscription traditionnellement de la droite modérée.
Se débarrasser du Premier ministre est devenu un sport national en Australie, qui a connu six changements de dirigeant en dix ans. 

le Jeudi 18 Octobre 2018 à 03:54 | Lu 642 fois