Tahiti Infos

“Aujourd’hui, on veut de l’action”


Paris, le 3 mars 2024 - Le Salon de l’agriculture a refermé ses portes ce dimanche à Paris. Thomas Moutame, président de la Chambre d’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL), avait fait le déplacement. Tahiti Infos l’a rencontré sur la plus grande ferme de France.
 
Où en est-on dorénavant à la Chambre d’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL) ?
 
“J’ai été élu en juillet 2021 et c’est ma première fonction au sein de la chambre et c’est vrai qu’au départ, en tant que maire d’une commune à vocation agricole, j’ai continué à suivre les questions agricoles, lorsque j’ai été élu à l’assemblée en 1991, puis à sa commission de l’agriculture avant de devenir ministre en 2014. Pour moi, de ce fait, la chambre n’est pas un nouveau domaine : sur le terrain comme à la chambre, je parle en connaissance de cause.”
 
Quelle est à présent la vision du président de la CAPL ?
 
“Ma vision, c’est surtout la transition alimentaire ou plutôt la souveraineté alimentaire. Il y a quelques années, l’assemblée a voté à l’unanimité un schéma directeur pour la politique agricole à venir. Il faut reconnaître que nous importons plus de 70% de ce que nous consommons. Il y a certains produits comme le riz, la farine ou les pâtes, pour lesquels on n’a pas encore d’alternative. Par contre, concernant la farine, nous avons le ‘uru ou le manioc. À Taputapuātea, nous avons le projet pour une vingtaine d’hectares de planter du ‘uru, ainsi que de construire une mini-usine de transformation. Désormais, il faut pourvoir transformer tous ces produits comme le ufi, la banane, le taro, la patate douce, etc.”
 
Cette démarche intéresse-t-elle tous les archipels ?
 
“Aujourd’hui, on veut de l’action et nous nous concertons avec le ministre de l’Agriculture actuel et même les anciens. Ce qu’il faut, c’est continuer dans les archipels à construire des ateliers de transformation et mettre à la disposition des coopératives ou des associations des professionnels pour pouvoir transformer nos produits. Par exemple, aux Tuamotu, on dépend essentiellement du bateau qui apporte tout. D’ailleurs, le Covid nous a servi de leçon. Il faudrait plutôt créer des communes pilotes avec des objectifs : formation dans les écoles, sensibilisation des familles à l’environnement, à l’autonomie alimentaire, à la santé, etc.”
 
Quid de l’avenir de certains secteurs ?
 
“Il y a des problèmes pour l’ananas, la culture maraîchère, la vanille, etc. Peu de jeunes y sont intéressés. Aujourd’hui, ils veulent gagner de l’argent facilement. Je pense qu’il faut beaucoup les accompagner et plus les motiver avec des moyens et puis les suivre. Le métier d’agriculteur n’est pas un métier facile car il requiert courage et passion. Idem pour les pêcheurs. À Taputapuātea, on a créé des potagers pédagogiques et des ateliers de transformation pour que les enfants découvrent qu’il y a bien d’autres produits. On a réussi à doubler la production de carottes et je compte bien doubler la production de vanille dans les trois ans.”
 
Comment s’est passé le Salon de l’agriculture de Paris où la Polynésie française s’est particulièrement distinguée ? Sur le nouveau et magnifique stand, on a mis en valeur la vanille, les rhums et spiritueux, le chocolat et puis, par habitude, les cosmétiques et la perle. On a servi tous les jours des repas tahitiens et invité le public à goûter des préparations originales à base de ‘uru, banane séchée, patate douce, etc. Et n’oublions pas les médailles au Concours général agricole…
 
“Effectivement. Toutefois, on ne peut pas envisager d’apporter des produits frais (sécurité phytosanitaire oblige). Mais, lors de ces dégustations, le public nous demandait où l’on pouvait acheter les produits. Là, nous avons rencontré le grand patron de Rungis (marché d’intérêt national – NDLR) et ça été très positif, ne serait-ce que pour la banane séchée des Marquises. Il était enthousiaste.”
 
Les salons sont de plus en plus chers… Peut-on garder le stand pour l’an prochain ?
 
“Oui et en plus de la participation des exposants, la plus grande partie a été prise en charge par la Chambre d’agriculture. Cela dit, on peut essayer de garder le stand, mais je pense qu’il vaudrait mieux montrer ce qu’est la Polynésie en termes d’espace : montrer les archipels, l’étendue de notre Fenua.”
 
Qu’en est-il de la coopération technique entre La Réunion et la Polynésie, suite à la signature l’an dernier d’une convention sur l’échange de pratiques agricoles ?
 
“Eh bien, demain (aujourd’hui, NDLR), avec deux techniciens, je pars pour La Réunion. Durant trois semaines, ceux-ci étudieront d’un côté la réintroduction de la culture de ‘uru là-bas et de l’autre l’amélioration de la productivité de l’ananas à Tahiti (on va mettre en place une pépinière à Moorea, à Raiatea et à Taha’a) et aussi celle des légumes aux Australes…”
 
Quid des rencontres avec le président de la République, le ministre de l’Agriculture ?
 
“Le ministre est favorable à la signature d’un partenariat entre la présidence des Chambres de France et la nôtre. Quant au président, il a dit qu’il fera tout pour simplifier les relations administratives entre les chambres d’outre-mer et de l’Hexagone. J’en ai aussi parlé au Premier ministre.”
 

Rédigé par Philippe Binet le Dimanche 3 Mars 2024 à 16:54 | Lu 3497 fois