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Après l'attaque de requin, les clubs de plongée démentent tout "shark feeding"


Tahiti, le 2 mai 2022 – Après la morsure d'un bodyboardeur par un requin samedi à la Pointe des pêcheurs à Punaauia, le Syndicat polynésien des centres de plongée se défend et assure que les clubs respectent la législation interdisant le shark feeding. Sea Shepherd Tahiti et d'autres voix dénoncent de leur côté un laxisme des prestataires comme des autorités dans le respect de la loi.
 
"Les centres de plongée sont montrés du doigt sur la base d’informations erronées", se défend lundi le Syndicat polynésien des centres de plongée (SPCP) dans un communiqué de presse paru ce lundi matin, après la morsure d'un bodyboardeur, samedi, par ce qui semble être un requin tigre au spot de Sapinus à Punaauia. De mémoire d'homme, c'est la première fois qu'une telle attaque, par ce type de requins, a lieu à cet endroit qui attire à la fois les surfeurs pour ses rouleaux , les pêcheurs et les plongeurs en raison de sa faune abondante et de sa source d'eau claire sous-marine.
 
De nombreux pêcheurs et surfeurs habitués des lieux ont en effet dénoncé, ce week-end, une multiplication récente des bateaux de plongée dans le secteur. Ils laissent entendre que certains clubs y pratiquent le shark feeding. La SPCP, déplore donc "les déclarations lues dans la presse ce dimanche, qui affirment que le shark feeding pourrait être la cause d’un tel accident". Son président affirme que "aucun club [de plongée] ne s’adonne au nourrissage" et que les clubs de plongées "ne pratiquent en aucune manière le shark feeding depuis plus de quatre ans" en référence à l'adoption d'une loi du Pays interdisant cette pratique.
 
En place depuis octobre 2017, le code de l'Environnement de la Polynésie française stipule en effet qu'il est interdit "d’attirer à soi de quelque manière que ce soit des espèces sauvages, notamment par des gestes, bruits ou promesses de nourriture", dans l'ensemble de l'environnement marin. La pratique, qui n'était pas régulée avant 2006 en Polynésie, avait été auparavant interdite, par l'arrêté n°396 CM du 28 avril 2006, dans les lagons et dans un rayon d'un kilomètre autour des passes.
 
Une réglementation mal respectée
 
Cependant, dans un communiqué paru le 30 avril, Sea Shepherd Tahiti, dénonçait l'hypocrisie autour d'une réglementation qui ne serait pas toujours respectée : "Cette interdiction, depuis 4 ans, n’a jamais été prise au sérieux par certains prestataires touristiques (clubs de plongée, excursions nautiques…) et les autorités ont, depuis toujours, pris le parti d’attendre qu’il y ait un incident pour enquêter et agir." L'association souligne également que "la multiplication des infractions [à cette loi] vient modifier le comportement des requins et augmente les risques d’accidents, ce qui à terme changera le regard du Polynésien sur cet animal qui a depuis toujours été respecté."
 
Ainsi, en octobre 2020, plus de trois ans après l'interdiction totale de la pratique sur le territoire, un moniteur de plongée avait été condamné à six mois de prison avec sursis, pour avoir nourri des requins sur le site de plongée dit La Vallée blanche ce qui avait causé la morsure d'une plongeuse. Ce procès avait mis en lumière un certain laxisme dans le respect de la règlementation. Le procureur avait ainsi rappelé que le prévenu n’était pas "le seul à se livrer à cette pratique" qui est une "source de tensions commerciales" au fenua. L'avocat du moniteur avait également affirmé : "Dire que mon client représente la quasi-totalité du shark feeding en Polynésie relève de l’imagination". Il dénonçait déjà, la "profonde hypocrisie" des acteurs et des autorités sur le sujet. Le site de La Vallée blanche, par exemple, est encore souvent promu comme le lieu d'une potentielle rencontre avec un requin tigre. Il existe des témoignages de la présence de cages contenant des déchets de poissons, placées sur le tombant pour attirer le squale qui évolue plutôt au large naturellement.
 
Une source de tension
 
La SPCP, qui "adresse au bodyboardeur tous ses vœux de prompt rétablissement" témoigne également des tensions entre les différents usagers de l'espace situé en face de la Pointe des pêcheurs et craint que les clubs de plongée deviennent des boucs émissaires. Le syndicat dénonce ainsi les "actes de vandalisme sur les mouillages" des bateaux de plongée. "Le 8 mars dernier, un moniteur de plongée s’est retrouvé sous la menace d’un fusil harpon, sous l’eau, alors qu’il guidait sa palanquée" ajoute le syndicat qui espère que "les accusions dont [ils sont] aujourd'hui victimes ne sont pas une récupération opportuniste de l'accident".
 

​Que dit la loi sur le shark feeding en Polynésie française

CODE DE L’ENVIRONNEMENT DE LA POLYNESIE FRANÇAISE

ANNEXE à la loi du pays n° 2017-25 du 5 octobre 2017 relative au code de l'Environnement de la Polynésie française

Art. LP. 2200-1.- Sous réserve des dispositions spécifiques prévues par le présent code en matière de protection, de conservation et de gestion des espaces et des espèces et en l’absence de règlementation contraire, il est strictement interdit, en tout temps et en tout lieu, de perturber de manière intentionnelle le développement naturel des espèces sauvages et des écosystèmes qui leur sont associés.
On entend par perturbation intentionnelle la ou les actions menées par un être humain afin d’obtenir, pour son seul divertissement, une modification d’un comportement naturel d’un spécimen d’espèce sauvage. Il est notamment interdit :
• d'utiliser une chose qui, par son bruit ou ses vibrations, est de nature à troubler le calme et la tranquillité des espèces sauvages et de provoquer leur divagation ;
• d’attirer à soi de quelque manière que ce soit des espèces sauvages, notamment par des gestes, bruits ou promesses de nourriture, lorsque cette pratique risque de constituer une gêne pour les autres utilisateurs de l’espace ou d’attirer des prédateurs.

En outre, toute action menée par un être humain en présence d’un spécimen d’espèce sauvage doit respecter des principes stricts de sécurité ou de prudence afin de ne pas s’exposer lui-même ou exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente.
 

Rédigé par Antoine Launey le Lundi 2 Mai 2022 à 15:16 | Lu 2567 fois