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Après deux ans de déni, il reconnaît l’incendie de la DAS de Arue


Tahiti, le 1er septembre 2020 -Plus de deux ans après l’incendie criminel qui avait ravagé l’antenne des affaires sociales située à Arue, l’auteur des faits a été présenté devant le tribunal correctionnel mardi. Alors qu’il avait nié être l’incendiaire durant toute l’instruction de cette affaire, le jeune homme de 23 ans a cette fois reconnu l’intégralité des faits. Il a été condamné à quatre ans de prison dont deux ans ferme, assortis d’un mandat de dépôt différé. 
 
Durant plusieurs heures mardi matin, le tribunal correctionnel de Papeete s’est penché sur l’incendie volontaire qui avait détruit l’antenne des affaires sociales de Arue dans la nuit du 15 au 16 février 2018. Un jeune homme de 23 ans, père d’un nourrisson, comparaissait en effet pour répondre de "destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes" et "vol par effraction".
 
L’affaire, qui avait fait grand bruit, avait débuté par le signalement d’un incendie dans le bâtiment qui abritait l’antenne des affaires sociales de Arue le 16 février 2018, vers trois heures du matin. Arrivés sur place, les gendarmes et les pompiers avaient rapidement trouvé deux départs de feux, constatant ainsi que l’incendie était de nature criminelle et que l’auteur des faits était entré par effraction. Ils avaient aperçu des graffitis sur un mur sur lequel ils avaient lu le mot « Cash », et avaient fait la liste des objets volés dont 16 tickets repas destinés à un fast-food bien connu. Saisi par le parquet, les enquêteurs de la Brigade de recherches (BR) de Faa’a, avaient immédiatement averti le gérant de ce fast-food afin qu’il les prévienne si une personne se présentait avec les tickets volés. 
 

Pris par le fast-food



Il ne leur avait pas fallu attendre longtemps, puisqu’une jeune femme s’était présentée le jour-même de l’incendie, avec les tickets volés dans le fast-food en question. Interpellée à sa sortie, elle avait dénoncé son compagnon comme étant celui qui les lui avait donnés. Arrêté peu de temps après, l’individu déjà connu de la justice avait été placé en garde à vue. Il avait alors reconnu le cambriolage en mettant l’incendie sur le dos de deux autres jeunes hommes, eux-aussi déjà connus de la justice. Placés à leur tour en garde à vue, ces deux derniers avaient strictement nié les faits en expliquant qu’ils étaient dans une station-service lors du début de l’incendie. Un alibi rapidement confirmé par la vidéosurveillance de la station où on les voyait en train de faire un plein avant de se diriger vers la direction inverse du lieu de l’incendie. La propre vidéosurveillance du bâtiment incendié avait également démontré que le mis en cause était le seul présent sur les lieux durant la nuit où l’incendie avait été déclenché. Enfin, l’inscription retrouvée sur le mur avait été retrouvée sur son sac. "Cash", un surnom, en référence aux années où il était dealer de paka et d’ice à la sortie du lycée. 
 
Malgré ces preuves accablantes, le prévenu avait nié les faits durant toute l’instruction. Lors de sa comparution mardi et à la grande surprise du tribunal, il a finalement reconnu l’intégralité des faits en mettant ce revirement sur le compte de sa "maturité". "En mettant le feu à ce bâtiment, vous ne vous êtes pas dit que l’incendie pouvait se propager aux maisons avoisinantes ?" s’est agacé le président du tribunal. Réponse laconique du jeune homme : "Je ne me suis pas posé la question". Sans désarmer, le prévenu a ensuite évoqué ses quatre mois de détention provisoire à Nuutania qui l’avaient fait "réfléchir", la naissance de son enfant qui a "tout changé" et a expliqué au tribunal qu’il serait "dommage" de le mettre en prison puisqu’il a récemment trouvé un travail. À la grande surprise de l’auditoire et notamment de son avocate, il a ensuite longuement évoqué son adolescence et les années où il pouvait gagner jusqu’à 80 000 Fcfp par jour en vendant des sticks de paka. 
 
Une rédemption peu convaincante pour le représentant de la Polynésie française qui a affirmé que "ce monsieur" – le prévenu – avait un réel problème avec la réalité et qu’il fallait tout de même faire la différence entre "nier" et "affabuler". Tel qu’il l’a précisé, les dégâts causés par l’incendie ont été chiffrés à 39 millions de Fcfp. 

"Schéma de réinsertion"


Pour la procureure de la République, qui a requis cinq ans de prison dont deux ans ferme à l’encontre du jeune père, ce dernier n’a, durant l’audience, démontré "aucune évolution de son comportement". "Sous couvert de maturité, il n’a montré aucun changement quant à sa mentalité", a-t-elle affirmé avant de souligner le parcours "précocement ancré dans la délinquance" du prévenu qui est pourtant un "être intelligent, capable de réflexion et apte à sentir les tendances et les influences". Le représentant du ministère public a également expliqué qu’il ne croyait pas "une seule seconde" au "schéma de réinsertion" avancé par le jeune homme qui a "su se trouver un contrat de travail peu avant l’audience". 
 
Face à cette charge, l’avocate du mis en cause, Me Hina Lavoye s’est étonnée que la sincérité de son client n’ait pas été décelée par le procureur de la République : "Quand les gens ne font pas d’efforts pour se réinsérer, on le leur reproche. Quand ils en font, on leur dit que c’est pour faire meilleure impression devant le tribunal. On ne leur laisse aucune chance !" L’avocate s’est par ailleurs attardée sur le comportement du prévenu à la barre : "Il est venu face à vous aujourd’hui et a dit toute la vérité. Il a même évoqué un passé lié au trafic de stupéfiants alors que cela n’avait jamais été abordé. Même si cela fait écarquiller les yeux, on ne peut tout de même pas lui reprocher de ne pas être sincère." Après en avoir délibéré, le tribunal a condamné le jeune père à quatre ans de prison dont deux ans ferme assortis d’un mandat de dépôt différé. 

 

Rédigé par Garance Colbert le Mardi 1 Septembre 2020 à 22:26 | Lu 1103 fois