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Annonces de N. Sarkozy : revue de détail avec le Haut commissaire Richard Didier


Annonces de N. Sarkozy : revue de détail avec le Haut commissaire Richard Didier
Le Haut-commissaire Richard Didier présentait vendredi matin le bilan des dépenses de l’Etat en 2010 en Polynésie française, mais la conférence de presse a rapidement tourné au « debriefing » de l’interview accordée à nos confrères de La Dépêche de Tahiti par le Président de la République, Nicolas Sarkozy. Décolonisation, loi Morin, contrat de développement (ex-contrat de projet), CAPES français tahitien, le chef de l’Etat a saisi l’opportunité de cette interview pour s’adresser directement aux Polynésiens sur les sujets brûlants du moment, et faire quelques annonces. Comme la création, à court terme, de 1 000 CDD qui profiteront « aux plus démunis ». Sur ce point, l’Etat n’a pas traîné : « J’ai reçu ce matin ma délégation de signature », affirme Richard Didier. Tahiti Infos vous propose de revenir sur les déclarations du chef de l’Etat, à la lumière des nombreuses précisions apportées par le Haut commissaire vendredi matin.

1 000 contrats à durée déterminée : le petit coup de pouce de l’Etat aux plus démunis

« Je veux rappeler que seuls 25% des crédits du contrat de développement pour 2008/2013 sont consommés, ce qui ne peut qu’étonner dans la situation économique et sociale actuelle ». C’est dit avec retenue, mais c’est dit quand même : la Polynésie aurait les moyens de stimuler le secteur du BTP grâce aux crédits mis à sa disposition par l’Etat (25 milliards de francs sur 5 ans) dans le cadre du contrat de projets. Pourtant ces crédits sont sous-utilisés, notamment dans le domaine du logement social. Face à ces lenteurs, que peut faire l’Etat ? « Aider les plus démunis » via des contrats à durée déterminée, annonce N. Sarkozy. « Le dispositif existe déjà », précise le Haut commissaire. « Mais l’enveloppe allouée à ces CDD va être multipliée par 7 ». Ces CDD seront mis à la disposition des communes, des associations... Montant total de l’opération : 1,750 million d’euros, plus de 200 millions de francs Pacifique. Les salaires iront de 55 000 (pour les 16/26 ans) à 119 000 F (adultes de plus de 26 ans), et les contrats n’excéderont pas les 4 mois. Anecdotique ? « Ces contrats permettront d’apporter un complément de revenu à ces personnes pendant quelques temps », se félicite Richard Didier, qui précise que ces CDD seront assortis d’une obligation de formation.

Un projet de développement économique sur 10, 15 ans : du « concret » plutôt qu’ un « grand plan éthéré »

« Nous sommes prêts à accompagner le gouvernement de Polynésie sur la définition d’un projet de développement économique et social sur 10 ou 15 ans », avance Nicolas Sarkozy dans La Dépêche. Quelle forme prendra ce plan ? « Celle que voudra le gouvernement polynésien » répond le Haut commissaire. Qui préfère parler d’une « aide technique » plutôt que d’un « grand plan de développement assez éthéré, assez abstrait ». Tout comme le COST (le Comité d’Orientation Stratégique du Tourisme) avait été aidé par Atout France en 2010, le Pays pourrait donc être ponctuellement accompagné dans son développement par des experts, à sa demande, dans la veine de la mission emmenée par Anne Bolliet. Le gouvernement Temaru aura-t-il recours à cette assistance ? La proposition d’aide au chiffrage du plan de redressement, faite par l’Etat la semaine dernière, est pour l'instant restée sans réponse.

Loi Morin : une nouvelle concertation avec les associations

« Je comprends que les premiers résultats du Comité d’indemnisation aient pu décevoir les Polynésiens ». Le Président Nicolas Sarkozy reconnaît-il que les critères de la loi Morin sont trop stricts ? Il promet en tout cas une révision des critères géographiques et même « éventuellement » de la liste des maladies radio-induites. Une petite victoire pour les associations, comme Moruroa e tatou, qui dénonçait le 30 juin la « mascarade » des premières décisions du comité d’indemnisation : 11 demandes rejetées sur 12 examinées... Une nouvelle concertation sera donc rapidement lancée avec les associations, dans toute la France. « Il y aura une évolution positive, ça c’est certain » affirme le Haut commissaire ce vendredi. Un nouveau décret d’application devrait être proposé avant la fin de l’année.

CAPES de langue tahitienne : réouverture en 2013.

Il faudra attendre 2013 pour que soit à nouveau ouvert le CAPES de Reo Maohi, qui deviendra un CAPES de Lettres, option tahitien. La Polynésie a échoué à apporter la preuve de sa nécessité en 2012. « J’avais sollicité auprès du Pays des chiffres qui puissent démontrer ce besoin, mais on ne me les a pas donnés », précise le Haut commissaire. Le Président la République tient à rassurer toutefois : le poste de tahitien gelé en 2012 sera rattrapé en 2013.

Un représentant polynésien au sein des ambassades : une idée du Quai d’Orsay

La proposition devrait plaire au président Oscar Temaru, qui souhaitait ouvrir des ambassades de la Polynésie à l’étranger. Le Président de la République propose d’intégrer des « représentants de la Polynésie en charge du développement économique et du tourisme » au sein des ambassades de France. Le Haut commissaire précise : « J’en ai parlé avec l’ambassadeur de France à Pékin qui est demandeur. Il s’agira d’un appui administratif fort ». Le chef de l’Etat reprend là une suggestion inédite venue tout droit du Quai d’Orsay. N. Sarkozy s’est par ailleurs engagé à assouplir les formalités de demande de visas pour les Chinois souhaitant se rendre en Polynésie « notamment en réduisant la liste des documents à fournir pour les hommes d’affaire et les touristes. »

Réinscription : l’Etat reste fidèle à sa ligne de conduite

« Ce n’est pas ce que souhaitent les Polynésiens, et ils ont raison ». Le Président de la République tacle sans ménagement le gouvernement d’Oscar Temaru, qui entend réinscrire la Polynésie française sur la liste des pays à décoloniser de l'ONU. N. Sarkozy s’engage à « protéger les Polynésiens contre cette démagogie » tant qu’il sera Président de la République. Cela signifie-t-il que l’Etat va hausser le ton face à Oscar Temaru ? « Pas de changement de la ligne de conduite », nuance le Haut commissaire. La France « continuera à faire état de sa position auprès de ses partenaires dans les réunions internationales. » Qu’en dit Oscar Temaru ? «Je l’ignore », répond le Haut commissaire, qui n’en a pas parlé avec lui, et n’est « pas sûr que le président polynésien ait lu l’interview ».

Le président Oscar Temaru, en déplacement aux Tuamotu, n’a pas encore répondu à notre demande d’interview.


le Vendredi 15 Juillet 2011 à 14:09 | Lu 1946 fois