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Alerte de médecins sur les méfaits du porno chez les jeunes


Paris, France | AFP | vendredi 15/06/2018 - La pornographie en ligne, trop facile d'accès, inquiète des médecins qui ont lancé vendredi un "appel solennel" aux pouvoirs publics pour la protection des enfants et adolescents, exposés de plus en plus jeunes.

Ce cri d'alarme a été émis par le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof).
Ils demandent d'abord que la loi sur la protection des mineurs soit appliquée. C'est pour eux un impératif, à côté de campagnes régulières d'information et de sensibilisation destinées aux enfants, aux ados et aux parents, ainsi qu'une information sur la sexualité généralisée et renforcée en milieu scolaire.
Le Pr Israël Nisand, président du Collège, voudrait "frapper au porte-monnaie" les diffuseurs qui s'affranchissent de la loi.
"C'est le business qui prime", s'insurge-t-il. Il propose de rendre obligatoire le fait de donner des coordonnées de carte bancaire pour accéder aux sites X, en respectant la loi sur la protection des mineurs, et de lourdes amendes, 10 millions d'euros à la première infraction et en cas de récidive 50 millions d'euros sinon plus.
La pornographie véhicule une "image dégradante des femmes", déplore-t-il. De plus, "elle est de nature à nuire à nos enfants".
Les politiques ont peur de s'attaquer à ce sujet de crainte de passer pour "ringards", estime le Pr Nisand.
Les spécialistes dénoncent ainsi l'influence du porno sur les jeunes, qui prennent pour normes ce qu'elle banalise: éjaculation faciale, épilation intégrale, pénis surdimensionnés, sodomie, fellations en groupe, irrespect des femmes, voire violence. D'après eux, des garçons disent regarder du porno "pour voir ce que les meufs aiment", et des filles se plaignent que leurs petits amis leurs imposent des pratiques dont elles ne veulent pas.
 

- Parfois "une violence extrême" -

 
La gynécologue Ghada Hatem, fondatrice de la Maison des femmes à Saint-Denis, évoque aussi des ados enceintes qui "ne connaissent pas leur corps". Pour le Pr Nisand, les viols de mineurs par des mineurs augmentent.
Aujourd'hui, pour accéder aux sites X gratuits, un simple clic sur une case "J'ai 18 ans ou plus" suffit généralement. Ces sites cherchent à orienter vers des vidéos payantes, mais "permettent à nos jeunes de circuler pendant trois heures sur des vidéos parfois d'une violence extrême", décrit le Pr Nisand.
Un jeune de 14 à 24 ans sur cinq (21%) dit regarder de la pornographie au moins une fois par semaine (15% chez les 14-17 ans), 9% une fois par jour et 5% plusieurs fois par jour, selon une enquête Ipsos réalisée pour le Fonds actions addictions et deux fondations (pour l'innovation politique et Gabriel-Péri).
"Cela a des conséquences sur le développement des jeunes les plus vulnérables et les moins structurés psychologiquement", avec un "rapport peu adapté à la sexualité" et une "addiction", estimait le président du Fonds, Michel Reynaud, à l'occasion de la parution de cette enquête le 8 juin.
Les parents sous-estiment fortement la fréquence de cette consommation. Selon cette même enquête, ils ne sont que 7% à penser que leurs enfants regardent du porno une fois par semaine, alors que ceux-ci sont trois fois plus nombreux à le dire. 
Le Dr Serge Hefez, psychiatre à l'hôpital Pitié-Salpêtrière à Paris qui s'est joint à l'appel, estime, en fait, que la plupart des adolescents ont déjà vu des images pornographiques avant 15 ans.  
Visionner des images pornographiques n'est pas toujours voulu. Plus de 50% des 15-17 ans disaient être déjà tombés dessus sans l'avoir cherché, dans un sondage Ifop de mars 2017. Ces images qui arrivent par "effraction" peuvent être traumatisantes, relève le pédopsychiatre.
Pour autant, il ne se veut "pas alarmiste". D'une part l'addiction ne concerne qu'une minorité, qui doit être aidée pour s'en libérer. D'autre part, une majorité de jeunes prennent leurs distances avec ces images, avertis des artifices du X.

le Vendredi 15 Juin 2018 à 06:48 | Lu 5614 fois