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Air Tahiti : "Nous faisons une desserte à proportion de la somme allouée"


Air Tahiti : "Nous faisons une desserte à proportion de la somme allouée"
Tahiti, le 13 juillet 2020 – Après la reprise du dialogue, l'heure est à la reprise des vols pour la compagnie domestique qui doit la continuité de la desserte des îles déficitaires au soutien financier du Pays. Un programme minimum vient d'être publié au Journal officiel du 9 juillet dernier pour éviter le mécontentement général. En attendant les touristes, c'est vers la clientèle locale que Air Tahiti déploie tous ses efforts, non sans un certain succès. Un pis-aller qui ne permettra pas de tenir dans le temps et en tout cas pas au-delà de 2020. Le Pays désormais aux commandes, moyennant dédommagement, a prévu d'instaurer un fonds de continuité territoriale pour assurer la desserte des îles les plus enclavées. Il lui reste moins de six mois pour trouver une ou plusieurs sources de financement. Locaux ou touristes ? Manate Vivish fait le point sur la situation actuelle et à venir de la compagnie.
 
Le ciel semble se dégager pour Air Tahiti, après les discussions et les accords pris avec le gouvernement qui s'est engagé à un versement de 450 millions de Fcfp pour l'année en cours, à condition qu'il n'y ait aucun licenciement. Est-ce une somme suffisante pour respecter cet engagement ?
 
"L'audit qui a été réalisé avant la crise Covid laissait apparaître un déficit d'1,5 milliard. Après en avoir discuté avec le Pays, il a été décidé qu'il nous accorderait pour une demi-année la somme de 450 millions. Ce qui ne correspond pas à la moitié d'un semestre de déficit. Nous avons donc convenu avec le Pays que le programme de dessertes des îles à désenclaver serait en adéquation avec ces 450 millions. Nous faisons une desserte à proportion de la somme allouée. Toutes les îles sont desservies, mais de façon moins soutenue. Nous avons passé des accords avec les syndicats et les salariés pour baisser les rémunérations environ de moitié et ceci en fonction de l'activité. Ces accords devraient perdurer jusqu'à la fin de l'année, même si nous avions prévu, au moment de la signature de nous retrouver en septembre."
 
À quoi peut-on s'attendre pour 2021 ? Vous avez fait remarquer que le déficit de la desserte de la grande majorité des îles s'élevait à 1,5 milliard par an. Attendez-vous que le fonds de continuité territoriale prévu par le gouvernement vienne combler ce trou ou le programme des vols sera-t-il lui aussi revu à la baisse ?
 
"Il faut comprendre que Air Tahiti ne sera pas le principal décisionnaire en termes de désenclavement. Il s'agit selon nous d'un service public qui doit être financé par le Pays. À partir du moment où le Pays le reconnait, il lui incombe de définir le programme des vols, leur qualité et leur volume. Jusqu'à présent, le Pays ne payait pas, alors on a fait ce que l'on pensait être bon pour la collectivité en fonction de nos moyens tout en dégageant des résultats qui pouvaient satisfaire nos actionnaires. Cette recherche d'équilibre entre tous ces paramètres va arriver à son terme avec l'émergence d'une délégation de service public à compter de l'année prochaine. Le Pays travaille sur le dossier et déterminera le nombre de vols et l'offre qu'il pourra mettre en place sur chacune des destinations. Nous chiffrerons ensuite ce programme. Maintenant, nous ne sommes pas les seuls opérateurs."
 
Délestée du système de péréquation que la compagnie avait mise en place, et donc à un gain de rentabilité, peut-on s'attendre à une baisse des prix sur les lignes, comme Bora Bora, autrefois fortement impactée ?
 
"Certainement. C'est en tout cas l'objectif qui sera recherché. Nous serons en capacité d'avoir des prix qui soient davantage en corrélation avec les coûts opérationnels de ces destinations rentables. Aujourd'hui, il existe une distorsion des prix entre le prix réel et le coût pour le client. Je précise qu'il s'agit des clients touristes, parce qu'il est très important de comprendre que ce sont les touristes qui payent et pas la clientèle locale qui bénéficie de nombreux avantages comme les vols bleus ou blancs ou encore de la carte famille ou marama, ou encore des différentes promotions. Tout ça est mis en œuvre et permet à la clientèle locale de payer jusqu'à -20, -25% en moyenne par rapport à ce que paye un touriste. Les tarifs clientèle locale devraient baisser un petit peu, mais les grands bénéficiaires seront les touristes qui sont les principaux contributeurs. La question qui se pose est de savoir si le Pays va externaliser le modèle, et donc continuer à ce que ce soit le touriste qui soit taxé pour alimenter le fonds de continuité territoriale. Soit on continue de stigmatiser les touristes et faire en sorte que ce soit eux qui payent, soit on élargit l'assiette fiscale, avec une contribution plus générale."
 
Air Tahiti cherche toujours à être indemnisée par le Pays à hauteur de 936 millions de Fcfp pour avoir assuré les dessertes de désenclavement entre 2017 et 2019. La compagnie a ainsi fait appel des décisions défavorables du tribunal administratif rendues en mai dernier lui refusant ces indemnisations. N'est-ce pas un sujet de discorde avec le Pays alors que le sujet de la recapitalisation est sur la table ?
 
"Nous sommes toujours demandeurs de cette somme et nous irons au bout de cette démarche. La décision fera partie de l'équation finale. Si Air Tahiti obtient cette somme du Pays, elle pourrait venir en déduction du besoin de recapitalisation. Tous les formats sont sur la table."
 
Qu'en est-il de la flotte de la compagnie ? Faut-il la repenser ?
 
"On aurait bien voulu le faire. En toute logique, il aurait fallu qu'on se sépare de quelques ATR. Mais qui va nous en acheter. Nous en avions dix en activité, dont un en leasing. Nous n'allons pas le garder et le renvoyer prochainement. Quant à l'achat d'un ATR programmé pour début 2021, il a été reporté à 2023-2024. Nous réfléchissons à un renouvellement de la flotte Air Archipels pour la partie Evasan. Mais il nous faudrait vendre ceux dont nous disposons avant d'en acquérir des neufs dont le prix, en raison de la crise, a considérablement baissé."
 
Air Tahiti pratique actuellement une politique de prix très incitative, quels en sont les retours ?
 
"Cette politique fonctionne très bien. La clientèle locale a massivement répondu, au point que nos standards ont submergés, des boites mail ont "explosé" et je tiens à m'en excuser auprès de notre clientèle. Nous avions visé 50% de la clientèle locale par rapport à l'année dernière et au 9 juillet nous sommes déjà à 75% de cet objectif. Tout se passe bien en termes de volume de trafic, par contre, au niveau des recettes, le chiffre d'affaires s'effondre et on ne récupère pas le chiffre d'affaires que l'on avait sur ce segment l'année dernière. Il faudra attendre la clôture du mois de juillet pour savoir véritablement si l'effet valeur aura été compensé par l'effet volume."
 
Quelles sont les destinations les plus demandées ?
 
"On retrouve prioritairement les dix premières dessertes de la reprise. Il y a eu quelques effets de bord sur les neuf destinations qui ont été rajoutées. Il est questions des Îles Sous-le-Vent et des Tuamotu Nord. D'ailleurs, dans certaines de ces dernières îles, on a dû arrêter les ventes parce que les pensions de famille étaient pleines. Si nous avons privilégié l'effet volume, c'est pour permettre aux pensions de famille de récupérer de l'activité. Si nous ne gagnons pas beaucoup d'argent, mais que les pensions récupèrent de l'activité, c'est potentiellement redonner la possibilité au tissu économique de ces îles de se reconstruire. Une fois reconstitué, les gens pourront à nouveau voyager ; c'est un cercle vertueux."
 
Votre programme court jusqu'au 15 août, est-ce à dire qu'il faut s'attendre à en trouver un  nouveau à compter de cette date ?
 
"On avait effectivement annoncé un programme jusqu'à fin août, mais compte tenu de l'accord signé avec le Pays jusqu'au 31 décembre, le programme sera rallongé d'autant. Le Pays étant en soutien financier, on peut garantir le programme jusqu'à la fin de l'année. Le programme établi est minimal, si la demande devait dépasser les prévisions, nous rajouterions des vols, au risque et péril financier de la compagnie."
 
Quelles sont les différences notables entre le programme qui vient d'être établi et celui qui prévalait avant la crise ?
 
"On peut parler d'une baisse globale de 50% des vols. Cette baisse n'est pas linéaire, les Îles Sous-le-Vent sont plus touchées que d'autres archipels, cela s'explique par la baisse touristique. On attend maintenant de voir comment la situation va évoluer avec la reprise des vols internationaux. Si les flux touristiques sont au rendez-vous, cela générera une reprise d'activité sur les Îles Sous-le-Vent. Sur le reste des dessertes, notamment les plus petites, il n'y a pas trop de changement. Par contre, nous construisons nos rotations différemment. Nous mutualisons davantage les vols, ce qui génère une baisse de l'offre au niveau de ces îles, puisque l'avion est "saucissonné" en destinations."
 

Rédigé par TM le Dimanche 12 Juillet 2020 à 20:02 | Lu 5139 fois