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Affaire Sofipac : William Bernier et ses onze co-prévenus fixés sur leur sort en janvier


Pour Me Gourdon, avocat de William Bernier, "il n'y a pas une preuve tangible d'un éventuel enrichissement" de son client dans cette affaire.
Pour Me Gourdon, avocat de William Bernier, "il n'y a pas une preuve tangible d'un éventuel enrichissement" de son client dans cette affaire.
PAPEETE, le 26 octobre 2015 - Le tribunal correctionnel a mis sa décision en délibéré au 19 janvier 2016 dans le procès d'escroquerie à la défiscalisation qui a défrayé la chronique, du 12 au 16 octobre derniers. L'audience, suspendue depuis la tentative de suicide du principal prévenu William Bernier, sonné par les 7 ans de prison avec mandat de dépôt requis contre lui par le parquet, s'est conclue ce mardi matin par la plaidoirie de son avocat.


Les douze prévenus contre lesquels le parquet avait requis de lourdes peines d'amendes et d'années de prison ferme, avec mandat de dépôt pour certains, pour escroquerie dans le vaste dossier Sofipac de fraude à la loi Girardin, seront fixés sur le sort le 19 janvier prochain. Le tribunal a mis sa décision en délibéré à cette date ce mardi matin, après avoir entendu la plaidoirie de Me Gourdon, dernier intervenant et avocat de l'ex-patron de la Sofipac, le principal prévenu, William Bernier.

Le procès avait été suspendu le 15 octobre dernier après que ce dernier, sonné par les réquisitions, a tenté de mettre fin à ses jours en s'entaillant les veines et la gorge. Hors de danger mais toujours hospitalisé, en psychiatrie, il était absent pour entendre son conseil plaider "son manque de rigueur", "sa négligence" et "son laxisme" dans la gestion de ses affaires, mais en aucun cas "la préméditation" ni "la volonté de commettre des actes aussi graves".

Plus de 300 dossiers frauduleux

Entre novembre 2006 et décembre 2009, la Société financière du Pacifique de William Bernier a ainsi procédé au montage administratif et financier de 311 dossiers de défiscalisation pour une escroquerie pharaonique finalement chiffrée à plus de 3,8 milliards de Fcfp, pour 1, 37 milliards de francs de crédits d'impôts non perçus par l'Etat.

William Bernier et ses apporteurs d'affaire, l'intrigante Yolande Wong Lam en tête, étaient soupçonnés, chacun à leur niveau, d'avoir mis en place et entretenu pendant toutes ces années une façon très personnelle de gérer les dossiers de défiscalisation instruits par la Sofipac, en prenant de sérieuses libertés avec le cadre légal régissant le dispositif Girardin d'incitation à l'investissement outre-mer.

Dossiers fictifs, fausses factures, perception anarchique de commissions, rétention sur un compte bancaire au nom de la société puis distribution hors cadre légal de l'argent destiné aux bénéficiaires des projets défiscalisés, montages illégaux pour l'achat de matériel d'occasion donc inéligible au dispositif Girardin : un contrôle de l'administration fiscale ira de surprise en surprise au point d'en alerter la justice.

La Sofipac prenait soin que ses dossiers ne dépassent pas le seuil des 36 millions de francs, en dessous duquel l'agrément du ministère des Finances n'était pas nécessaire et les contrôles de réalisation quasi inexistants. En métropole, un cabinet de défiscalisation choisi par Bernier et dont les acteurs du procès se sont tous étonnés que ses représentants n'aient pas aussi été renvoyés en justice, se chargeait de trouver les investisseurs français en quête d'optimisation fiscale. En bout de chaîne au fenua, les petits exploitants du secteur primaire, de la perle ou de la petite hôtellerie démarchés par les apporteurs d'affaire servaient en réalité de prête-noms, rares étant ceux qui bénéficieront finalement des financements et matériels qu'ils étaient en droit d'attendre.

"Un cou d'enclume sur la tête de mon client"

Le parquet avait requis 7 ans de prison ferme avec mandat de dépôt à l'audience, 100 millions de francs d'amende et la saisie du solde d'une importante assurance-vie contre William Bernier, présenté comme la tête pensante de ce dispositif et soupçonné d'avoir mis beaucoup d'argent à gauche, entre compte en banque en Suisse, assurances-vie justement et achats immobiliers à Paris et dans le sud de la France . "Un coup d'enclume sur la tête de mon client", a indiqué en préambule de son intervention Me Gourdon. "Aucune poursuite ne devrait conduire quelqu'un à de telles extrémités, en particulier pour fraude, que l'on soit convaincu ou non de sa culpabilité".

Pour Me Gourdon, William Bernier, 71 ans, n'a pas agi avec préméditation, et encore moins en bande organisée : "Les apporteurs d'affaires n'étaient pas à ses ordres, il a fait confiance à ces personnes indépendantes et qui n'étaient pas des salariés de la Sofipac. Or l'auteur de l'infraction est celui qui commet les faits. Mon client était en fin de carrière, il avait levé le pied, s'est montré négligent dans la conduite de ses affaires. Bien sûr il y a eu des irrégularités… Mais ce n'était pas organisé, il n'y avait pas conscience de ce dérapage tel qu'on le reproche à mon client".

Me Gourdon qui a enfin rappelé "que pas une seule preuve tangible d'un éventuel enrichissement considérable" de son client n'a été apportée au dossier, William Bernier n'ayant par ailleurs "jamais cherché à fuir la France ou la justice" comme il aurait pu être tenté de le faire "s'il avait tous ces milliards" qu'on lui reproche d'avoir empochés.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 27 Octobre 2015 à 12:58 | Lu 1313 fois