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Affaire Krauser : les témoins du meurtre encore sous le choc de ce qu'ils ont vu


C'est avec ce couteau de cuisine que Jacques Krauser, 61 ans, avait poignardé sa compagne à mort devant le voisinage médusé.
C'est avec ce couteau de cuisine que Jacques Krauser, 61 ans, avait poignardé sa compagne à mort devant le voisinage médusé.
PAPEETE, le 17 septembre 2015 - Les jurés se penchent depuis ce matin, et jusqu'à demain soir, sur le cas de Jacques Krauser, cet homme de 61 ans accusé du meurtre de sa compagne, Solange Cumming, 48 ans, en juin 2013 à Toahotu sur la presqu'île de Tahiti. Le sexagénaire l'avait pourchassée dans la nuit, avant de la poignarder à mort, froidement et sans raisons apparentes. De nombreux voisins, alertés par les appels au secours, avaient assisté à la scène, impuissants. Bipolaire, il plaide la démence passagère.

Suicidaire –il avait notamment tenté de se pendre en prison en novembre 2014 provoquant le report de son procès - et souffrant de troubles bipolaires, Jacques Krauser, maniaco-dépressif, a-t-il été pris d'une crise de démence passagère quand il a froidement poignardé sa compagne dans la nuit du 22 au 23 juin 2013, comme il l'a encore prétendu cet après-midi depuis le box des accusés ? Le sexagénaire n'a en tout cas donné aucune autre forme d'explication à son geste, la grande inconnue de ce dossier.

Le soir du drame, l'accusé, installé dans une vie de marginal, avait tranquillement dîné avec celle qui partageait sa vie depuis un peu plus d'un an. Le couple s'était retrouvé au domicile d'un ami de Jacques pour passer la nuit. La soirée s'était terminée au lit après avoir regardé une retransmission sportive à la télé. Puis Solange s'est réveillée. Et Jacques dans la foulée. Le couple se croise dans la cuisine. Jacques s'empare d'un couteau, poursuit Solange qui appelle à l'aide, tremblante de peur, et la poignarde quelques instants plus tard à l'extérieur de la maison.

"J'étais dans un état de démence"

Que s'est-t-il passé dans sa tête à ce moment-là ? Impossible de le savoir. La présidente de la cour, les avocats et l'avocat général s'y sont cassé les dents à plusieurs reprises. Entre deux silences, Jacques en revient toujours à la même histoire : "J'étais en état de démence, c'était hors de moi", explique l'accusé dans l'une de ses rares interventions, en regardant en l'air, balayant l'espace avec son bras. C'est pourtant bien lui qu'une ribambelle de voisins, tirés de leur sommeil par les appels au secours de Solange, ont vu pourchasser la malheureuse dans la pénombre puis lui asséner au moins deux coups de couteau mortels au ventre, après qu'elle ait trébuché par terre en tentant de lui échapper.

Jalousie ? Jacques jure que non. Ses trois ex femmes qui l'accusent d'être violent, de courir le jupon ? Des fadaises. Projet de vie commune avorté, dispute éventuelle le soir du drame, peur que Solange le quitte, toutes les pistes explorées sont balayées par Jacques sans plus d'explications. A l'écouter tout allait bien. Cette petite crise de démence passagère mise à part : "Quand je me suis réveillé j'ai senti que je perdais les pédales, je suis allé chercher un couteau. C'était d'abord pour me piquer le ventre à moi".
Sauf qu'aucune trace d'atteinte à sa personne ne sera relevée par les experts. Solange, elle, a bien été tuée d'au moins deux coups de couteau dans le ventre.

"Il était froid, il me faisait peur"

Jacques présente mal. Mâchoire serrée, visage fermé, sec, aussi terne que ses cheveux gris, il répond par oui ou par non, se mure dans le silence dès que la cour tente de savoir, se replie derrière cette crise de démence supposée sans jamais donner l'impression de se demander si le problème ne vient pas d'ailleurs. "Vous parlez de démence, mais en même temps vous êtes capable de nous raconter tout ce qu'il s'est passé ce soir-là", relève à ce titre Me Toudji, l'une des avocates de la partie civile. "J'avais arrêté mon traitement", s'enferre le bipolaire qui biaise la réponse, en expliquant qu'il ne prenait plus ses antidépresseurs depuis des mois.


Dans la matinée, sept témoins de la scène ont défilé à la barre, livrant tour à tour leur version de ce qu'il s'est passé. Voisins, ils ont tous été réveillés par les appels au secours de la malheureuse. Si aucun d'entre eux n'a entendu de dispute éclater entre Jacques et Solange, tous garderont à jamais dans leur esprit cette image d'un homme poignardant froidement sa compagne, sous leurs yeux.

"J'ai allumé la lumière, je suis sorti, je pensais que c'était une bagarre", raconte l'un d'eux en faisant des pauses, encore sous le choc de ces images qui lui remontent à la tête. "Elle courait de gauche à droite comme pour lui échapper. Elle est tombée. Il s'est mis à genoux devant elle et il a donné deux coups de couteau. C'est elle qui a retiré le couteau et qui l'a lancé au loin".

"La mamie criait au secours ! Il y avait du sang, elle était déjà blessée", poursuit un autre voisin. "Je pensais qu'il la frappait, jusqu'à ce que je vois le reflet de la lame d'un couteau dans la lumière. J'ai vu deux coups de couteau. Elle se débattait de toutes ses forces pour le repousser mais il n'y avait rien à faire". Et ce témoin, qui confesse ne plus dormir depuis deux semaines à cause de ce procès, de s'attarder sur l'attitude de Krauser juste après le meurtre : "Son regard était froid, il nous a fixé pendant deux minutes, ça faisait peur". "Il était sur elle, il l'a pas tapée, il l'a poignardée directement", se souvient un dernier témoin. "Juste après, il s'est assis par terre et il nous a regardé, il m'a semblé qu'il ne ressentait rien".

L'avocat de Jacques Krauser, Me Fidèle, va tenter de démontrer le contraire aujourd'hui, le verdict est attendu demain vendredi dans la soirée.

L'accusé "avait un regard très froid, il nous a regardé, c'est comme s'il ne ressentait rien" raconte un témoin.
L'accusé "avait un regard très froid, il nous a regardé, c'est comme s'il ne ressentait rien" raconte un témoin.

Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 17 Septembre 2015 à 17:39 | Lu 2768 fois