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Accusée par le Tapura de complot, l’intersyndicale dément à l'unisson


Lucie Tiffenat, Angélo Frébault, Atonia Teriinohorai et Cyril Le Gayic, les leaders de l'intersyndicale contre la réforme du système des retraites.
Lucie Tiffenat, Angélo Frébault, Atonia Teriinohorai et Cyril Le Gayic, les leaders de l'intersyndicale contre la réforme du système des retraites.
PAPEETE, 30 avril 2018 - Accusés par le Tapura Huiraatira de complot en vue "pourquoi pas" de l’organisation d’émeutes, les leaders de l’intersyndicale contre la réforme des retraites démentent mais confirment soutenir le Tahoera’a Huiraatira pour les Territoriales.

Le second tour des Territoriales aura lieu ce dimanche en Polynésie française. L’enjeu est de taille : définir le visage de l’assemblée territoriale, troisième institution du Pays, pour les cinq ans à venir. Le Tahoera’a Huiraatira s’est illustré par une contre-performance, en se plaçant près de 17 000 voix derrière le Tapura Huiraatira, au premier tour de scrutin dimanche 22 avril, sur l’ensemble de la Polynésie française. Un tel résultat au second tour offrirait une majorité de 36 à 38 élus au parti d’Edouard Fritch, le 6 mai. Et c’est dans ce contexte que le Tapura Huiraatira s’en prend aujourd’hui aux leaders syndicaux, en les accusant de "manipuler les salariés".

Dans un communiqué diffusé dimanche après-midi, le parti de la majorité accuse l’intersyndicale contre la réforme des retraites de s’être réunie vendredi "au CESC pour discuter stratégie politique pour le second tour, et pourquoi pas des émeutes voulues par Flosse". Et, en tout état de cause, "faire barrage au Tapura", "mobiliser les salariés (…) et espérer faire revenir le Tahoeraa sur le devant de la scène".

Jeudi dernier, le leader du Tahoera’a Huiraatira avait accusé le gouvernement Fritch d’immobilisme et redouté, lors d’une conférence de presse organisée au siège du parti, immeuble Wohler à Papeete, que la population ne finisse par se soulever, s’il venait à adopter la réforme paramétrique du système polynésien de retraites, au lendemain des Territoriales, une fois confirmé au pouvoir. "Vous savez, le Polynésien est patient ; mais sa patience a des limites. Et lorsqu’il se fâche, il est méchant. Vous savez ce qu’il s’est passé en 1995. Nous ne souhaitons pas que cela se reproduise. A moins que ce soit, peut-être, ce que Edouard Fritch projette", avait glissé le Vieux Lion en brandissant l’épouvantail des émeutes de septembre 1995. Le mouvement politico-syndical avaient embrasé l’aéroport de Tahiti-Faa’a et une partie de la ville au lendemain de la reprise des essais nucléaires à Moruroa, après quatre ans de moratoire.

"Autour d’Angelo Frébault", assure le communiqué du Tapura à propos de cette réunion syndicale, "Cyril Le Gayic de la CSIP, Atonia Teriinohorai de O Oe To Oe Rima et Lucie Tiffenat de Otahi. Les mêmes qui ont roulé les salariés pour propulser Angelo Frébault sur la liste du Tahoeraa Huiraatira. Le chef d’orchestre de cette réunion, c’était Cyril Le Gayic, (...) dont la fille figure sur la liste du Tahoeraa aux côtés d’Angelo Frébault".

"Alors ça c’est la meilleure", s’est exclamé Angélo Frébault, invité à réagir, lundi matin. Le meneur de l’intersyndicale contre la réforme des retraites conteste avoir participé à cette réunion, vendredi : "J’étais au courant qu’ils se réunissaient. Mais y être moi ? Pas du tout !", a démenti l’ancien secrétaire général de la CSTP-FO, aujourd'hui en place éligible sur la liste orange. "Tout ce qui se passe au niveau du travail. Je suis au courant. Mais tous les jours je suis sur le terrain. Je ne regarde même pas la télé ; j’ai des réunions tous les soirs de 7 heures à 9 heures. (…) Je n’ai rien à vous dire du côté syndical. Je suis un candidat. (…)". Un petit mensonge du n°2 de la liste Tahoera’a Huiraatira sur la première section des îles du Vent bien vite épinglé, après simple vérification auprès du CESC. Les agents présents vendredi matin au siège de l’institution assurent avoir vu Angélo Frébault et même Patrick Galenon participer à cette réunion, dans les locaux de la bibliothèque, au rez-de-chaussée du Conseil économique social et culturel, "de 8 h 30 à midi". Cyril Le Gayic (CSIP) était là, de même qu’Atonia Teriinohorai accompagné d’un collègue du syndicat O Oe To Oe Rima, et Lucie Tiffenat pour Otahi. (MàJ le 30 avril à 14 h 30) "J'étais là pour apporter les clés du Tucson du CESC", a contesté M. Frébault en assurant n'avoir pas participé à la réunion syndicale.

En ce qui concerne l’accusation de comploter en vue de l’organisation d’émeutes : "Vous nous avez vu marcher contre la réforme des retraites. Les trois manifestations se sont déroulées dans la paix", affirme Angélo Frébault. "Ce n’est pas moi qui ferai l’inverse, aujourd’hui. En revanche, ce dont le Tapura a peur, c’est que le monde du travail prenne conscience de sa volonté de valider cette loi".

"Ça c’est vraiment le Tapura…", s’est emporté Atonia Teriinohorai, également contacté lundi. "Cette réunion entre les quatre organisations avait pour but de faire le point sur ce que nous avons mis en place par rapport à la PSG. On a demandé aux salariés de voter contre la réforme de la PSG. (…) On n’a jamais convenu qu’on allait bloquer. Ça c’est le système politique du Tapura pour casser tout le monde", analyse le secrétaire général du syndicat O Oe To Oe Rima. En revanche, ce qu’il ne dément pas, c’est son soutien au Tahoera’a : "Je suis indépendantiste de cœur. Pour l’indépendance du monde salarial. Et le seul parti politique qui a défendu notre mouvement contre la réforme du système de retraites est le Tahoera’a. Je ne suis pas Tahoera’a, mais j’appelle à voter contre la réforme". Et bien vite : "Ce communiqué est un tissu de mensonges : à aucun moment nous n’avons parlé de l’organisation d’émeutes, ni de blocage. Mais s’ils le prennent comme ça au Tapura, si c’est ça leur façon de gouverner, je vais appeler à voter Tahoera’a".

Quant à Cyril Le Gayic, présenté par le communiqué comme le "chef d’orchestre de cette réunion" : "Un, on n’a jamais appelé à l’émeute ; deux, on n’a jamais appelé à boycotter les élections ou voter pour untel ou untel", dit le secrétaire général adjoint de la CSIP, qui assure être parti avant la fin parce qu'il avait une autre réunion. "Moi, Le Gayic Cyril, je soutiens ma fille, c’est normal, non ?", admet le père de Vaitea Le Gayic, troisième de liste pour le Tahoera’a sur la première section des îles du Vent. "Ce n’est pas parce que je soutiens ma fille que je soutiens M. Flosse. Il faut faire la différence et arrêter de psychoter. (…) C’est du n’importe quoi ce communiqué. Le Tapura délire en ce moment".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 30 Avril 2018 à 11:18 | Lu 24421 fois