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Accusé d’infanticide : “Je ne voulais pas laisser mon fils”


Tahiti, le 24 février 2025- Lundi s’est tenue la deuxième journée du procès de l’homme jugé pour infanticide. L’accusé a pu exposer sa version des faits, invoquant, pour justifier le meurtre, les tromperies, les addictions et le chantage affectif de sa concubine.  
 
Nous allons revenir sur cette journée du 30 octobre 2022”, annonce la présidente de la cour d’assises lundi en début d’après-midi. Ce jour-là, un homme a étranglé son fils âgé de 3 ans. “Accusé, levez-vous !

Alors, en ce deuxième jour de procès, l’homme évoque sa relation difficile avec la mère de son fils. Il était persuadé qu’elle le trompait, qu’elle consommait de l’ice. Peu avant le drame, entre autres détails, elle avait jeté à la poubelle l’attrape-rêves offert pour la venue de bébé. Pour lui, il s’agissait d’un symbole de leur amour, “j’ai su à ce moment-là que tout était fini”. Pour elle – finalement la mère de la victime s’est bien présentée à la barre ce lundi, contrairement à ce qu’elle avait annoncé – ce n’était qu’un objet banal, “il était cassé, je faisais le ménage, je l’ai jeté, je ne savais pas qu’il était si important pour lui”. C’est alors que tout s’est enchaîné.
 
Tout s’est enchaîné
 
À la question, “pourquoi fermer à clé la porte de la chambre ?”, il répond : “Pour ne pas être dérangé”. Selon l’accusé, “tout s’est fait naturellement. Je n’ai pas vraiment pensé”. 

À propos de la préméditation : “Je pensais à me foutre en l’air depuis longtemps, pas à tuer mon fils. Je n’ai pas décidé de le tuer, j’ai décidé de partir avec lui”. L’accusé dit avoir pensé à se suicider quand sa concubine a récupéré les quatre enfants qu’elle a eus d’un premier lit, soit trois mois avant le drame. “Il était évident que je n’allais pas partir seul, que je n’allais pas laisser mon fils à sa mère.” La présidente demande une explication : “Elle ne m’a pas laissé le choix, elle se droguait, elle ne travaillait pas.”
 
“J’étais déterminé”
 
Reprenant les déclarations de l’accusé, la présidente lui demande : “Pourquoi ne vous êtes-vous pas arrêté ?” En effet, l’enfant est revenu plusieurs fois à lui, le crime aurait duré 20 minutes. “Je me suis dit : ‘je vais prendre 15 ans pour tentative d’assassinat, autant prendre le maximum’”, et puis “j’étais déterminé, pour moi il n’y avait plus d’espoir, professionnel, avec mon père, avec Sylvana”.

Bousculé par l’enchaînement des questions, il ajoute : “J’ai déjà avoué, qu’est-ce que vous voulez de plus ?” Et la présidente de répondre : “Comprendre !” Pourquoi donc avoir tué cet enfant ? “Pour moi, je l’ai fait passer de l’autre côté, du côté de Dieu, ce n’est pas pareil.” Mais qui peut s’octroyer le droit d’ôter la vie ? Et pourquoi ne pas avoir donné des somnifères à l’enfant ? Pourquoi ne pas prendre un oreiller pour ne pas le voir ? Pourquoi une telle violence ? Pourquoi cette mise en scène ? “Je ne sais pas, je n’y ai pas pensé.”
 
La victime présentait des troubles du développement. “Des troubles relationnels, dans un contexte familial très carencé”, indique le médecin légiste qui a eu accès à son dossier médical. Sa mère, en pleurs à la barre, décrit : “Il ne parlait pas, il n’était pas capable d’avaler, il fallait tout découper en petits morceaux” mais “c’était un beau petit garçon”. Ces troubles ne seraient pas à l’origine du drame. “Je ne sais toujours pas pourquoi il a fait ça ! Il voulait certainement m’atteindre, j’ai des remords aujourd’hui de l’avoir laissé”, affirme la mère.

Un homme “trompé, humilié, manipulé”
 
Selon la psychologue clinicienne appelée à s’exprimer lundi matin, l’accusé est “un homme abrupt”, pour le personnel du centre de réclusion, il est “bourru”.
 
Il a “des capacités intellectuelles normales”, d’après l’experte, “un rapport au réel adapté sans signes psychotiques”. Une cousine de l’accusé, adoptée par le couple chez qui l’accusé a passé plusieurs années, parle “d’un garçon sensible” et “intelligent”. Elle l’a connu enfant et a vécu avec lui quelques années en métropole. Aujourd’hui, elle est toujours en métropole où elle est devenue avocate.
 
Elle dit de l’accusé qu’il était “chétif”, il avait besoin d’être “câliné” et “protégé”. Et puis, il a été rappelé par sa mère “cadrante et maltraitante”, selon la psychologue clinicienne, et son beau-père. Cette adoption “avortée”, toujours selon la psychologue clinicienne, “a été vécue comme un échec” qui a “fragilisé l’assise narcissique”. L’accusé pense, lui, être “passé à côté d’une opportunité”.

De ses entretiens avec l’accusé, l’experte rapporte : “Il se présente comme un homme trompé, humilié, manipulé”. Il se considère comme “une victime”, il est “autocentré”, il a une tendance “à l’égocentrisme”. Tuer son fils est apparu comme le moyen “d’en finir enfin avec une relation conflictuelle”, de se défaire définitivement de sa concubine. L’accusé a cherché “à dénouer les tensions”. L’acte lui a permis “de s’approprier définitivement son fils”. Pour autant, “ce n’est pas parce qu’il l’a tué, qu’il ne l’aimait pas”.
 
La journée s’est terminée avec l’intervention du médecin légiste et le visionnage de la reconstitution. “La mort est d’origine criminelle”, a confirmé l’expert. L’autopsie, et notamment les signes asphyxiques non spécifiques, corrobore les déclarations. “Je pense qu’on peut estimer la douleur à, au moins, 5 sur une échelle de 7.

Le procès s’achèvera, lui, ce mardi avec la plaidoirie de l’avocate des parties civiles, les réquisitions de l’avocate générale et, enfin, la plaidoirie de l’avocate de la défense. Le verdict devrait tomber en fin de journée.
 

Rédigé par Delphine Barrais le Lundi 24 Février 2025 à 19:23 | Lu 2698 fois