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Accroc au jeu et aux voyages, une ex-commerciale de chez Vini détourne et flambe 72 millions de francs


"Je prends tout sur moi, à 100 %", a déclaré à l'audience la cadre commerciale indélicate, dont la justice a souligné l'entière collaboration pendant l'enquête.
"Je prends tout sur moi, à 100 %", a déclaré à l'audience la cadre commerciale indélicate, dont la justice a souligné l'entière collaboration pendant l'enquête.
PAPEETE, le 20 octobre 2015 - Deux ans de prison ferme. C'est la peine requise ce mardi par le parquet contre une ancienne cadre de l'entreprise de téléphonie mobile, renvoyée devant le tribunal correctionnel pour abus de confiance. Cette salariée modèle, que son employeur croyait au-dessus de tout soupçon, a volé allègrement dans la caisse pendant des années pour financer ses escapades dans de luxueux hôtels de la région Pacifique, avec une petite préférence pour le City Sky Tower d'Auckland.


Pendant près de 8 ans, entre 2006 et 2014, cette femme de 54 ans qui avait toute la confiance de son employeur aura profité du laxisme de la société dans la gestion de ses recettes. Chargée de la commercialisation des cartes téléphoniques prépayées dans quelques 200 points de vente sur Tahiti, des centaines de millions de francs lui passaient entre les mains –jusqu'à 2 milliards de francs par an- sans aucun contrôle.

Des difficultés financières passagères, tout ce cash à disposition, il n'en fallait pas plus pour que la quinquagénaire se laisse tenter… et y prenne goût : règlements en espèces détournés, faux bons de livraisons et fausses factures pour se faire remettre des cartes prépayées par le service logistique, parfois monnayées en direct avec les clients.

Voyages à Hawaii, en Australie, avec un petit coup de cœur pour la Nouvelle-Zélande où la commerciale se rendait parfois plusieurs fois dans le mois, la prévenue a mené la grande vie avant de se faire rattraper à la faveur d'une réorganisation du service comptable qui a dévoilé au grand jour ses agissements.

Les virées chez nos voisins kiwis étaient si fréquentes et les sommes d'argent claquées au casino si conséquentes –jusqu'à 1 000 dollars la soirée- que notre commerciale bénéficiait des avantages des clients privilégiés : chambre et repas offerts par la maison.

Le jugement rendu le 10 novembre

L'argent détourné servait aussi plus prosaïquement à financer les dépenses de la vie quotidienne, et quelques voyages d'agrément dans les meilleurs hôtels de Tahiti et des archipels. Il ne reste plus rien de cet argent aujourd'hui, que l'indélicate cadre commerciale devrait être condamnée à rembourser en plus des deux ans de prison ferme requis contre elle par le parquet. Les faits sont reconnus et le préjudice n'est pas contesté par l'intéressée, licenciée depuis et qui vit aujourd'hui d'une petite retraite. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 10 novembre.

"On a été très surpris quand on découvert les faits", a reconnu, un peu gêné à la barre, le juriste de Vini, partie civile dans ce procès. Le président du tribunal n'avait pas manqué de manifester, à plusieurs reprises, son étonnement devant la passivité comptable de l'entreprise pendant toutes ces années. "Beaucoup de petits revendeurs paient en liquide. Nous avions une confiance certaine en elle, elle était membre du comité d'entreprise, nous travaillions ensemble depuis une dizaine d'années". Le juriste qui jure que le service comptable de Vini a été réorganisé depuis, qu'un contrôleur de gestion a été recruté et huit responsables sanctionnés, l'un d'eux rétrogradé.

La compagne de la prévenue est également poursuivie dans cette affaire, soupçonnée d'avoir profité de la manne rapportée par son amie pendant toutes ces années en fermant opportunément les yeux. Ce que l'intéressée conteste : "Je n'étais pas de tous les voyages, et je mettais un point d'honneur à payer ma part". Une affirmation qui n'a pas convaincu le parquet, pour qui il semble difficile de croire qu'on ne se pose pas de questions quand la personne avec qui l'on vit et qui gagne officiellement 300 000 francs mensuels, flambe dans des voyages à l'étranger plusieurs fois par an.

"J'avais gagné une belle somme de 5 millions de franc au loto et reçu un héritage conséquent, elle n'était pas au courant et pouvait croire que j'avais les moyens", a expliqué la première des prévenues pour dédouaner sa compagne qui l'a quittée depuis. "Je prends tout sur moi, à 100 %". Ce qui n'a pas empêché le parquet de requérir 8 mois de prison avec sursis contre la compagne.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 20 Octobre 2015 à 17:22 | Lu 7516 fois