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À La Réunion l'autosuffisance alimentaire en question face aux guerres et aux maladies


Richard BOUHET / AFP
Richard BOUHET / AFP
Saint-Denis de la Réunion, France | AFP | vendredi 05/05/2022 - "En raison d'un manque d'approvisionnement, les achats d'huile sont limités à une bouteille par client", avertit une pancarte sur le rayon vide d'une grande surface du Port à l'ouest de l'île de la Réunion, territoire de l'océan indien qui dépend largement des importations de produits alimentaires.

Depuis la guerre en Ukraine, les consommateurs se sont rués sur l'huile de tournesol – la plus utilisée en cuisine locale –, créant un début de pénurie.

Avec un engouement moindre, les Réunionnais ont aussi commencé à stocker de la farine et des pâtes "car on ne sait jamais ce qui peut se passer", commente Eva Laderval, quinquagénaire, venue faire ses courses avec son petit-fils.

La crainte n'est pas vaine dans une île qui dépend en grande partie des importations pour l'alimentation de ses plus de 860.000 habitants.

La perturbation du trafic maritime lors de la crise Covid avait déjà touché l'approvisionnement de l'île. Les dérèglements provoqués par la guerre en Ukraine ont encore aggravé cette situation.

"Dans un contexte de tension internationale, de hausse des prix des matières premières, notre île est confrontée aujourd'hui à des enjeux d'approvisionnement de première importance", a d'ailleurs alerté, dès le 11 mars, la présidente du conseil régional Huguette Bello. 

"Les acteurs économiques" expriment "leurs inquiétudes devant les retards de livraison accumulés, dus à l'allongement des délais d'approvisionnement", ajoutait-elle.

Car si La Réunion est autosuffisante en salade, en choux ou encore en tomates, certains produits, consommés au quotidien, notamment l'oignon et l'ail sont en grande majorité importés, principalement en provenance d'Asie : 8.000 tonnes d'oignons et 2.500 tonnes d'ail ont été importées en 2021, indique la Chambre d'agriculture.

Une production locale existe, mais elle est largement en-deçà des besoins des consommateurs. Ce sont des produits "sur lesquels nous voulons nous concentrer", note Frédéric Vienne, président de la Chambre d'agriculture.

"L'autonomie alimentaire, ce n'est pas produire absolument tout ce que nous importons, mais réussir à produire en quantité suffisante les produits essentiels", estime-t-il.

Pour d'autres produits une autosuffisance complète reste "utopique", commente Frédéric Vienne.

C'est le cas pour le riz, la céréale de base de la cuisine locale. 44.000 tonnes sont importées tous les ans, essentiellement d'Asie. Une expérimentation de plantation est en cours, mais "la production est anecdotique", souligne le président de la chambre d'agriculture.  

Utopique

La situation est sensiblement la même pour le lait, dont 17 millions de litres ont été produits localement en 2021, alors que 100 millions de litres ont été consommés. "Nous sommes dans une démarche d'augmentation de la production, notamment en formant de nouveaux éleveurs et en modernisant les élevages. Mais il faudra toujours importer pour couvrir toute la demande", souligne la Sicalait. 

Côté viande, les 246 exploitations porcines de l'île couvrent à 99% les besoins en viande de porc, mais la filière volaille – viande la plus consommée dans l'île – produit la moitié des 45.000 tonnes de consommation annuelle.

Dans ce contexte, même en cas d'augmentation du nombre d'exploitation, la question de l'autonomie en matière de viande reste ici aussi utopique, estiment les milieux de l'élevage.

Une réflexion est en cours pour pallier cette dépendance. La Région Réunion plaide en faveur de la création d'une compagnie maritime régionale et d'échanges élargis avec les pays d'Afrique notamment.

"Mais cela sous-entend de nombreuses négociations entre les États et ne représente qu'une solution à moyen terme", remarque la Région.

En février, une charte a été signée entre l'État et les acteurs du transport maritime, de l'importation et de la distribution intervenant dans la chaîne d'approvisionnement pour "contrôler la sécurité de l'approvisionnement et éviter une flambée des prix".

Malgré cela, une envolée des prix est observée depuis le début du conflit russo-ukrainien. 

"En mars 2022, les prix à la consommation augmentent de 1,4% à La Réunion, soit la hausse la plus élevée depuis mars 2002", selon l'Insee.

Une augmentation qui s'ajoute à celle observée après les cyclones et fortes pluies qui ont touché l'île depuis le début de l'année.

le Vendredi 6 Mai 2022 à 02:53 | Lu 323 fois