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6 ans ferme pour le conjoint violent, alcoolique et pyromane


Tahiti, le 10 août 2022 – Un homme violent, alcoolique et pyromane a été présenté devant le tribunal correctionnel, mercredi, pour des faits de violence aggravée sur sa compagne depuis plus de 25 ans. Il lui avait déversé sur le corps un bidon d'essence, avant qu'elle décide elle-même d'allumer un briquet. Le tribunal l'a condamné à 6 ans de prison ferme.
 
Le tribunal correctionnel s'est penché, mercredi, sur une affaire de violence conjugale aggravée. Le prévenu, qui était placé en détention provisoire, est accusé d'avoir aspergé sa compagne d'essence. C'est cette dernière qui a allumé un briquet, entraînant des brûlures sur 30 % de son corps et une infirmité permanente.
 
Les conjoints se sont rencontrés à l'âge de 16 ans. Ils vivent en concubinage depuis 25 ans et ont eu deux enfants. Le soir du 24 mars 2021, à Mahina, ils préparent l'anniversaire de la mère de famille. Mais une dispute aurait éclaté quant à l'organisation de l'événement. Tous deux sont fortement alcoolisés. Ils ont bu deux bouteilles de pastis et leur alcoolémie est à 2 g d'alcool par litre de sang. Face à l'énervement de son conjoint, la victime souhaite quitter le foyer familial pour la nuit et revenir le lendemain. Mais l'homme refuse. C'est alors qu'il l'asperge avec le bidon d'essence du groupe électrogène.
 
Durant l'instruction, le prévenu n'aura de cesse de changer sa version des faits. Aux pompiers qui sont intervenus ce soir-là, il dira qu'ils ne se sont pas disputés ; que le chien a renversé le bidon d'essence et que celui-ci s'est enflammé avec une cigarette. Il dira ensuite aux enquêteurs s'être emparé du bidon d'essence, mais que sa concubine l'a ensuite attrapé pour le balancer sur eux deux et qu'il a chaviré. Puis il reconnaîtra lors d'une autre audition avoir déversé le bidon sur elle. Une version des faits qu'il a maintenue devant le tribunal. “C'était pas pour la brûler. C'était pour lui faire peur”, a-t-il déclaré à la police.

Brûlée à 30 %

Lorsqu'elle est aspergée d'essence, la femme tient à sa main une cigarette, éteinte. Selon le prévenu, sa concubine lui aurait dit : “On va brûler ensemble”. Selon elle, en revanche, il lui aurait dit : “T'as pas le courage de te brûler”. Ce à quoi elle aurait répondu : “Tu crois que je n'en suis pas capable ?” Elle allume elle-même un briquet. L'essence s'embrase. L'homme tentera de calmer les flammes avant d'appeler les pompiers, à deux reprises.
 
La victime est transportée à l'hôpital. Brûlée à 30% au 2e et 3e degré. Son pronostic vital est engagé. À l'hôpital de Taaone, elle est plongée dans un coma artificiel qui durera un mois. Elle se réveillera à l'hôpital des grands brûlés, à Paris. Elle y restera six mois, pour les soins et la rééducation. La victime a déjà subi une greffe de peau et doit en recevoir une seconde prochainement.

Un geste de désespoir

Selon l'expertise psychologique de la victime, il s'agissait-là d'un geste de désespoir face à un sentiment d'insécurité permanent. “L'immolation, c'est le suicide ultime”. Pour elle, la mort aurait été la seule issue pour se sortir de l'emprise psychologique de son compagnon. En effet, depuis la naissance de leur premier enfant, un an après le début de leur relation, violences et menaces sont monnaie courante. L'homme, qui a déjà onze condamnations à son casier, a déjà été jugé pour des faits similaires. En 1999, il menace de mettre le feu à la maison en ouvrant une bouteille de gaz. Trois jours plus tard, il répand de l'essence autour de la maison et met le feu à une cabane dans le jardin, puis tire sa concubine par les cheveux la menaçant de lui mettre la tête dans le feu. C'est un membre de la famille qui l'en empêche.
 
L'homme, ancien danseur du feu et surnommé “le pyromane” par ses voisins du quartier, voue une fascination pour le feu. Sa famille et celle de sa concubine le décrivent comme un homme violent, qui “aime jouer avec le feu” et qui fait “des cocktails molotov pour s'amuser”. Selon la sœur de la victime, “quand ils se disputent, il aime prendre de l'essence” et “il a déjà dit qu'il allait brûler la maison”.

Une enfance difficile

L'avocate de la défense a souligné l'enfance difficile du prévenu, qui a grandi dans un climat de violences quotidiennes sur fond d'alcool, avec un père qui le prenait pour son souffre-douleur. À l'expert psychologique, il racontera que son père aimait l'attacher à l'arrière de la voiture et le traînait s'il tombait. À la barre, le prévenu a exprimé des remords : “Je regrette beaucoup ce qui s'est passé avec la mère de mes enfants. Je veux une nouvelle vie.”
 
La procureure, qui a souligné la violence physique de l'acte commis ce soir de mars 2021, a également demandé au tribunal de reconnaître la violence psychologique exercée par le prévenu, ce soir-là mais aussi tout au long des 25 années de vie commune, qui ont poussé la victime à attenter à sa vie. Elle a requis 6 ans de prison avec un sursis probatoire de 3 ans, interdiction d'entrer en contact avec sa victime et le retrait de l'autorité parentale à l'égard de son enfant mineure. Après délibération, le tribunal a condamné l'homme à 6 ans ferme avec sursis probatoire pendant 2 ans.

Rédigé par Anne-Laure Guffroy le Mercredi 10 Août 2022 à 18:37 | Lu 2119 fois