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3 ans pour le barman trafiquant d'ice


Tahiti, le 12 octobre 2020 - Jugés aujourd'hui en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel, deux prévenus ont écopé de trois ans et 18 mois de réclusion pour le trafic de 375 grammes d'ice entre Hawaii, Tahiti et Moorea. Produit de la vente : 44 millions de francs.

L'importateur, le logisticien et la profiteuse : trois prévenus ont été jugés en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Papeete pour un "très fructueux" commerce d'ice entre Hawaii et Moorea. L'affaire, elle, commence par des rumeurs de trafic sur l'île sœur. Puis des noms commencent à circuler, comme celui d'un certain Géant, qui ne s'illustre pas par sa discrétion. Les enquêteurs relèveront près de 900 photos faisant étalage de la richesse amassée sur les réseaux sociaux. Sa mère a beau l'avertir, détruire les pochons de cristaux qu'elle retrouve dans sa voiture ou dans sa chambre, le jeune homme rêve de réputation de dur et s'entête à "jouer les caïds," quitte à surnommer sa petite entreprise de "Cartel", ou de prétendre des connections avec les douanes. "Un sentiment d'impunité vis-à-vis de la loi" qui effraye sa mère. Elle l'a compris trop tard, mais c'est elle qui finance sans le savoir le premier voyage "touristique" du trafiquant en herbe à Hawaii.

Premier d'une série de quatre voyages qui lui permettront d'écouler au total 375 grammes sur le marché polynésien. À environ 140 000 Fcfp le gramme, il réalise un chiffre d'affaire de 44 millions de francs. C'est que la demande pour cette drogue de synthèse ne tarit pas au fenua. De l'argent facile pour le jeune homme, simple barman au Holy Steak House de Moorea à l'époque. "Il m'emmenait tous les jours au restaurant" confie son ex petite amie, elle aussi poursuivie pour association de malfaiteurs. "Ils m'ont emmenée dans leur délire, j'avais aucune intention de participer à leur trafic" se dédouane la jeune femme. Et pourtant elle participe, s'en procure pour sa famille et ses amis, se faisant entretenir au passage, d'abord par Géant, puis par Aro, "un contact haut-placé".

Car fort d'un premier succès, Géant décide d'augmenter ses volumes. À condition de trouver un bailleur de fonds. C'est là qu'Aro intervient : pour le troisième voyage. "Je lui ai donné 300 000 Fcfp parce qu'il avait besoin d'aide, je ne savais pas qu'il allait revenir avec de la ice, j'ai fait ça par amitié" se défend le quinquagénaire.

Les très nombreuses écoutes téléphoniques mettent pourtant en évidence son rôle actif de logisticien pour la réservation des chambres d'hôtels, des airbnb à Papeete, des voitures de location, ou des acheminements sur Moorea. Autre élément qui ne joue pas en sa faveur : l'homme se fait souvent passer pour un douanier, alors qu'il est propriétaire d'une roulotte bien connue de Faa'a. "Pourquoi vous vous êtes mis dans ce trafic ?" interroge la présidente du tribunal. "Par amitié, avec ma femme on apportait du soutien moral aux jeunes". "C'est par ce sentiment paternel que vous les avez soutenus pour faire du trafic d'ice ? Pourtant vous n'avez pas fait ça avec vos enfants ?" embraye la présidente.

"Je l'ai mis devant le fait accompli" déclare Géant, venant au secours de son "protecteur". Pas de quoi amadouer le procureur qui souligne "une mégalomanie à la hauteur du trafic échafaudé". Au tribunal, il demande de tenir compte de "l'impact d'une telle quantité sur la santé publique" et requiert 4 ans pour l'acteur principal du trafic. Pour Aro, "cheville ouvrière" du trafic, il requiert 18 mois de prison ferme. S'adressant à la jeune femme "tout à fait au courant du mode opératoire " tel un "poisson pilote qui accompagne les grands requins blancs pour bénéficier des miettes", il demande 4 mois. Ils écoperont respectivement de 3 ans, 18 mois et un an avec sursis.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 12 Octobre 2020 à 22:21 | Lu 10151 fois