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2 septembre 1940 : ces oubliés du ralliement


 2 septembre 1940 : ces oubliés du ralliement
Tahiti, le 27 août 2020 - Dans le cadre des commémorations des 80 ans du ralliement des Établissements français d’Océanie (EFO) à la France libre, Tahiti Infos et l’association Mémoire polynésienne vous proposent pendant 10 jours une série de publications quotidiennes consacrées à cet épisode de l’histoire franco-polynésienne. Sous la plume de Jean-Christophe Shigetomi, le président de l’association Mémoire polynésienne et délégué de la Fondation de la France libre, on s’intéresse aujourd’hui à trois figures oubliées du ralliement des E.F.O. à la France libre.
 
Le 2 septembre 1940, les  Établissements français d’Océanie ralliaient la France libre. Si des noms nous restent encore familiers comme ceux de Teriieroo a Teriierooiterai et d’Édouard Ahnne, combien d’autres ont été oubliés ou sont totalement méconnus, comme le Dr Rabinovitch ou Peter Royce Challier ?

Teriieroo a Teriierooiterai

Teriieroo est né le 31 octobre 1875 à Punaauia. Il suit une instruction primaire chez les Frères de Ploërmel à Papeete. Puis en 1892, il entre comme facteur à l’Office des Postes avant de devenir instituteur dans le district de Papenoo. En 1900, le gouverneur des Établissements français d’Océanie, Edouard Petit, le nomme chef du district de Papenoo. Teriieroo favorise le développement des productions agricoles de son district pour lui permettre en 1912 d’accéder à la Chambre d’Agriculture, puis en 1937 à l’Assemblée des Délégations économiques et financières. Il est aussi conseiller privé suppléant. Habile orateur, Teriieroo saura fortement influer les populations locales à rallier la France libre. Le 28 mai 1943, le général de Gaulle le fait Compagnon de la libération. Teriieroo a Teriierooiterai se retire de la vie publique en 1946. Il décède le 20 août 1952 à Papenoo, où il est inhumé.

Édouard Ahnne

Édouard Ahnne est né le 1er décembre 1867 à Voujeaucourt dans le Doubs. Il arrive à Tahiti le 26 août 1892 comme missionnaire de la Société des Missions évangéliques de Paris. Il est nommé adjoint de M. Charles Vienot, directeur des Écoles protestantes de Papeete. En 1903, il devient le directeur de l’École protestante des garçons avant de prendre sa retraite en 1935.
Le  missionnaire Édouard Ahnne est aussi un historien passionné par la civilisation polynésienne dont il maîtrise parfaitement la langue. Il est notamment le conservateur du Musée de Papeete ainsi que membre de la Société des Études océaniennes dont il devient le président en 1923 pour un mandat de sept ans. On lui doit notamment, avec son beau-frère Orsmond Walker, la sauvegarde et la publication de Tahiti aux temps anciens de Teuira Henry conservé au Bishop Museum de Honolulu. L’homme public entre au conseil privé en 1933. Orateur brillant, sa naissance et son patriotisme alsacien lui donnent une influence sur le gouverneur Chastenet de Gery. Il œuvre activement pour l’organisation de la consultation populaire en vue du ralliement. Tahiti rallié, il entre au gouvernement provisoire des EFO et est condamné à mort par Vichy. Il est fait Compagnon de la libération par le Général de Gaulle le 28 mai 1943.
Dans  une lettre du 7 octobre 1970 à l’adresse de François Broche, auteur du livre culte sur le Bataillon des guitaristes, Emmeline Ahnne, la fille d’Édouard Ahnne, témoin privilégiée du ralliement des Établissements français d’Océanie à la France libre le décrit en ces termes : "Homme parfaitement intègre s’étant toute sa vie dévoué à Tahiti où il était le seul à avoir l’autorité et l’influence nécessaires. Les Tahitiens, dont beaucoup étaient ses amis ou ses anciens élèves, l’aimaient et le respectaient et les Européens l’estimaient. Sans rien vouloir ôter au geste de MM. Gilbert, De Curton et Sénac… Ils n’étaient pas connus des indigènes et avaient contre eux beaucoup de leurs collègues. Après la formation du gouvernement provisoire, Édouard Ahnne avait été pressenti pour occuper le poste de gouverneur. Il avait refusé car il craignait d’être taxé de partialité pour ses amis."
Édouard Ahnne décède le 7 avril 1945 et est inhumé dans cette terre tahitienne qu’il a tant aimée.

​Le docteur Serge Rabinovitch

Sources : Onac-Vg
Sources : Onac-Vg
Serge Rabinovitch est un chirurgien fortuné d'origine russe. Juif au fort accent slave, il avait une clinique à Neuilly. Il s'est installé à Papeete pour fuir la France. Il est alors inquiété dans une affaire où Germaine Huot, maitresse du préfet des Bouches-du-Rhône, M. Coseret, a été assassinée. Il est surnommé the Witch doctor. Robert Hervé le décrit ainsi : "Grand, vouté, le crâne dégarni avec deux touffes de cheveux sur les côtés, les yeux bridés, des lunettes. C'est un homme mondain, amusant. Il défraye la chronique en 1940 en provoquant en duel à l'épée le marquis de Bouillet lors du ralliement des EFO à la France Libre."
 
En août 1940, lors de l’assemblée annuelle des délégations économiques et financières, Serge Rabinovitch, alors président de la Chambre d’agriculture met au vote une motion de défiance contre le gouverneur. À Tahiti, le ralliement à la France libre est aussi d’ordre économique. Même si un gentleman agreement a été conclu par le gouverneur Chastenet de Gery avec la Nouvelle-Zélande et l’Australie pour la poursuite du ravitaillement de la colonie française, le vote des délégations économiques et financières enjoint le gouverneur de rejoindre le camp allié.
Le docteur Serge Rabinovitch, ancien combattant de la Première Guerre mondiale, titulaire de la Légion d'honneur, Gaulliste de la première heure s'engage dans le corps expéditionnaire de Félix Broche. Ami du général Catroux, il sera médecin à Beyrouth. Il rentre à Tahiti après la guerre pour occuper un poste à la maternité de Papeete. Il décède à San Francisco.

Peter Royce Challier

Fonds Challier
Fonds Challier
Peter Challier est né le 25 juin 1916 en Grande-Bretagne où il reçoit une instruction anglaise. Il arrive à Tahiti en 1935, chargé par son père de trouver une propriété à Moorea afin d’y créer une entreprise agricole. En 1937, il effectue son service militaire au sein de la CAICT. Il est ensuite sous-directeur des Établissements Martin de 1939 à 1941, responsable en particulier du département importation. Peter Challier est mobilisé le 2 septembre 1939 pour être détaché comme secrétaire du commandement supérieur de la défense à Tahiti. Il est démobilisé en 1940.
 
Artisan du ralliement, Peter Royce Challier embarque avec les volontaires conduits par Jean Gilbert en mars 1941 et s’engage dans les Forces aériennes françaises libres à Londres le 17 juillet 1941 pour intégrer le Groupe Lorraine des bombardiers lourds de la France libre. Le 30 décembre 1943, son Boston heurte au décollage un autre Boston qui explose. Challier s’écrase dans les arbres. L’aspirant pilote Challier est sévèrement blessé. Il devra être amputé d’une jambe dix années plus tard à l’hôpital Vaiami. Peter Challier est démobilisé en Nouvelle-Calédonie le 23 novembre 1946. Il projette de se retirer en Nouvelle-Zélande pour diriger le Consulat français mais il est finalement appelé pour servir d’adjoint à la direction de l’aéronautique civile de Nouméa. Il est nommé commandant d’aérodrome auxiliaire de 2e classe le 2 janvier 1947. Il est muté ensuite à l’aéroport de Tontouta et en assure la direction. À Tahiti, Peter Challier organise avec Guy Juventin le premier service d’information en vol, prélude à de premières missions de l’aviation civile en Polynésie française.

Hommage avenue Pouvanaa a Oopa

Le 2 septembre 1940, les Établissements français d’Océanie ralliaient la France libre. Du 1er au 15 septembre, dans le cadre des commémorations des 80 ans du ralliement des E.F.O. à la France libre, l’association Mémoire polynésienne pavoisera l’avenue Pouvanaa a Oopa de quelques 30 portraits de Tamari’i Volontaires colorisés. 


Rédigé par Jean-Christophe Shigetomi le Jeudi 27 Août 2020 à 08:00 | Lu 2439 fois