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1871 : John T. Arundel, roi des phosphates océaniens


John Thomas Arundel, un Britannique qui devint le roi des phosphates du Pacifique à partir de 1871. Sa compagnie, la Pacific Phosphate Company, lui rapporta une fortune.
John Thomas Arundel, un Britannique qui devint le roi des phosphates du Pacifique à partir de 1871. Sa compagnie, la Pacific Phosphate Company, lui rapporta une fortune.
L’histoire moderne du Pacifique Sud et de l’Océanie est marquée par une course aux ressources du grand océan, resté longtemps inconnu des trafiquants et affairistes de tout poil. L’huile des baleines, le santal, les bêches de mer, les perles, les nacres, les écailles de tortue, le coprah sont autant de matières premières sur lesquelles les grandes puissantes occidentales lorgnaient, l’une des plus tardives, mais des plus lucratives pour ceux qui exploitèrent cette ressource ayant été le phosphate. Un homme joua un rôle central dans cette course à l’engrais naturel, John Thomas Arundel, que l’on retrouve aussi bien à Banaba, Nauru et même Makatea...
 
Tahiti, le 1er juin 2020 - Qu’est-ce que le phosphate est-on en droit de se demander pour comprendre l’engouement que ce minerai a pu susciter dans notre grand océan ? Plutôt que « le », utilisons l’article « les » pour définir ces matières premières minérales qui, lorsqu’elles sont d’origine naturelle, proviennent essentiellement du guano (déjections des oiseaux de mer) ou de sédiments ; les mares à kopara des Tuamotu seraient en quelque sorte une étape dans la transformation de sédiments et de cyanobactéries en phosphates (on retrouve dans le phosphate de Mataiva, par exemple, des éléments identiques à ceux trouvés dans les mares à kopara de Tikehau).
Les phosphates contiennent du phosphore, élément dont les plantes ont besoin pour leur croissance, un apport en phosphates agissant comme un amplificateur de croissance, un engrais donc.
Si Frédéric Kuhlmann, chimiste français, mit au point, à partir des années 1840, la synthèse des phosphates, à cette époque, il était plus simple et moins cher de dénicher des gisements naturels. Le plus connu d’entre eux se situe au large des côtes péruviennes : les îles Chincha, couvertes de guano, furent mises en exploitation dès 1840. Bien d’autres îles du vaste Pacifique suivirent, en grande partie du fait de l’infatigable John Thomas Arundel.

Escale aux îles Chincha

Ce garçon  (1er septembre 1841- 30 novembre 1919) vit le jour à Londres de parents de la bourgeoisie, son père étant commerçant (il possédait des entrepôts sur les bords de la Tamise). Son grand-père paternel était un personnage clé de la LMS, London Missionnary Society, dont il fut le « home secretary » durant plus d’un quart de siècle. C’est dire que dans la famille, on était pieux, membres actifs de la Congregational Church, Arundel étant décrit comme "un exemple remarquable de ce phénomène de la mi-victorienne, l'homme d'affaires anglais chrétien droit, pieux et aventureux."
C’est d’ailleurs ces relations étroites avec l’église qui permirent au jeune Arundel de mettre un pied dans l’entreprise Houlder Brothers & Co, une société qui desservait alors grâce à ses bateaux l’Australie et la Nouvelle-Zélande essentiellement.
Dès 1860, Arundel se retrouve donc en mer et lors de son premier voyage dans le Pacifique, il fit une courte escale aux îles Chincha où il découvrit la potentielle richesse que le phosphate, sous forme de guano, pouvait apporter à qui avait le contrôle d’un gisement. La transformation du guano en superphosphate l’intéressa vivement et il étudia si bien cette filière de retour en Grande-Bretagne qu’il fut renvoyé en 1868 dans le Pacifique dans le but d’y dénicher des opportunités liées aux phosphates.

1871 : Arundel se lance

Nauru, en 1975, au moment où l’île était prospère, rendit hommage à Albert Ellis et aux acteurs du succès que représenta le phosphate pendant presque un siècle.
Nauru, en 1975, au moment où l’île était prospère, rendit hommage à Albert Ellis et aux acteurs du succès que représenta le phosphate pendant presque un siècle.
Le jeune homme est ambitieux. Il décide de créer sa propre société en 1871, la John T. Arundel and Co, basée à Sydney, et propose à Houlder Brothers & Co de travailler avec lui en tant que partenaire. Premier acte de cette coopération, la Houlder Brothers & Co loue l’atoll de Flint (dans actuel Kiribati) tandis qu’Arundel se charge de prospecter pour trouver des phosphates, ce qu’il découvre au centre de l’île et qui est exploité de 1875 à 1880.
Dans le même temps, Caroline Island est louée elle aussi (aujourd’hui appelée île du Millénaire, toujours dans l’actuel Kiribati). A partir de 1881, c’est la seule John T. Arundel and Co qui exploite ce gisement. De 1874 à 1891, l’île fournira environ dix millions de tonnes d’un excellent guano sur le marché. Autre île mise en exploitation, l’île Baker, à mi chemin entre Hawaii et les côtes australiennes, de 1886 à 1899 (aujourd’hui cet atoll désert a le statut bâtard de « unincorporated  and unorganized territory  » des Etats-Unis. L’île Howland est également exploitée de 1886 à 1899  (dans le groupe des îles Phoenix ; elle a le même statut que l’île Baker), tout comme l’île Jarvis, également de 1886 à 1899 (dans l’archipel des îles de la Ligne ; même statut que les deux précédentes îles, revendiquées par les Etats-Unis). Idem pour l’île Sydney (anciennement île Manra, appartenant aujourd’hui au Kiribati, dans le groupe des îles Phoenix). 
Plus à l’ouest, dans le détroit de Torres, Arundel s’attaque également à Rocky Island (golf de Carpentary), puis à Lady Elliot Island (au large des côtes du Queensland)  ainsi qu’à plusieurs îles de l’archipel Capricorn and Bunker (Lady Musgrave Island,  Fairfax Island, North West Island, mais aussi  Bord Islet des Wrecks Reefs et Raine Island.
Arundel, dont l’appétit est insatiable, se lance également dans l’exploitation du coprah (voir encadré) mais la grande aventure de sa vie, malgré cette débauche d’énergie déjà dépensée dans le Pacifique Sud, est encore à venir.

Un caillou calant une porte

Albert Fuller Ellis était employé à Sydney chez Arundel lorsqu’il découvrit qu’une pierre calant une porte était faite d’un phosphate de qualité exceptionnelle. C’est lui qui mit au jour les gisements de Nauru et de Banaba.
Albert Fuller Ellis était employé à Sydney chez Arundel lorsqu’il découvrit qu’une pierre calant une porte était faite d’un phosphate de qualité exceptionnelle. C’est lui qui mit au jour les gisements de Nauru et de Banaba.
Albert Fuller Ellis était un des cadres de la compagnie d’Arundel dont les bureaux étaient basés à Sydney. Ellis remarqua un matin de 1899 une pierre qui servait à caler une porte. Le caillou ne présentait aucun intérêt sauf qu’Ellis, dubitatif, lui trouva une ressemblance avec les blocs de phosphate extraits de l’île Baker. Après analyses, il s’avéra qu’effectivement, la cale de la porte était composée d’un excellent phosphate ; on fit des recherches pour savoir d’où venait la pierre, originaire de l’île de Banaba dont une grande partie du sous-sol était fait d’un phosphate de très haute qualité. Albert Fuller Ellis, dans la foulée, se rendit également à Nauru où il savait trouver ce type de roche. Il ne fut pas déçu du voyage puisqu’il permit de mettre au jour ce qui allait devenir le plus grand et le plus lucratif gisement de phosphate de l’histoire du Pacifique. 
A l’époque, Nauru était sous administration allemande. Une Pacific Island Company créée (PIC), il ne restait plus qu’à trouver un accord avec les Allemands. Ceux-ci, à travers une société commerciale de Hambourg, la Jaluit Gesellschaft, contrôlait le business à Nauru : Arundel signa un accord avec cette société donnant vie à la compagnie qui allait devenir fameuse, la Pacific Phosphate Company (PPC) dont l’objet social était la mise en exploitation de Banaba, dès 1901 (alors Ocean Island) et de Nauru, à partir de 1906.

Un bail de 999 ans !

Cette photo d’archives de la fin de XIXe siècle montre des habitants de Banaba, qui n’étaient pas en mesure de mesurer les conséquences qu’aurait l’exploitation des phosphates sur leur île et sur leur environnement.
Cette photo d’archives de la fin de XIXe siècle montre des habitants de Banaba, qui n’étaient pas en mesure de mesurer les conséquences qu’aurait l’exploitation des phosphates sur leur île et sur leur environnement.
Îles hautes, Banaba et Nauru n’offraient pas de mouillages sûrs ni de facilités pour charger des milliers de tonnes de roches, mais l’appât du gain aidant, des solutions techniques furent trouvées comme ce fut le cas plus tard à Makatea, en Polynésie française. Banaba toutefois exigea son lot de sacrifices ; en l’occurrence cinq cargos de la PPC y firent naufrage. Faut-il le préciser, l’accord des propriétaires terriens sur ces deux îles ne fut qu’une formalité. Par exemple, à Banaba, moyennant cinquante  livres anglaises par an, les indigènes signèrent un bail de neuf cent quatre-vingt dix-neuf (999) ans ! Autant dire que quelques brouettes de phosphate payaient le loyer annuel... Certes, plus tard, la PPC dut se résoudre à modifier les baux et à verser des compensations pour la destruction du sol et du sous-sol des parties exploitées, mais l’affaire demeura très rentable. A tel point qu’en 1913, le journal New Age n’hésita pas à décrire les activités de la PPC comme dignes de boucaniers, entendez de véritables pirates vis-à-vis des populations locales.
Désireuse d’obtenir le monopole de l’extraction des phosphates dans le Pacifique Sud, la PPC participa même à l’exploration de l’île de Makatea aux Tuamotu en 1905. 
Jusqu’en 1909, Arundel travailla activement depuis Sydney à la gestion de son empire, mais le naufrage à Makatea de l’Océan Queen, l’un de ses plus beaux navires, lors de son voyage inaugural dans le Pacifique, lui porta un rude coup au moral. La même année, Arundel devenait membre du très influent Pacific Union Club de San Francisco ; une crise cardiaque le décida à démissionner de ses fonctions à la PPC et à prendre sa retraite, fortune faite, en Angleterre, où il décéda une décennie plus tard, le 30 novembre 1919 à Bornemouth.

Les gouvernements s’en mêlent

Dès son décès, qui coïncidait avec la fin de la Première Guerre mondiale ayant rayé de la carte du Pacifique les Allemands et toutes leurs possessions, une réorganisation complète de l’exploitation des phosphates fut mise en place par les gouvernements britannique, néo-zélandais et australien. 
A la PPC succéda la BPC, la British Phosphates Commission. Il s’agissait alors de plus justement rémunérer les insulaires dont les terres étaient détruites, de réparer autant que possible les dégâts environnementaux subis par ces populations et de leur donner une plus juste part des profits tirés de ces phosphates. Le temps de l’aventure humaine quasiment individuelle était terminé, les phosphates prenaient une dimension certes commerciale, mais également politique...

À lire

Albert Fuller Ellis : “Ocean Island and Nauru-their Story”  (Angus and Robertson Limited, 1935 - 318 pages)

Un mariage repoussé de dix ans

Arundel, lorsqu’il quitta Londres en 1871, était alors âgé de trente ans et donc logiquement fiancé. L’heureuse élue était Eliza Eleanor Wibley (Lillie pour ses proches). Arundel, soucieux de ne pas embarquer sa promise dans une aventure incertaine, décida de la laisser en Angleterre en lui promettant de l’épouser dès que sa situation financière le lui permettrait. A l’époque, on ne communiquait pas par Skype et les nouvelles dépendaient donc des navires effectuant des traversées entre la Grande-Bretagne et l’Australie ; malgré l’éloignement, le couple continua à échanger par courriers et finalement, dix ans plus tard, en 1881, John Arundel, alors âgé de quarante ans, revint à Londres épouser sa belle qui lui donna deux filles dont la seconde vit le jour lors d’un déplacement du couple dans le Pacifique. Elle naquit sur l’île de Sydney et, en conséquence, fut ainsi baptisée (leur première fille étant prénommée Lillian).
Seule ombre au tableau de cette histoire somme toute classique, la petite famille vit sa tranquillité ébranlée par la venue à Sydney, en 1898, du frère cadet de Lillie, Fred Whibley, débarquant des Etats-Unis et du Canada où il avait travaillé dix ans. Un poste lui fut proposé au sein de la compagnie familiale, mais il refusa, préférant se lancer dans le commerce avec l’actuel Tuvalu, alors baptisé Niutao. Le couple Arundel, très pieux, sembla faire contre mauvaise fortune bon cœur face à l’arrivée de ce frère non conformiste, qui ne correspondait pas du tout à l’étiquette de la famille...

Cocotiers et coprah

Arundel n’était pas homme à se la couler douce, confortablement installé dans l’industrie des phosphates. Il était très gourmand en minerai, certes, mais aussi en bon et bel argent et il mit sa connaissance des îles à profit pour se faire établir des baux et se lancer à grande échelle dans la culture des cocotiers pour en tirer le coprah dont l’huile était alors recherchée. 
De 1881 à 1891, Arundel exploita donc une première cocoteraie sur l’île de Flint ; idem sur Caroline Island en 1885, mais là, l’entrepreneur connut l’échec, une maladie ayant décimé sa plantation. Sur Gardner Island (alors Nikumaroro), là encore, tentative avortée ; les plantations de 1892 ne supporteront pas la grave sécheresse qui suivit dans l’année. 
Une diversification qui coûta plus qu’elle ne rapporta, Albert Fuller Ellis, qui travaillait pour l’ensemble du groupe Arundel, concéda alors que la société (à l’époque), globalement, ne gagnait pas d’argent.

Banaba, île martyrisée

Une carte de l’île de Banaba. Les sites en vert olive, baptisés A B et C, sont les zones d’extraction du minerai.
Une carte de l’île de Banaba. Les sites en vert olive, baptisés A B et C, sont les zones d’extraction du minerai.
Banaba, dans l’actuel Kiribati, est une île isolée peuplée aujourd’hui d’à peine trois cents habitants. Elle aurait été découverte en 1804 par le capitaine John Mertho qui la baptise « Ocean island ». Elle avait peut-être été visitée trois ans plus tôt par le capitaine Jered Gardner. 
Si l’exploitation des phosphates grâce à la découverte fortuite d’Albert Fuller Ellis se fit dès 1900, la couronne britannique ne rattacha l’île à l’empire que le 28 septembre 1901 (au sein du protectorat des îles Gilbert et Ellice). A la main d’œuvre les îles voisines, la PPC ajouta rapidement des Japonais puis, à partir de 1920 (Arundel est alors décédé), des travailleurs chinois (environ 700 en 1931).
Le 26 août 1942, les Japonais prirent possession de l’île occupée alors par plus de deux mille six cents travailleurs qu’ils exilèrent dans leur majorité. Alors que la guerre avait pris fin le 15 août 1945 et que la famine sévissait sur l’île depuis des mois, en septembre, les Japonais réunirent la main d’œuvre locale et fusillèrent tous les personnels. Un seul homme survécu au massacre et aux exactions nipponnes.
Les gisements de phosphates ont été épuisés le 25 novembre 1979, date de départ du dernier chargement. Un très long procès opposa les Banabans à la British Phosphate Commission, qui avait pris la suite de la PPC d’Arundel. Vingt millions de tonnes de phosphates ont été extraites de l’île. De deux mille sept cents habitants en 1963, au maximum de l’exploitation de son sous-sol, l’île n’en compta plus que quarante-cinq en 1985.

Nauru, grandeur et décadence

En 1916, étrangers à l’exploitation du phosphate et loin d’en tirer des bénéfices, les habitants de Nauru furent évangélisés, une manière de les encadrer et de les « ouvrir à la civilisation ».
En 1916, étrangers à l’exploitation du phosphate et loin d’en tirer des bénéfices, les habitants de Nauru furent évangélisés, une manière de les encadrer et de les « ouvrir à la civilisation ».
Minuscule république pauvre parmi les plus pauvres pays du globe, Nauru fut jadis prospère, ses habitants ayant même été surnommés les « émirs du Pacifique ».
Cette petite terre fut découverte le 8 novembre 1798 par un Britannique, le capitaine John Fearn. Le 16 avril 1888, l’Allemagne annexa Nauru à son empire en mettant fin à une guerre entre clans rivaux qui élimina le tiers de la population. La découverte des gisements de phosphates, en 1900 par Albert Fuller Ellis fit basculer l’île dans le modernisme et ses travers. En 1914, le déclenchement de la Première Guerre mondiale chassa les Allemands, mais ce fut véritablement entre les deux guerres que l’exploitation du phosphate prit un rythme industriel, car la Nouvelle-Zélande comme l’Australie étaient en manque d’engrais. Les Allemands la bombardèrent fin 1940 et les Japonais l’envahirent en août 1942 avant de se rendre le 13 septembre 1945. L’Australie administra l’île jusqu’en 1968. L’indépendance fut proclamée le 31 janvier de cette même année ; les cours du phosphate étant au plus haut, les Nauréens devinrent richissimes, d’autant plus qu’ils obtinrent de la part de la Grande-Bretagne, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande des fonds pour les indemniser des dégâts provoqués depuis le début du siècle par les extractions (le PIB par tête de Nauru est alors trois fois celui des Etats-Unis !). 
Au début des années 1990, le gisement de phosphate se tarit, les Nauréens, qui n’ont pas été capables de gérer leur fortune, sont plongés dans une crise économique majeure, le gaspillage et la corruption ayant entraîné la ruine du pays.
Aujourd’hui, Nauru vit de l’aide internationale et des subsides que lui rapportent les immigrants que l’Australie rejette hors de ses frontières et qui sont parqués dans des camps sur l’île. Nauru avait même tiré des revenus du blanchiment d’argent sale et de la vente de passeports... 
Posée quasiment sur l’équateur (latitude sud 0°32’51’’), Nauru est l’un des plus petits pays du monde, avec seulement vingt-et-un kilomètres carrés de surface sur lesquels vivent un peu plus de treize mille habitants. Un plan de remise en état de l’environnement nauréen est en projet depuis quelques années, mais n’a pas encore vu le jour... De 1968 à 2000, Nauru a exporté environ 40 millions de tonnes de phosphates (avant 1968, le rythme annuel était de un à deux millions de tonnes).

Arundel à Makatea

L’atoll surélevé de Makatea, entre Tahiti et les Tuamotu, avait attiré l’attention pour ses potentialités en termes de phosphates dès 1904 (et même avant). A l’époque, le navire océanographique américain L’Albatros, avec à son bord le professeur Alexandre Agassiz, préleva des échantillons de roches et dès 1905, le gisement fut confirmé grâce à ces blocs présentés par l’expédition américaine à Maître Auguste Goupil (1847-1921), avocat à Tahiti.
Un nouveau directeur des Travaux publics, Etienne Touze (1871-1951), arriva à Tahiti fin 1905. Il était spécialisé dans les engrais, et, bien entendu, était au fait de la réussite de la PPC d’Arundel à Banaba et Nauru. Me Goupil et lui étaient sûrs d’être devant un formidable gisement (Etienne Touze épousa d’ailleurs Sarah, la fille de Me Goupil, en 1907).
C’est donc Touze qui fut une des chevilles ouvrières de la création de la Compagnie française des Phosphates d’Océanie (CFPO).
A cette époque arriva à Tahiti un yacht à vapeur, le Thyrian. A son bord, un aréopage britannique en quête d’îles à phosphates, avec, entre autres, John Arundel et Albert Ellis en personne. La mission avait lieu sous l’égide de la puissante Pacific Phosphate Company, la PPC d’Arundel. Tout ce beau monde, face aux échantillons ramenés de Makatea, décida de se rendre sur place, avec Touze et Goupil bien entendu. 
Dans la foulée, Touze et Goupil signèrent des accords de coopération avec Arundel et Ellis. Le 4 décembre1908, après bien des atermoiements, Touze rentrait de Paris avec le feu vert des autorités pour une exploitation de Makatea. La Compagnie française des Phosphates de l’Océanie avait enfin tous les clignotants au vert et en 1910, elle racheta les participations que détenaient indirectement la PPC d’Arundel ainsi qu’une autre firme à capitaux allemands. Etienne Touze démissionna de son poste de fonctionnaire pour prendre la direction de l’exploitation de Makatea. Fin 1965 début 1966, l’exploitation du phosphate se termina à Makatea, le gisement étant en grande partie épuisé : onze millions de tonnes avaient été extraites du sous-sol. Quant aux propriétaires des terrains en indivis, ce fut un long marathon que de les identifier afin de les indemniser : mille deux cents furent finalement recensés, dispersés dans près de quatre-vingt îles. 
Lors de l’exploitation du gisement, six cents cinquante salariés produiront mille à mille deux cents tonnes de phosphate par jour.
En 1911, le site employait déjà deux cent soixante-dix ouvriers japonais, le nombre des Polynésiens fluctuant beaucoup après guerre, de cent cinquante à une cinquantaine. En fin de contrat, les Japonais rentreront chez eux et seront remplacés par des Vietnamiens et des Chinois (cinq cent cinquante neuf Asiatiques en 1926).

Rédigé par Daniel Pardon le Lundi 1 Juin 2020 à 11:46 | Lu 2085 fois