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15 ans fermes pour le "bon samaritain" accusé de viols


Tahiti, le 7 mars 2025 - Après deux jours de procès, la cour d'assises a condamné le père de famille, auteur de deux viols, à 15 ans de réclusion criminelle, assortis de 3 ans de suivi socio-judiciaire, avec interdiction d'entrer en contact avec les victimes. Une peine exemplaire pour celui qui prétend ne répondre qu'à la justice de Dieu.
 
Ce vendredi, s'est tenue la suite et fin du procès “du bon samaritain” accusé de viols (article au lien suivant : ...). Une deuxième journée d'audience qui a notamment permis d'écouter le témoignage de la deuxième victime... qui se trouve chronologiquement être la première. En effet, pour rappel, si l'affaire a été révélée au grand jour par la plainte de la belle-mère d'une des victimes en 2014, les premiers faits de violences physiques et sexuelles du couple tortionnaire remontent à 1996. Des faits commis sur la petite sœur de la femme, âgée de 15 ans à l'époque, et recueillie suite au décès de leur père. Appelée ce vendredi à la barre, celle-ci raconte : “Au début c'était bien. Puis après non. J'étais en troisième cette année-là. Je suis allée à l'école mais au fur et à mesure je ne me sentais pas bien. J'ai arrêté l'école à cause de ce qui s'est passé à la maison.” Et pour cause : à la maison, c’était un cauchemar. “Un soir, se souvient-elle, il est venu et il m'a embrassée. Sa femme dormait. Je ne voyais pas le danger. Puis, petit à petit, il y a eu des pénétrations. Vaginales d'abord, anales ensuite. Ça s'est produit dans la chambre, dans le salon... dans la salle de bain... et dans la cabane derrière la maison.” Un récit qui évoque chez la victime toujours autant de souffrance, 30 ans après les faits. “Un soir j'ai failli mettre fin à ma vie”, a-t-elle également confié, en pleurs.
 
Interrogée par le président de la cour si elle avait pensé, à l'époque, tout raconter à sa sœur, la victime répond : “Elle ne voulait rien savoir, elle ramenait tout sur moi. Une fois j'ai déposé une plainte puis je l'ai retirée, j'avais trop peur.” Mais en 2014, après avoir eu vent de l'histoire d'une nouvelle victime, celle-ci décide de se manifester à nouveau devant les autorités. Entendue par les gendarmes à ce moment-là, elle déclare : “Ma sœur et son mari était très sévères avec moi. Ils n'acceptaient pas que j'aille n'importe où. J'étais l'esclave à la maison car je devais faire les tâches ménagères, comme récurer les toilettes par exemple. Et même une fois que c'était fait, ils rouspétaient encore. Ils n'étaient jamais contents.” Et lorsqu'ils n'étaient pas contents, ces derniers la frappaient “avec la paume de la main”, car, semble-t-il, cela ne traduit pas la même intention que de vouloir corriger violemment une personne. Une nuance dont eux seuls ont la compréhension. Et dans le genre de pratiques douteuses, le couple en connait un rayon, crachant devant ou à côté de la fille pour lui signifier leur mécontentement. “Ce n'est pas pareil que de cracher au visage”, s'est senti obligé de préciser l'agresseur, pensant sûrement diminuer une nouvelle fois la gravité des faits. Interpellé au micro par l'avocat général pour une dernière réaction à propos des deux plaintes pour viol portées à son encontre, l'accusé sort les violons : “Je ne suis pas comme ça. Ça fait mal au cœur d'entendre toutes ces choses. Moi je suis pour la lumière, pour la vérité. Et la vérité c'est Dieu.” Le simulacre de trop. Place à la plaidoirie.
 
Face aux jurés, l'avocat de la partie civile va droit au but : “L'accusé est remarquable. Il est remarquable car il sait se faire remarquer, car il sait détourner les choses. Je doute que cela soit très efficace, mais cela a le mérite d'être systématique. Quand on lui pose une question, il ramène tout à ce qui est spirituel. Chose qui l'a mis face à ses contradictions et qui n'a d'ailleurs pas tenu.” En effet, pour l'avocat, l'accusé aurait dû assumer ses actes devant la justice des hommes afin d'être “propre”, pour ensuite faire face, dans son intimité, à la justice de Dieu. Une façade dénoncée également par l'avocat général, expliquant l'hypocrisie de la manœuvre de l'accusé : “Monsieur se cache derrière Dieu pour exercer tous ses vices”, a-t-il lancé à l’adresse des jurés. “Ne croyant qu'en la justice de Dieu, il vous dénie le droit de le juger. C'est un individu particulièrement dangereux. [...] Même son guide spirituel, faisant partie de sa communauté, ne veut plus le voir et estime qu'il est coupable.” L'avocat général a requis une peine de 15 ans de réclusion assortie d'une période de sûreté des deux tiers. Un quantum excessif aux yeux de l'avocat de la défense qui a tenté, malgré tout, de proposer un autre angle à cette affaire. Rappelant, par exemple, les déclarations évolutives des victimes au fil des années, ou en soulignant que si l'agresseur était une menace, cela fait pourtant 10 ans qu'il n'est soumis à aucun contrôle judiciaire et que depuis, rien ne s'est passé. Des arguments qui n'ont pas suffit à convaincre les jurés puisque l'accusé a été condamné à 15 ans de réclusion avec, à sa sortie, trois ans de suivi socio-judiciaire et l'interdiction d'entrer en contact avec les victimes.
 

Rédigé par Wendy Cowan le Vendredi 7 Mars 2025 à 17:07 | Lu 2898 fois