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​Raivavae, l’île aux santals


PAPEETE, 1 juillet 2019 - Le santal est sans doute aucun l’une des plantes les plus emblématiques de nos archipels, dont elle a bouleversé, au début du XIXe siècle, les modes de vie et les équilibres. La surexploitation de la ressource a abouti à la quasi disparition de cette espèce dans un grand nombre de nos îles. L’une d’elles pourtant en possède encore de splendides colonies sur sa couronne récifale, les motu de Raivavae étant un véritable conservatoire de Santalum insulare.
 
L’épopée du santal dans le Pacifique Sud a suivi et accompagné le temps des découvertes et des premières explorations, précédant souvent le rush que fut l’arrivée des baleiniers. C’est en effet au tout début du XIXe siècle que les santaliers débarquèrent dans les îles de la vaste Océanie  pour y vivre d’un singulier commerce triangulaire : d’Australie, les bateaux partaient chargés de colifichets, de plumes rouge, de tissus, mais aussi d’alcool et d’armes pour aller troquer ces marchandises dans les îles, en échange de santal. Les cales pleines, les bateaux mettaient le cap sur les ports chinois, Canton le plus souvent, où le santal était échangé contre de la soie, des porcelaines, du thé surtout et d’autres produits asiatiques qui étaient ramenés et revendus à Sydney. La boucle était bouclée.

​Un miracle à Raivavae

Le massacre, car c’en fut un, aboutit, entre 1790 et 1840 à la presque éradication des santals de Hawaii, de 1804 à 1825 des santals des îles Fidji, de 1811 à 1826 des santals des Marquises et de 1825 à 1865 de ceux des Nouvelles-Hébrides et de la Nouvelle-Calédonie.
En Polynésie française, ce sont les Marquises qui payèrent le plus lourd tribut aux santaliers, mais ceux-ci n’épargnèrent pas non plus les Australes, notamment Raivavae et Rapa (dans cette dernière île, il ne restait plus que quatorze pieds il y a quelques années). Et si l’espèce a disparu complètement de Tubuai par exemple, elle a été miraculeusement préservée à Raivavae où le santal pousse sur les motu (îlots, NDLR) avec la même ardeur que les kahaia, les miki miki, les fara ou les  naupata. Enfin presque !
Parmi tous ces motu à la flore si spécifique, le "motu piscine" (motu Vaiamanu) est, de loin, le plus visité et le plus fréquenté quotidiennement. Les sites où sont débarqués les touristes, à proximité d’une pointe sableuse faisant face à l’île, ne permettent pas d’observer le moindre plant de santal. Pour cela, il faut marcher environ vingt minutes le long de la plage, côté lagon ; un premier santal est d’abord visible en bord de plage et à partir de ce fanal, il suffit de s’enfoncer un peu sous le couvert végétal pour se retrouver face à de nombreux arbres porteurs ou non de petits fruits rouge grenat à bleu myrtille (en fonction de la saison, même si les santals semblent produire une grande partie de l’année fleurs et fruits).

​Mutilé à la machette

Curieusement, à Raivavae, peu d’acteurs du tourisme (les guides des pensions de famille) mesurent l’intérêt qu’il y a à faire découvrir ce petit arbre si chargé d’histoire et nombre de visiteurs se rendent à Raivavae et sur les motu sans même savoir qu’ils sont en présence de ces plantes si rares ailleurs.

Pire même, sur un des motu où était hébergée une quarantaine de "Robinsons" originaires de Tahiti, nous avons eu la tristesse de constater que des arbres avaient été mutilés à la machette pour en arracher une partie des racines (seul le bois de cœur étant parfumé). Autre regret, la vue de morceaux bruts de santal en vente au centre artisanal près de la mairie et au fare d’artisanat de l’aéroport.

> A lire : Santal polynésien, de la connaissance à la renaissance (Butaud, Bouvet, Bianchini, Gaydou, Raharivelomanana). Ethnopharmacologia, n°46, décembre 2010.

​N’achetez pas de bois de santal

S’il ne s’agit pas de priver les habitants de Raivavae d’une potentielle ressource financière, nous ne saurions trop conseiller fortement à tous les visiteurs de ne pas acheter le moindre morceau de bois de santal ; la ressource est trop précieuse pour que l’on s’amuse à la détruire après que l’espèce soit passée au bord de la disparition au XIXe siècle dans nos îles. 
Enfin ne récoltez pas non plus de fruits dans l’espoir de faire germer une ou des graines ; le santal est une plante semi-parasite qui a besoin de la présence d’autres plantes ressources pour se développer ;  aucun pied de santal ne poussera dans un pot de fleur sur votre terrasse… 
Allez sur les motu de Raivavae, apprenez à reconnaître les santals dont les colonies sont uniques en Polynésie (et d’un accès plus que facile), photographiez les arbustes, leurs très petites fleurs, leurs fruits, leur feuillage magnifique, mais de grâce, ne participez ni de près ni de loin à la destruction de ces magnifiques petits arbres. 
C’est bien vivants dans leur milieu naturel que les santals ont toute leur place et conserveront toute leur valeur.

L’avis d’un botaniste

Jean-François Butaud est un botaniste spécialisé dans la flore polynésienne. Voici son avis sur la présence de tant de santals sur la seule île de Raivavae : "je pense que l'introduction du rat noir a été plus tardive à Raivavae qu'ailleurs, notamment sur les motu, que la densité de rats est faible, que les santals ont repoussé depuis la coupe des santaliers (possiblement à cause de l'absence de chèvres sur les îlots), que les santals aiment bien le sable des motu et qu'ils se sont régénérés assez bien jusqu'à récemment."

Les santals polynésiens


Dans le vaste Indo-Pacifique, on compte dix-sept espèces et dix-sept variétés de santals, allant de l’Inde et du Sri Lanka (Santalum album) à l’archipel de Juan Fernandez au large de Valparaiso (Santalum fernandezianum, espèce aujourd’hui disparue).
Dans la seule Polynésie, on compte  une espèce endémique (Santalum insulare), qui se décline en huit variétés, dont une est propre à l’île de Raivavae :

- Santalum insulare var. insulare (Tahiti, Société)
- Santalum insulare var. alticola Fosberg & Sachet (Tahiti, Société)
- Santalum insulare var. raiateense (Moore) Fosberg & Sachet (Moorea, Raiatea, Société)
- Santalum insulare var. marchionense (Skottsb.) Skottsb (Marquises)
- Santalum insulare var. deckeri Fosberg & Sachet (Marquises)
- Santalum insulare var. margaretae (F. Brown) Skottsb (Rapa, Australes)
- Santalum insulare var. raivavense F. Brown (Raivavae, Australes)
- Santalum insulare var. mitiaro Sykes (Mitiaro, îles Cook)
- Santalum insulare var. hendersonense (F. Brown) Fosberg & Sachet  (Henderson, îles Pitcairn)

Le grand massacre
 
L’épopée des santaliers aux Marquises comme aux Australes n’a pas été glorieuse à bien des points de vue. Les spécialistes ont calculé que 2 200 tonnes de santal furent exportées des îles Marquises entre 1811 et 1821, soit la destruction de 27 000 à 55 000 arbres si l’on considère que l’on extrayait 40 à 80 kg de bois de cœur par arbre.
On estime aujourd’hui qu’il reste environ 4 500 pieds de santal en Polynésie française.
Aux Australes, on a recensé deux vagues de récolte du santal : de 1812 à 1819, les santaliers exploitèrent les arbres de Raivavae (et sans doute de Tubuai où ils ont disparu) puis se rabattirent, de 1825 à 1827, sur l’île de Rapa (70 tonnes de bois de cœur sur cette petite île, soit 1 750 arbres sacrifiés environ).

Séjourner à Raivavae

Il existe cinq pensions de famille autour de l’île, notre partenaire Séjours dans les îles-Air Tahiti en proposant trois à des prix très intéressants : Pension Chez Linda Séjour vol + 3 nuits avec demi-pension à partir de 58 768 Fcfp/pers.
Nuit supplémentaire avec demi-pension à partir de 8 600 Fcfp/pers
Bungalows : 3 petits bungalows jardin (capacité 3 personnes) ; 1 grand bungalow jardin famille (capacité 4 personnes).

Rédigé par Texte et photos Daniel Pardon le Lundi 1 Juillet 2019 à 10:12 | Lu 4109 fois