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​Les Sabena attaquent


Tahiti, le 3 juin 2021 – Alors que le président de Jet Aviation France est arrivé au fenua et que le directeur national de Sabena Technics est attendu jeudi soir, les salariés de Sabena en grève à Faa'a passent à l'offensive avec deux recours déposés devant les juridictions civil et du travail pour demander la reprise de leurs contrats avec le transfert de leur activité.
 
Le compte à rebours se fait de plus en plus oppressant pour les salariés de Sabena Technics à Faa'a. En grève depuis le 7 mai dernier, près de 70 des 95 employés de la société assurant la maintenance des avions Casa et Gardian en Polynésie française demandent toujours à être fixés sur leur avenir. Le 30 juin prochain se terminera officiellement le contrat de maintenance des Gardian, perdu en mars dernier par leur entreprise au profit de la société suisse Jet Aviation.
 
Quid des emplois de Sabena Technics ? Depuis maintenant deux mois, les salariés n'ont de cesse marteler cette question à leur direction, à celle de Jet Aviation et aux autorités du Pays et de l'Etat. En vain, jusqu'ici. A moins d'un mois de l'échéance, les choses se sont néanmoins accélérées ces derniers jours. Des responsables de Jet Aviation France et de la maison mère de Sabena Technics en métropole se déplacent au fenua, l'inspecteur du travail militaire, compétent pour ces personnels, s'est également rendu à Tahiti depuis Paris. Et enfin, et surtout, les grévistes ont saisi les juridictions locales pour obtenir une décision ferme sur la reprise, ou non, de leurs contrats.
 
Jet Aviation au fenua
 
Depuis quelques derniers jours, le président de Jet Aviation France et un cadre de la société multiplient les rencontres en Polynésie française avec les autorités locales et nationales. Une réunion s'est également tenue mercredi avec les salariés de Sabena Technics. Selon les grévistes, Jet Aviation France leur a annoncé qu'une "équipe de transition" arriverait au 1er juillet prochain et que des recrutements cibleront "en priorité" des salariés actuels de Sabena.
 
Le nouvel employeur assure avoir calqué sa grille de salaire sur celle de Sabena, mais les employés qui seront réembauchés perdront ancienneté et avantages… "On sait déjà qu'ils ne reprendront pas tout le monde", déplore-t-on sur le piquet de grève. Autre problématique, Jet Aviation souhaite que les futurs employés relèvent de la convention collective de l'Industrie et non de celle, plus avantageuse, du transport aérien. Selon nos informations, les responsables de Jet Aviation prévoient de communiquer publiquement dans les prochains jours au fenua.
 
Deux recours
 
Deux recours en référé –en urgence– ont été déposés au palais de justice de Papeete. Le premier devant le tribunal du travail pour ce qui concerne la situation individuelle des salariés. Le second pour la situation collective du conflit au nom de la CSTP-FO devant le tribunal civil. Les deux principaux arguments sont les mêmes : l'application de l'article du code du travail sur la reprise des contrats dans le cadre d'un transfert d'activité et l'application de la convention collective dans ses dispositions concernant la perte d'un marché (voir interview). "Nous sommes dans un délai très serré pour qu'enfin une décision de justice soit rendue", concède l'avocate des salariés CSTP-FO, Me Marie Eftimie. "A moins, encore une fois, que chacun revienne à la raison avec une solution amiable."
 
L'une de ces solutions pourrait venir de la direction de Sabena Technics, dont le directeur national est attendu jeudi soir à l'aéroport de Tahiti-Faa'a. Une rencontre est prévue vendredi matin avec les salariés, avant un comité d'entreprise extraordinaire et une réunion générale dans l'après-midi. Les grévistes attendent notamment qu'un plan social en bonne et due forme soit mis sur la table.
 
Et les Casa ?
 
Enfin, les Sabena attendent toujours le résultat du second marché de maintenance des Casa. Un contrat censé se terminer lui aussi au 30 juin prochain. Mais selon les informations, non encore confirmées officiellement, qui circulaient jeudi au sein de la société locale, ce marché pourrait être déclaré infructueux et relancé. Un répit de quelques mois pour une partie de l'activité de Sabena Technics. Une partie seulement.
 

Me Marie Eftimie, avocate des salariés de Sabena Technics : "Personne ne répond clairement à leurs questions"

Sur quels arguments allez-vous baser vos demandes de reprise des contrats de travail des salariés de Sabena Technics par Jet Aviation France ?
 
"L'idée est de tenter de trouver une solution et d'essayer surtout, quelque part, de tenter de ramener ces entreprises à la raison. Je dis ramener à la raison pour deux motifs principaux. Il y a tout d'abord un article général dans le code du travail, qui est l'article LP 1212-5, qui prévoit que dans le cas d'une vente, fusion ou transformation de fond tous les contrats de travail doivent suivre le cours de l'activité. Or là, il s'agit exactement de cela. C'est à dire que c'est une grande partie de l'activité qui est transférée à quelqu'un. Peu importe comment. Sabena Technics va perdre une partie de son activité et cette activité va avec les salariés. Elle est mariée avec les salariés. Et c'est ce que veut le droit du travail. Ensuite, il y a également un arrêté du 3 juin 2019 qui a voulu marquer encore plus spécifiquement le secteur aérien et la circonstance de la perte de marché. C'est maintenant spécialement prévu et réglementé."
 
Contre qui sont dirigés vos deux recours ?
 
"Les deux procédures sont dirigées à la fois contre Sabena Technics et Jet Aviation France. Pour l'instant, nous ne connaissons pas officiellement et avec précision leurs positions respectives."
 
Vous pensez que cette procédure a des chances d'aboutir ?
 
"Nous pensons que la loi du Pays et le texte réglementaire pris en conseil des ministres sont suffisants pour permettre à chacun de prendre ses responsabilités, et surtout pour cesser de laisser dans l'incertitude la plus totale les salariés. Parce que cela fait maintenant plus d'un mois que la perte de marché est connue de Sabena Technics et de Jet Aviation France et que personne ne répond clairement à leurs questions. C'est assez ahurissant et extrêmement oppressant. Il faut se mettre à leur place."
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Vendredi 4 Juin 2021 à 17:48 | Lu 4727 fois