Tahiti Infos

​Le Medef demande une aide « massive » de l’Etat


Tahiti, le 4 mai 2020 – Au lendemain de la publication par Tahiti Infos des scénarios économiques établis par le Medef Polynésie –tablant sur 100 à 145 milliards de pertes de chiffre d’affaires par an en 2020 et 2021 et 3 400 à 4 700 emplois menacés– le président de la commission économie de l’organisation patronale, Frédéric Dock, revient sur les détails de cette étude. Il annonce que le Medef défend des « adaptations des mesures nationales à nos territoires » à travers « la mise en place de mesures économiques massives ».

 
Pourquoi avoir lancé cette étude auprès de vos entreprises ?
 
« Le Medef avait annoncé la catastrophe à venir, mais n’en avait pas évalué le coût. La responsabilité des chefs d’entreprises, c’est d’anticiper et de réagir. Sans cela, c’est directement la cessation de paiements, sans payer les soldes des salaires, sans respecter les indemnités de licenciements et sans payer les factures aux fournisseurs… Avec le risque de créer une réaction en chaîne qui va amener faillite et pertes d’emplois vers un état encore plus catastrophique… Voilà, en gros, ce pourquoi on a fait ce travail. »
 
Sur quelles données vous êtes-vous basés ?
 
« Nous avons 18 organisations patronales au Medef qui couvrent les principaux secteurs d’activités, parmi lesquels le commerce, l’hôtellerie, le transport aérien domestique, le BTP, les industries, le secteur automobile ou encore les importateurs… On a interrogé chacune de ces organisations patronales qui se sont rapprochées de leurs entreprises, 470 entreprises au total, et nous avons pu obtenir des chiffres des prévisions 2020 et 2021 dans un premier temps. »
 
Il y a des secteurs plus impactés et qui font remonter davantage de difficultés ?
 
« Bien sûr, tout ce qui relève du tourisme. Parce qu’il y a un arrêt total depuis fin mars de l’activité touristique. C’est là justement que l’on se rend compte que beaucoup de secteurs dépendent de l’activité touristique. Puisque ça va influencer la consommation, le secteur du BTP, les industries qui fournissent les produits, agroalimentaires entre autres, et évidemment le transport aérien domestique... On se rend bien compte que toute l’économie polynésienne, mais ça on le savait, est interdépendante. »
 
C’est la raison pour laquelle, dans vos deux scénarios, la condition de la reprise est la réouverture des vols internationaux ?
 
« Effectivement. Un chef d’entreprise doit avoir des scénarios pour faire une prévision. Aujourd’hui, ces scénarios ne dépendent pas des entreprises. Ils dépendent des gouvernements, que ce soit celui de la Polynésie, celui de la France, voire d’autres pays de la zone. Et donc, de manière à faire nos prévisions, nous avons fait deux scénarios qui consistent à dire, pour l’un, on ouvre nos frontières internationales en juillet et, pour l’autre, on les ouvre à la fin du dernier semestre de l’année. Alors ça ne veut pas dire qu’on parle d’un redémarrage du tourisme, mais ça veut dire des échanges avec les pays de la zone et la métropole. Ce qui serait déjà un premier point de démarrage. Nous n’avons fait que deux scénarios. On aurait pu travailler sur plus pessimiste, mais bon ça n’a pas beaucoup de sens quand on voit déjà l’étendue des dégâts »
 
Justement, vous vous attendiez à de tels niveaux de prévisions de pertes, à la fois en chiffres d’affaires et sur les emplois ?
 
« Tout le monde est surpris du résultat. Il est impressionnant. Mais d’un autre côté il est bien maîtrisé par les organisations patronales parce que chacun connaît ses marchés, chacun connaît ses comportements de clients. Ils ont l’expérience de la crise de 2008/2009 et tout le monde s’accorde à dire que celle-ci sera bien plus catastrophique qu’il y a dix ans. Voilà pour les prévisions de pertes de chiffres d’affaires. Ces chiffres d’affaires sont là pour payer les charges. Et parmi les charges variables, il y a les emplois. Et on ne parle bien que des emplois directs mesurés au sein du Medef. Sur les 16 000 salariés des entreprises du Medef, on estime que sur le scénario pessimiste on est susceptible de mettre 4 700 emplois en danger. »
 
Cela signifie que beaucoup plus d’emplois sont en réalité menacés ?
 
« C’est à minima. Et on parle d’emplois directs. Le secteur privé, c’est 45 000 emplois aujourd’hui et le Medef c’est 16 000 emplois. En mettant en péril 4 700 emplois directs, on ne connaît pas la conséquence sur les autres emplois du secteur privé. C’est un travail qui doit être fait par les économistes, qui doivent prendre ces chiffres et calculer l’impact que ça peut avoir sur le reste de l’emploi et l’économie en général. »
 
Qu’allez vous faire de ces chiffres maintenant ?
 
« D’abord, notre démarche s’inscrit dans la demande du Pays, puisque le président a demandé des chiffres la semaine dernière avec la constitution d’un comité local d’experts. Le premier élément, c’est celui-ci. C’est d’alimenter les projections des experts, justement. Dans un deuxième temps, on compte bien pouvoir être force de propositions pour mettre en œuvre des mesures pour éviter cette catastrophe. »
 
Avez-vous déjà des pistes de mesures ?
 
« Il y a déjà la reprise et le maintien de l’activité que j’avais appelé « endogène » il y a quelques jours. C’est celle qui dépend de nous. C’est ce sur quoi on a déjà commencé à travailler avec le gouvernement, mais qu’il faut renforcer, affiner et surtout traiter d’une manière urgente. Je pense à la relance du BTP, à l’ouverture des commerces… Ce sont des mesures qui permettent d’éviter l’effondrement. »
 
Nous n’y sommes pas déjà depuis l’allègement du confinement ?
 
« On est dedans, mais on ne fait que commencer. C’est en partie lié à l’allègement du confinement, mais pas seulement. Ensuite, la deuxième chose, c’est la mise en place de mesures économiques massives. Ce sont, pour ces mesures, des besoins financiers qui dépassent clairement les capacités du budget du Pays aujourd’hui. Nous défendons des propositions d’adaptations des mesures nationales à nos territoires. On ne peut pas imaginer, vue l’ampleur de la crise qui s’annonce, qu’on ne puisse pas bénéficier de la solidarité nationale dans les mêmes proportions que ce dont les autres territoires français bénéficient. »
 
Est-ce possible avec le statut d’autonomie ?
 
« Le Pays a montré de quoi il était capable avec les moyens dont il dispose et on est tous d’accord pour dire qu’ils sont largement insuffisants. Sur ce que permet ou pas l’autonomie de la Polynésie française, c’est un sujet à traiter par nos gouvernants. Nous, on parle de solidarité nationale. On ne parle plus de questions statutaires ou institutionnelles. Pour nous, l’urgence est économique et sociale. »

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 4 Mai 2020 à 21:40 | Lu 2758 fois