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​Uturoa prête à repartir pour un tour


Tahiti, le 22 septembre 2020 - Séparés de seulement 10 voix à l'issue du scrutin du 28 juin dernier à Uturoa, Sylviane Terooatea et Matahi Brotherson seront peut-être amenés à se départager de nouveau. Le recours électoral effectué par l'ancienne tāvana a trouvé une oreille attentive auprès du rapporteur public du tribunal administratif. La magistrate a en effet conclu à l'irrégularité de 10 procurations. Suffisant pour justifier selon elle une annulation du scrutin.

La bataille avait été indécise jusqu'au bout. Arrivée en tête au premier tour en mars dernier avec 241 voix d'avance, la mairesse d'Uturoa avait vu son principal adversaire la dépasser d'une courte tête lors du second tour organisé plus de trois mois plus tard. Matahi Brotherson avait ainsi largement fédéré autour de son nom dans l'entre-deux tours interminable, doublant quasiment le nombre de voix obtenues. En passant de 776 à 1381 voix, l'élu sans étiquette s'imposait le 28 juin de 10 voix face à la mairesse sortante et donc sortie. Un faible écart de voix qui laissait supposer le dépôt d'un recours en annulation, ce qui fut fait dès le 3 juillet.

Dix procurations irrégulières

Si l'avocat de Mme Terooatea, Me Mourad Mikou, a évoqué une campagne qui s'est déroulée dans un climat douteux, ce sont les arguments sur les irrégularités de procurations qui ont retenu l'attention du rapporteur public. Le code électoral prévoit en effet que, quand une procuration doit être signée par celui qui la donne, elle doit également être établie devant un agent de police ou un gendarme, ce dernier "après avoir porté mention de celle-ci sur un registre spécial ouvert par ses soins, indique sur celle-ci ses noms et qualité et la revêt de son visa et de son cachet". Pour la magistrate, il s'agit de formalités essentielles pour la régularité des suffrages. Une exigence réglementaire qui l'ont conduite à un examen attentif des procurations contestées. Ainsi, sur six d'entre elles, deux sont dépourvues de signature et quatre ne présentent qu'une croix. "Les votes émis au moyen de ces procurations sont irréguliers". Sur quatre autres procurations, le cachet, le visa ou les noms et qualités de l'agent de police judiciaire seront manquants. "Au total, sur les 14 procurations contestées, 10 d'entre elles sont irrégulières" conclura la magistrate qui ajoutera que, compte tenu de l'écart de 10 voix, ces irrégularités "sont de nature à avoir altérer la sincérité du scrutin". Elle a ainsi conclu à l'annulation des opérations électorales du 28 juin dernier.

Négligence des agents de police et de gendarmerie

Si le sourire se devinait sous le masque de l'élue Tahoeraa candidate aux élections sénatoriales, les grimaces étaient perceptibles sous ceux de l'actuel tāvana et de son conseil. L'avocat, Me Robin Quinquis, tentera ainsi de minimiser les faits en évoquant de "pures omissions matérielles" qui ne seraient que le fait de "négligence de certains agents qui portent préjudice à tout le monde". En ligne de mire des gendarmes et des policiers à Raiatea et à Tahiti qui auraient failli à leur mission de vérifier et d'enregistrer correctement les procurations. Une négligence qui poussera l'avocat a demandé le déclenchement d'une enquête interne pour préciser si les procurations litigieuses ont bien été traitées dans le respect des règles du droit. "Réorganiser les élections car il y a un tampon qui manque c'est regrettable alors qu'il peut être simplement fait une enquête" histoire pour les agents concernés de donner des précisions et faire toute la lumière sur la procédure. Une volonté qui s'est heurtée à un mur selon l'avocat, "les agents de police judiciaire ne veulent pas le faire et ont des consignes pour ne pas le faire".

Décision le 6 octobre

Même si les juges ne sont pas tenus de suivre les conclusions du rapporteur public, le retour aux urnes à Uturoa se profile. La décision doit être rendue le 6 octobre prochain et pourrait conduire Sylviane Terooatea a enchainé une campagne électorale municipale après celles des sénatoriales. La décision pourrait également avoir des incidences notables sur les contentieux en cours notamment à Papeete et Arue qui se concentrent autour des conditions de délivrance des procurations. Des signatures, tampons ou visas manquants pourraient ainsi entrainer l'irrégularité de procurations dans des scrutins où le tribunal administratif s'intéresse peu voire pas du tout à qui elles ont pu bénéficier. Moins de suspense à attendre dans les autres communes où des recours avaient été déposés. Le rapporteur public a en effet conclu aux rejets des contestations pour Huahine, Tureia, Arutua et Faaite.
 

​Matahi Brotherson, actuel tāvana d'Uturoa : "Nous n'avons pas commis de fraude"

Vous êtes confiant par rapport au risque de nouvelle élection ?

"Je ne vois pas de souci parce que nous n'avons pas commis de fraude. À ce moment-là, c'était Mme Terooatea qui était maître des procurations. C'était son devoir de vérifier les procurations et de voir s'ils devaient voter ou pas mais ce n'était pas de notre fait. Je ne me mets pas déjà dans un schéma de campagne."
 

​Sylviane Terooatea : "Aujourd'hui il faut refaire les élections à Uturoa"

Vous vous sentez soulagée en entendant les conclusions du rapporteur public ?

"Oui, depuis le début je suis confiante (...). Je souhaite que le tribunal suive les conclusions du rapporteur public qui demande à annuler les élections dans la commune d'Uturoa. Je suis encore plus confiante et je sais qu'on repartira aux élections !"

Selon votre adversaire, vous étiez tāvana au moment de l'organisation de l'élection et que c'est un peu de votre faute si on en est arrivé là ?

"Non, ce n'est pas de notre faute. Les procurations arrivent au fur et à mesure et nous avons des services dans la commune qui n'ont pas eu le temps de vérifier les procurations donc nous on valide les procurations (...). De toute façon, ça c'est derrière. Aujourd'hui il faut refaire les élections à Uturoa."
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 22 Septembre 2020 à 15:15 | Lu 5067 fois