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​Optimiser la maturation des bananes


Chaque chambre peut accueillir jusqu’à 25.000 bananes, fournies vertes (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Chaque chambre peut accueillir jusqu’à 25.000 bananes, fournies vertes (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 19 juin 2025 – Une mûrisserie a été inaugurée aux ateliers d’agro-transformation de Mataiea. Inspiré du modèle réunionnais expérimenté à Raiatea, ce nouvel outil permet de maîtriser la maturation de 50.000 bananes en simultané pour répondre à la demande des cantines scolaires et de la grande distribution, tout en réduisant les pertes. Le dispositif, qui sera amélioré avec l’ajout de panneaux solaires, pourrait être étendu à la côte est de Tahiti et à Moorea.

 
En activité depuis fin 2024, les ateliers d’agro-transformation de la Direction de l’Agriculture (DAG) à Mataiea hébergent depuis quelques semaines un nouvel outil : une mûrisserie de bananes. Financés à hauteur de 10 millions de francs par la Chambre de l’Agriculture et de la Pêche lagonaire (CAPL), les deux containers de 20 pieds réfrigérés à 18°C ont été inaugurés ce jeudi en présence de plusieurs producteurs, élus communaux et clients du secteur. Tous ont été invités à goûter les différentes variétés entreposées, lesquelles avaient été fournies vertes.
 
“On peut faire mûrir 25.000 bananes en même temps dans un container grâce à de l’éthylène, un gaz qui se dégage naturellement de la banane. La version synthétique de ce gaz, diffusé pendant une minute dans la chambre, est utilisée dans le monde entier pour faire mûrir les bananes. On va pouvoir faire mûrir deux types de bananes : celles destinées aux cantines scolaires qui vont être consommées le jour-même, et celles qui vont rester plusieurs jours sur les étals des magasins”, explique Manutea Moutame, technicien à la CAPL, membre de l’équipe partie se former sur l’île de La Réunion dans le cadre d’un partenariat entre les chambres agricoles polynésienne et réunionnaise.
 


Redorer la filière


Pour Nicky Verghnes, agro-transformateur et fournisseur auprès de plusieurs cantines scolaires, c’est un pas de plus en faveur de l’autonomie alimentaire et de l’introduction de davantage de produits locaux dans nos assiettes. “Cette mûrisserie va permettre de répondre à la problématique du volume. Jusqu’à maintenant, on n’arrivait pas à fournir de grosses quantités de bananes parce qu’on assurait la maturation artisanalement. Le souci, c’est que tout ne mûrit pas en même temps et on pouvait atteindre 30 % de pertes. Là, tout sera prêt à être consommé en même temps. Avant, on était entre 300 et 400 kg par semaine pour Taiarapu-Est, Teva i Uta et Paea. L’idée, c’est de s’étendre au second degré et à d’autres communes. On va pouvoir structurer et garantir un achat aux agriculteurs chaque semaine. Et s’il y a du surplus, on peut faire de la purée, du po’e, des gâteaux, etc.”, confie le jeune entrepreneur.
 
Le président de la CAPL, Thomas Moutame, mise sur cet outil pour redorer la filière. “Aujourd’hui, on a trouvé une solution. Nous avons fait les premiers tests à Taputapuātea avec le collège, le lycée et la commune de Uturoa, et le résultat, c’est qu’on peut fournir des bananes pour plusieurs repas et goûters. Chaque semaine, on nous livre 1.200 bananes”, indique le tāvana, qui espère transposer cette réussite. “Si on arrive à fournir suffisamment de bananes pour toutes les cantines scolaires de Tahiti et Moorea où il y a 40.000 repas par jour, à raison d’une à deux fois par semaine, ce serait déjà énorme ! Il faudrait augmenter le nombre de containers, mais c’est un début”.
 
Pour réduire le coût énergétique de ces chambres, et donc leur impact sur l’achat et la revente des bananes, l’installation de panneaux solaires est en projet. La CAPL envisage d’étendre cette initiative à la côte est de Tahiti et à l’île de Moorea, et pourquoi pas à d’autres fruits.
 


L’avis des producteurs

Paul Uraeva, agriculteur à Papara : “J’ai un hectare de bananiers à Papara, uniquement des Hāmoa et Rio. Tout ce que je plante et ce que je récolte arrive ici. C’est une filière à développer, car on n’arrive pas à répondre à la demande. J’aimerais planter plus chez moi ou en obtenant une terre domaniale”.
 
Un agriculteur et éleveur à Hitia’a : “C’est intéressant, mais à certaines conditions : à quel prix d’achat, pour quelles quantités à fournir, et qu’est-ce qu’on fait pendant les vacances scolaires ? Je ne fais plus autant de bananes qu’avant, car on se retrouvait toujours avec des excédents. J’ai privilégié d’autres produits, comme les cocos, le taro et les patates douces, pour lesquels la maturité est plus facile à gérer”.


Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Jeudi 19 Juin 2025 à 16:53 | Lu 2588 fois