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​Les mots du président sur les "blancs" et les "basanés ma’ohi"


Tahiti, le 24 septembre 2020 - Questionné sur une analyse de l'ISPF qui suggère de compenser l'accroissement du rapport de dépendance dû au vieillissement de la population polynésienne par un recours à l'immigration, le président Edouard Fritch a vivement critiqué l'élue indépendantiste Eliane Tevahitua, lors de la séance des questions au gouvernement jeudi matin à l'assemblée, "préoccupé par cet état d’esprit raciste qui se développe chez nous ". 
 
Dans une étude démographique prospective  publiée mi-août, l’Institut de la statistique (ISPF) constate un phénomène de vieillissement de la population. Cette tendance risque d’alourdir le rapport de dépendance entre actifs et passifs à l’horizon 2030, avec une personne sur cinq âgée de plus de 60 ans. Un "futur possible" qui menace la situation économique et sanitaire à venir du pays. L’ISPF estime que pour limiter cette augmentation, déjà à l’œuvre, du rapport de dépendance l’immigration devra être très importante puisque, selon lui, la fécondité n’aura pas d’impact direct et la baisse significative de l’espérance de vie est très peu probable : "Si l’on souhaite conserver un rapport de dépendance stable entre les 15-59 ans et les 60 ans et plus sur la période 2018 à 2030, il faudrait (d’après les estimations) atteindre 102 000 personnes supplémentaires âgées de 15-59 ans en 2030, soit 8 500 par an", conclut l’institut statistique. 

Un remède visiblement pire que le mal pour la représentante indépendantiste Eliane Tevahitua. Elle a fustigé l’analyse statistique et sa proposition de remplacement de "35% de la population" par une "immigration massive" avant d'interpeller le président Fritch, jeudi matin lors de la séance des questions au gouvernement : "Souscrivez-vous aux injonctions de cette politique d'immigration néocolonialiste lorsque nous constatons chaque jour que nos enfants, vos enfants, qui ont pourtant fait des études supérieures ne trouvent pas d'emploi dans leur propre pays, que de nombreux Polynésiens sont obligés de vivre à l'étranger ou de s’enrôler dans les armées pour subvenir à leurs besoins ?"
 
Farani, blancs et basanés ma’ohi
 
"Nous sommes là dans la statistique. Donc, ce que dit l’étude de l’ISPF est de l’ordre du possible et non une prédiction. En fin de compte, ce sont bien les politiques publiques qui dicteront les orientations réelles", a commencé par répondre le président Fritch en se défendant de vouloir "favoriser l’apport de main d’œuvre extérieure". Chemin faisant, il a reproché au groupe Tavini de s’être abstenu lors du vote de la loi du Pays pour la protection de l’emploi local, en juillet 2019. Puis, quittant des yeux la note préparée pour cette réponse à lire en séance plénière, et "préoccupé par cet état d’esprit raciste qui se développe chez nous ", il a lui-même glissé dans les considérations raciales : "Celui ou celle qui me dira que nous n’avons pas besoin de médecins, de professeurs, de juges, voire même d’avocats blancs… Qu’il me le dise. Il y a des besoins auxquels nous ne pouvons pas répondre. Vous avez montré l’exemple, puisque vous faites venir des avocats pour défendre des basanés, des ma’ohi (NDLR : l’avocat parisien David Koubbi, pour la défense d’Oscar Temaru lors du procès Tefana). Je ne veux pas paraître, madame la représentante, comme un pays de racistes. Pas dans un pays chrétien. (…) J’ai envie de vous dire qu’il faut être beaucoup plus raisonné dans votre façon d’interpréter les chiffres. Ce ne sont pas les chiffres du gouvernement, mais de l’institut de la statistique."

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 24 Septembre 2020 à 15:20 | Lu 10941 fois