Tahiti Infos

​La rentrée à la maison


Tahiti, le 2 avril 2020 - L’école reprend lundi dans des conditions inédites pour assurer une continuité pédagogique aux 60 000 élèves polynésiens, malgré le confinement général de la population. Enseignants et parents sont appelés à collaborer pour que les élèves restent des “apprenants”, et remettent le pied à l’étrier depuis la maison.
 
Garder le lien avec les enseignants, rester dans une situation d’apprenant. De la reprise des cours, lundi, jusqu’à l’issue de la phase de confinement général en Polynésie française, ce sont les deux principes qui guideront l’opération de continuité pédagogique mise en œuvre pour les 60 000 élèves scolarisés au fenua. Un dispositif inédit pour lequel la Polynésie s’est beaucoup inspirée du système de télé-éducation mis en place dans l’Hexagone depuis trois semaines, mais en tenant compte de spécificités notamment dans l’accès à internet. 
 
En ce qui concerne le mode opératoire, comme l’a expliqué Thierry Delmas, le directeur général de l’Éducation et des enseignements (DGEE), lors de la conférence de presse commune donnée avec le vice-recteur par intérim Stéphane Le Ray et le directeur de cabinet du ministère de l’Éducation, Manuel Sanquer, “les enseignants ont une mission, on compte beaucoup sur leur investissement. En situation de crise, c’est la solidarité qui prime”. 
 
Les cours reprennent lundi matin et navigueront à tâtons jusqu’à nouvel ordre. “La maison, ce n’est pas l’école”, prévient la fiche explicative que doivent recevoir tous les parents d’élèves de Polynésie française avant lundi. “Faites confiance aux enseignants pour vous guider, vous écouter avec bienveillance. L’ensemble des moyens d’information est mobilisé pour relayer les informations nécessaires à l’organisation et la mise en œuvre de cette opération ambitieuse et inédite.”
 
L’objectif principal de cette continuité pédagogique est de maintenir le lien entre l’élève et son école, son collège ou son lycée. Il est ainsi demandé aux parents de mettre en place les conditions propices pour que leurs enfants scolarisés puissent tous les jours, à heures régulières, avoir des activités pédagogiques et sportives. C’est à cette condition que le retour en classe, après la crise, sera facilité. 
 
“On sait que le contexte familial économique est très variable”, reconnaît cependant Thierry Delmas. Mais il rassure : “On n’a pas besoin de maîtriser toutes les disciplines pour accompagner son enfant. Il suffit d’être attentif, d’imposer des rythmes et d’être rassurant. Les ressources sont disponibles.”
 
Les enseignants prennent contact
 
Les parents n’auront ni à se déplacer vers les établissements, ni à tenter de prendre contact. Concrètement, à partir de lundi les parents seront contactés par les enseignants en charge du suivi de leurs enfants pour organiser la continuité pédagogique. Pour les écoliers du premier degré, les contenus pédagogiques seront transmis par internet pour ceux qui disposent d’une connexion. Pour les autres, des livrets pédagogiques, en mathématiques et français, ont été élaborés spécialement par les inspecteurs de l’éducation et leurs équipes. Ils seront transmis avec le relai des agents municipaux. 
 
Pour les élèves de collège et de lycée, ce sont les professeurs principaux qui seront en charge de la mise en œuvre de la continuité pédagogique. Ils seront en charge d’établir le lien avec les élèves confinés et de les orienter vers les cours et supports conçus par les enseignants, les ressources numériques sur internet, notamment celles du Centre national d’enseignement à distance (Cned). Des contenus pédagogiques sont également prévus sur les diffusions des radios de proximité, dans la presse écrite, via des émissions télévisées produites par la DGEE et les émissions nationales (Lumni). Un Guide des programmes hebdomadaire doit être communiqué à ce titre pour permettre le choix des programmes les plus adaptés au niveau de l’enfant.
 
Parallèlement, un accompagnement téléphonique ou internet doit être dispensé par les enseignants. 
 
A partir du 13 avril, la diffusion quotidienne de 3 heures d’émissions éducatives sur les deux chaînes locales de télévision est annoncée. En Polynésie, une enquête réalisée en décembre dernier pour le compte de la Direction générale de l’économie numérique, constate que deux foyers sur trois (66%) disposent d’une connexion internet sur l’ensemble de la collectivité avec de fortes inégalités selon les archipels (70% aux îles du Vent, 59% aux îles Sous-le-Vent, 45% dans les archipels éloignés), tandis que 92% des ménages polynésiens sont équipés d’une télévision. “Nos efforts vont essentiellement se porter sur les 10% de familles qui n’ont pas accès à internet ou à la télévision”, prévient Thierry Delmas en prévoyant un “gros travail” de remise à niveau une fois que l’école aura pu reprendre dans des conditions normales, pour que tout le monde finisse l’année “avec le même niveau et les mêmes compétences”. 
 
Pour l’instant, la période de confinement général pour raison sanitaire est prévue jusqu’au 15 avril prochain en Polynésie française et rien n’indique qu’elle sera levée à cette date. Une levée partielle, notamment dans les archipels est à l’étude. Pour l’heure, les seuls cas constatés de malades infectés par le coronavirus sont concentrés dans l’archipel des îles du Vent. 

Ce qu’ils en pensent

Thierry Barrère, secrétaire général de la fédération Unsa-Education.
"Nous sommes satisfaits de ce qui est annoncé dans la mesure où le respect du confinement est annoncé en préambule. Notre préoccupation principale était le déplacement du personnel et les risques que cela pouvait engendrer. 
La distribution papier avec les mairies est un point positif. Cela évite le déplacement des parents et des enseignants.
Ce sera une première pour nous. On va s’adapter. Les enseignants ont déjà beaucoup travaillé pendant les vacances pour préparer cette rentrée.
Mais il y a une disparité telle entre les situations que l’on ne peut pas envisager un enseignement équitable. Des élèves dans les archipels éloignés n’ont pas forcément internet. Les enseignants sont prêts, après le confinement, pour rattraper les retards. Je pense que la motivation est là
."
 
 
Maheanuu Routhier, secrétaire général du syndicat enseignant Snetaa-FO
"Je pense que cela se mettra en place durant la première semaine. Le problème sera pour contacter les élèves. On sait que les bases ne sont pas bonnes. Pour certains publics comme ceux des lycées professionnels, (…) on a du mal à avoir les parents. Souvent il faut appeler la tatie ou le tonton. On a souvent du mal à avoir les parents. Cette continuité servira à maintenir le lien, afin que les élèves n’aient pas le sentiment d’être totalement en vacances et pour qu’à la reprise, ils puissent se mettre en route dès le premier jour. On fera ce qu’on peut."

L'école à la maison pour les élèves du 1er degré

  • 3 heures par jour sur les chaînes télé 
 
Dès le 13 avril, 3 heures quotidiennes, consacrées à des émissions éducatives sélectionnées par le ministère et organisées en fonction des niveaux d’enseignement sont proposées sur les chaînes de télévisions locales.
Des rendez-vous réguliers pour tous les enfants d’âge scolaire vont permettre de conserver les liens avec les apprentissages à la maison.
La mobilisation des radios est en cours. Une diffusion d’œuvres littéraires (contes pour enfants, récits en feuilleton) est envisagée. Il s’agira de développer l’imaginaire par une écoute régulière et quotidienne.
 
 
  • Des fiches d’activité pour 15 jours
 
Elaborées par les enseignants pour des activités à mettre en place à la maison, ces fiches, complémentaires des émissions télévisées concernent les Maths et le Français. Elles correspondent aux âges des enfants et sont organisées par niveaux d’enseignement.
Ce ne sont pas des devoirs de vacances mais des activités à faire par votre enfant, pour une période de 15 jours. Ce sont d’abord des moments de partage d’activité avec votre enfant qui doivent rester des moments de plaisir. Un fascicule récréatif vous est également proposé.
Ces fascicules vous seront envoyés par internet si vous disposez d’une connexion. Ils seront distribués dès lundi 6 avril selon des organisations locales, avec l’aide volontaire des mairies. Vous ne vous déplacez pas pour venir les chercher à l’école.

​L'école à la maison pour les collégiens et lycéens

Les professeurs vont utiliser l’environnement numérique de travail (ENT) du collège. L’application souvent déjà utilisée est Pronote. Elle permet de connaître les évaluations des élèves et le travail fait en classe. Des exercices des professeurs seront mis en ligne et pourront être récupérés grâce à vos codes Pronote donnés par le principal.
 
Il est recommandé d’organiser un rythme de travail de cinq jours au moins par semaine. Les professeurs pourront donner des recherches à faire sur Internet. La communication élève-professeur sera possible via l’application Pronote.
 
Pour ceux qui n’ont pas d’équipement informatique 
Dans certaines conditions à préciser avec le chef d’établissement, les professeurs peuvent faire parvenir des exercices à faire seul à la maison, éventuellement par la mairie et les policiers municipaux.
Les élèves pourront appeler leur professeur par téléphone pour lui demander un conseil, une précision. 
Des émissions pédagogiques seront programmées à la télévision.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 2 Avril 2020 à 19:27 | Lu 13415 fois