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​L’étude qui inquiète pour la santé des jeunes


Tahiti, le 19 février 2025 – L’enquête Ea Piahi sur les comportements de santé des adolescents, menée en 2024 sur un échantillon représentatif de 3 118 collégiens et lycéens âgés de 13 à 17 ans, révèle une inquiétante dégradation du bien-être et de la santé physique et mentale des jeunes.
 
Ea Piahi Santé Jeunes, deuxième opus. Après un premier état des lieux réalisé en 2016 sur les comportements de santé des adolescents polynésiens, les données recueillies par la Direction de la santé huit ans plus tard sur le même thème donnent un relief inquiétant sur l’évolution de l’état de santé physique et mentale des élèves de 13 à 17 ans. Cette étude, à laquelle ont participé 3 118 volontaires scolarisés de la 5e à la 1re dans 31 établissements du territoire, du 27 février au 17 avril 2024, repose, comme en 2016, sur un questionnaire standardisé et totalement anonyme s’intéressant à divers aspects de leur quotidien : environnement familial et vie scolaire ; état de santé physique et mental ; alimentation et activités sportives ; addictions ; comportement sexuel. Durant une heure de cours classique, ces élèves ont été invités à répondre à 84 questions.
 
13% des élèves souffrent de la faim
 
L’environnement familial tend à s’améliorer. Si, en 2016, 79,2% des enquêtés déclaraient vivre avec au moins un de leurs parents, ils sont 81% en 2024 dont 67% en foyer biparental, contre 60,2% il y a huit ans. Mais cette amélioration ne doit pas cacher une dégradation significative du contexte de vie des jeunes. Ils sont d’abord 13% à avoir déclaré avoir eu faim la plupart du temps au cours des 30 derniers jours en raison d’une quantité insuffisante de nourriture chez eux. Ils étaient 10,2% en 2016. Dans ce contexte, la prise du petit déjeuner est en nette baisse de 14 points : si 36% des enquêtés déclaraient être privés de ce repas en 2016, un élève sur deux fait dorénavant, de gré ou de force, l’impasse d’un petit déjeuner avant d’aller à l’école.
 
École où l’absentéisme scolaire est en hausse de 9 points, selon le témoignage des élèves enquêtés. Un sur trois (35% contre 28,5% en 2016) déclare en effet avoir manqué au moins un jour de cours sans permission au cours du mois passé. Si ce phénomène est particulièrement marqué dans la tranche d’âge des lycéens de 16-17 ans (45%), on observe surtout une nette dégradation de l’absentéisme en huit ans (+12 points).
 
L’étude note également que le harcèlement scolaire touche 12% des élèves, comme en 2016. Cependant, ce phénomène tend à s’externaliser hors les murs de l’établissement. En 2024, 7% des 13-17 ans déclarent en effet avoir été victime de harcèlement hors temps scolaire et un élève sur 20 (6%) de cyberharcèlement, particulièrement chez les filles.
 
Pensées suicidaires et addictions
 
Si, comme en 2016, un peu moins d’un élève sur cinq (18%) déclare avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois, c’est plutôt sur un risque accru de passage à l’acte que l’étude de 2024 inquiète. En effet, 22% des élèves déclarent avoir réfléchi à la manière de procéder, contre 17% en 2016. Et ils sont deux fois plus à déclarer avoir tenté de se suicider au moins une fois : un élève sur cinq (19%) contre un sur dix il y a huit ans. Ce risque concerne plus particulièrement les filles.
 
L’autre phénomène très inquiétant que met en évidence cette étude concerne les conduites “à risque” chez l’adolescent. Ils sont en effet 3,5% à déclarer avoir consommé au moins une fois de l’ice dans leur vie contre 3,3% en 2016. Quant à la consommation de cannabis, déjà préoccupante en 2016, elle est observée en hausse de 7 points chez les 13-17 ans. Si 33% des élèves admettaient, il y a huit ans, avoir déjà consommé du paka, ce comportement concerne dorénavant presqu’un jeune sur deux (40%) dont la plupart (89%) déclare avoir fumé du cannabis avant l’âge de 16 ans.
 
Si la consommation d’alcool est en très nette baisse (-10 points à 60%), la consommation de tabac ou de substitut est en très forte hausse chez les adolescents. Ils sont en effet 43,1% à déclarer au moins une consommation de cigarette dans le mois précédant l’enquête. Ce chiffre est en hausse de 23 points en huit ans. En outre, 60% des élèves déclarent avoir déjà essayé de fumer (2/7) ou de puffer (4/7).
 
Globalement, cette étude révèle que 74% des jeunes ont expérimenté une substance addictive (alcool, cigarettes ou drogues) au moins une fois dans leur vie.
 
L’enquête Ea Piahi Santé Jeunes a été portée par le bureau d’études et d’évaluation des programmes en santé de la Direction de la santé avec le concours du Département de la vie des élèves des établissements de la Direction générale de l’éducation et des enseignements (DGEE). Elle repose sur le modèle international GSHS (Global School-based Student Health Survey) de l’Organisation mondiale de la santé. Elle permet non seulement de comparer les différentes prévalences des déterminants en santé chez les jeunes à l’échelle internationale et communautaire du Pacifique, mais également d’établir des tendances au fil des années, pour ajuster les politiques publiques et les actions de prévention. Comparées aux données de 2016 et aux tendances du Pacifique, ces analyses doivent permettre aux décideurs publics d’identifier les leviers d’action prioritaires pour protéger et accompagner la jeunesse polynésienne. Et, vue la dégradation observée en huit ans, il y a urgence.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 20 Février 2025 à 04:00 | Lu 4621 fois