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​Extraction sauvage et (presque) sans conséquence à Faaone


Tahiti, le 11 janvier 2022 - En flagrant délit d’extraction sauvage dans la rivière Mapuaura à Faaone en février 2021, une entreprise de travaux publics risquait d’être condamnée par le tribunal administratif de Papeete à verser près de 45 millions de Fcfp pour la remise en état après les dommages causés au domaine public fluvial. Un paiement auquel elle échappera probablement.

Le domaine public du Pays, c’est sacré. Enfin presque. L’entreprise RBK avait été choisie par l’entreprise Boyer pour lui fournir des agrégats nécessaires à son activité. Dans la convention signée entre les deux entreprises, RBK devait faire “son affaire des autorisations administratives liées à l’extraction des matériaux de rivières”. Une formalité substantielle pas vraiment accomplie puisqu’en février 2021, il est constaté des extractions par RBK qui se font sans autorisation préalable de l’administration dans la rivière Mapuaura au niveau du PK 47,4 à Hitia'a o te Ra.
 
Arguments enterrés à la pelle
 
Chopée par la patrouille et passible d’une contravention de grande voirie, l’entreprise avait extrait de son chapeau, non des cailloux, mais pléthore d’arguments pour échapper à la sanction devant être prononcée par le tribunal administratif de Papeete. RBK contestait notamment dans la procédure les délégations de signature, les assermentations ou encore la partialité des agents de constatation. Sans succès. L’entreprise a également mis en avant qu’elle disposait d’une autorisation d’extraction depuis novembre 2020 de 9 000 m3 dans la vallée. Un argument vite balayé par le rapporteur public qui relève que les extractions fautives ont été réalisées à une distance de 2 km du périmètre de l’autorisation obtenue trois mois plus tôt. “L’entreprise ne peut se prévaloir d’aucune autorisation dans le cadre du présent litige”. Pour le magistrat, le procès-verbal constatant les travaux d’extraction sauvage est rédigé avec “une précision suffisante” et démontre aisément la “matérialité des faits”. Enfin presque.
 
Trop d’extraction, pas de sanction
 
Si le rapporteur public a bien proposé de prononcer une amende contre l’entreprise et son dirigeant, respectivement de 800 000 et 120 000 Fcfp, pour ne pas avoir demandé et obtenu l’autorisation obligatoire, la facture pour les frais de remise en état, demandée par le Pays et estimée à 44,7 millions de Fcfp, risque de n’être acquittée par personne. Le rapporteur public note en effet qu’à la lecture du procès-verbal “plusieurs autres entreprises non identifiées participaient en même temps que la société RBK à ses extractions illicites sur le domaine public fluvial”. Un pillage en règle et en groupe qui a une conséquence environnementale certaine mais juridique incertaine : Il n’est en effet pas possible d’identifier les volumes extraits par les uns et les autres. “La part prise par RBK ne pouvant être évaluée par aucun élément du dossier”, le magistrat conclut au rejet des conclusions du Pays tendant à la condamnation au paiement des frais de remise en état. Exit donc l’obligation de verser les quelque 45 millions de Fcfp nécessaires pour rendre à la rivière son état normal. Tout juste le magistrat a proposé que l’entreprise et son dirigeant devaient rembourser au Pays les frais liées à l’établissement du procès-verbal. Soit 29 487 Fcfp.

Des conclusions qui n’ont pas altéré l’optimisme du représentant du Pays à l’audience qui a indiqué espérer que les entreprises “prennent conscience au travers des procédures de contraventions de grande voirie de l’importance de conserver le patrimoine commun qu’est le domaine public fluvial”. La décision du tribunal est attendue pour le 25 janvier.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Mardi 11 Janvier 2022 à 20:02 | Lu 3619 fois