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​Bataille juridique pour les pneus usagés


(Photo d'illustration : Gérard Julien – AFP)
(Photo d'illustration : Gérard Julien – AFP)
Tahiti, le 24 novembre 2020 - La société Fenua Heipuni tente un référé contractuel pour annuler la passation du marché pour la valorisation des pneumatiques usagés confié par le syndicat intercommunal Fenua Ma à la société Enviropol. Cette procédure n’est pas prévue par le Code des marchés publics de Polynésie française.  Une décision est attendue en fin de semaine.

En cause : un gisement de 2 500 tonnes de pneus usagés entreposés sur le site de Paihoro pour le traitement duquel le syndicat mixte intercommunal Fenua Ma recherche depuis 2016 un prestataire avec une solution de valorisation. Un stock encombrant qui grossit de 500 tonnes chaque année.
 
Deux offres ont été présentées pour ce marché. L’une par la société Enviropol, déjà en charge de la collecte et du traitement des déchets pour son compte dans 12 communes de Tahiti et Moorea. L’autre par la société Fenua Heipuni, spécialement constituée pour répondre à cet appel d’offre. Le syndicat Fenua Ma a estimé préférable de confier cette mission à Enviropol. Ce prestataire propose de mettre en œuvre sur site une solution de recyclage brevetée, Draingom, qui repose sur le déchiquetage des pneus usagers en chips de caoutchouc pour en faire un matériau drainant. De son côté, Fenua Heipuni s’appuie sur une solution de recyclage visant à transformer les pneus usagés en microbilles de caoutchouc utilisables dans l’industrie. Une solution plus onéreuse. Enviropol propose une solution à 19 000 Fcfp la tonne, là où la société requérante propose plus de 45 000 Fcfp à la tonne. Les deux solutions sont données opérationnelles dans un délai de 8 mois.
 
Une procédure non applicable en Polynésie
 
Le marché a été signé avec Enviropol le 2 octobre après que l’offre infructueuse a été signifiée mi-septembre à Fenua Heipuni. Une première action tardive en référé précontractuel engagée par cette dernière en octobre n’a pas abouti. La plaignante saisit aujourd’hui le tribunal administratif dans le cadre d’un référé contractuel, et se trouve confrontée à un problème sur la forme. L'audience s'est tenue lundi. Me Philippe Neuffer a longuement plaidé pour convaincre le juge des référés de la légitimité d’un tel recours. Mais ce type de procédure n’est pas applicable en Polynésie française, où le Code des marchés publics ne lui fait aucune place. "La raison en est simple", a rappelé Me Robin Quinquis, l’avocat de Fenua Ma : "Cette procédure est à cheval entre le droit administratif contentieux et les règles de la commande publique qui échappent ici à la compétence de l’Etat." Et "à supposer qu’un tel recours soit possible, il ne serait pas ouvert au requérant qui a déjà engagé un référé précontractuel", a renchéri Me Renaud Kretly, pour le compte d’Enviropol.
 
Sur le fond, la sarl Fenua Heipuni dénonce la confusion de la méthode d’appréciation de la valeur technique des offres, dans le compte rendu fait par Fenua Ma en marge de la notification du rejet de son offre. Une notification qui ne portait pas non plus mention du délai de suspension observé par l’acheteur public avant de signer le contrat. Cette absence porte atteinte au droit de recours de la société plaignante, pour ses avocats. En troisième lieu, Fenua Heipuni dénonce une offre "anormalement basse" faite par Enviropol et par conséquent une erreur d’appréciation commise par Fenua Ma.
 
Autant de moyens dont la validité ne sera considérée par le juge des référés que de manière subsidiaire, après avoir arbitré sur la recevabilité en Polynésie française d’une procédure de recours contractuel. Une décision est attendue en fin de semaine, "jeudi ou vendredi".

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 24 Novembre 2020 à 08:42 | Lu 1709 fois