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Direction des ressources marines : "On ne peut parler de surpêche de vana pour le moment"


"Dans les bons jours je n'ai pas de problème à remplir entre 10 et 15 pots de langues d'oursins. Et ça me suffit", confie Marceline, pêcheuse de vana.
"Dans les bons jours je n'ai pas de problème à remplir entre 10 et 15 pots de langues d'oursins. Et ça me suffit", confie Marceline, pêcheuse de vana.
PUNAAUIA, le 4 décembre 2018 - Les oursins sont des mets très prisés par les habitants de Tahiti, et sont notamment très présents dans les lagons de la côte ouest. A l'heure actuelle aucun texte ne réglemente la pêche des vana. La Direction des ressources marines et minières (DRMM) indique néanmoins, "qu'il n'y aucune surpêche de l'espèce au fenua."

A Punaauia, ce mardi, c'est armée de son bac, d'une paire de gants, d'un bout de grillage et d'une petite barre de fer que Marceline, résidente de Paea, s'en va à la pêche aux oursins. Une activité qu'elle pratique depuis plus de dix ans maintenant dans les zones peu profondes du lagon de Punaauia. "J'ai toujours mangé des vana, mais je n'étais jamais aller les pêcher moi-même quand j'étais plus jeune. Je ne connaissais rien à cette pêche", raconte-t-elle. Marceline acquiert alors la technique de pêche en autodidacte en observant les pêcheurs les plus expérimentés. "J'ai dû les observer pendant deux jours, et après je me suis lancée. Et puis j'avais une amie originaire de Huahine qui connaissait aussi cette pêche qui m'a aidée."
 
Et donc hier au bout d'une heure et demie de ratissage de sa zone de pêche favorite, Marceline repart hélas avec un bac vide. "C'est surement à cause de la lune et du courant. Après dans les bons jours je n'ai pas de problème à remplir entre 10 et 15 pots de langues d'oursins. Et ça me suffit", indique l'intéressée. Avant d'ajouter, "il y a cependant des pêcheurs de Faa'a qui viennent en pirogue sur la zone, et qui se mettent à pêcher des quantités déraisonnables. Mais ils ont été rappelés à l'ordre par des pêcheurs de Punaauia."  

LA PECHE AU VANA UNE "ACTIVITE LIBRE"

Des signalements de ce type sont reportés auprès de la Direction des ressources marines et minières (DRMM). Mais à l'heure actuelle aucun texte ne règlemente la pêche des oursins dans les lagons du fenua. "La pêche, et en particulier la pêche des vana est une activité libre. Il n'y pas de mesure spécifique au vana. C'est plutôt des mesures générales sur la pêche, comme le respect de leur environnement naturel, des zones de pêches réglementées, qui s'appliquent aussi à cet espèce marine", explique Arsène Stein, chargé de projet à la DRMM.
 
Ce manque juridique, entraîne selon Arsène Stein, "de la surpêche dans certaines zones de Tahiti. Et quand on voit des pêcheurs s'attaquer au ina la plus petite espèce d'oursin ça veut vraiment dire que l'on a du mal à trouver du tara poto ou du tara roa qui sont les espèces les plus recherchées (…) Et plutôt que de changer de lagon ils préfèrent s'attaquer à d'autres espèces de la même zone. Mais sur ce point-là on ne veut pas trop s'avancer parce que pour le moment nous n'avons toujours pas réalisé d'étude complète sur les vana."
 
Marceline de son côté préfère relativiser sur cette situation, "je sais qu'il y aura toujours autant de vana à l'avenir. Je ne suis pas trop inquiète sur ce sujet." 

INTERVIEW

Arsène Stein, charge de projet à la Direction des ressources marines et minières
" Les vana sont des organismes qui se reproduisent assez vite"
 
Combien d'espèce de vana sont recensées en Polynésie française ?

On ne sait pas exactement parce qu'il y a des espèces qui vivent cachés. Mais disons que des espèces connues il y en cinq ou six. A Tahiti les gens préfèrent le tara poto. Ce sont des oursins avec des épines plus grosses. Après il y a le tara roa qui a un goût différent. Il y aussi le havae que l'on mange, avec de toutes petites épines. Il faut cependant faire attention parce que ça peut engendrer des démangeaisons. On le passe d'abord au feu pour retirer tout le mucus et éviter les démangeaisons.  Il y a aussi le fetue que l'on retrouve sur les récifs. Il y a aussi les ina, les petits vana blancs qui se cachent dans les coraux, et qui donnent aussi de toute petite langue, mais là c'est vraiment quand on n'a rien d'autre, et que les pêcheurs veulent remplir à tout prix leur boites. Et j'en ai vu quelque fois.
 
Il y a donc quand même une surpêche de vana à Tahiti ?

Oui je pense que dans certaine zone de Tahiti il y a de la surpêche. Et quand on voit des pêcheurs s'attaquer au ina ça veut vraiment dire que l'on a du mal à trouver du tara poto ou du tara roa. Et plutôt que de changer de lagon ils préfèrent s'attaquer à d'autres espèces de la même zone. Mais sur ce point-là on ne veut pas trop s'avancer parce que pour le moment nous n'avons toujours pas réalisé d'étude complète sur les vana.  Mais on sait quand même que les vana sont des organismes qui se reproduisent assez vite, contrairement au pahua. Ca pond plusieurs fois dans l'année, et généralement lors des pleines lunes. Pour chaque ponte il y a plusieurs dizaines de milliers d'œufs. Et il faut savoir les oursins sont des organismes assez résistants.
 
Pourquoi il y a toujours eu plus de vana sur la côte ouest que sur la côte est ?

C'est dû à la configuration des lagons de Tahiti. Entre Papeete, Faa'a, Punaauia on a de vrais lagons, contrairement à la côte est où il n'y plus de lagon de la Pointe Vénus jusqu'à Hitiaa. Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y pas de vana sur la côte est.
 
Où les vana sont le plus consommés en Polynésie ?
Principalement sur l'île de Tahiti où les gens sont particulièrement friands des langues. Des personnes font également venir des vana des Îles Sous-le-Vent. Aux Marquises également on en consomme. Aux Australes aussi le vana est très consommé, mis à part Raivavae. A Rapa notamment, dans un climat tempéré les langues sont beaucoup plus grosses. Après aux Tuamotu ils ont d'autres choses à manger comme les pahua, les maoa, et les langoustes. Aux Gambier les gens se méfient un peu des vana à cause de la ciguatera. Le vana c'est un herbivore qui broute ce qui pousse sur les dalles coralliennes des lagons.
 
Propos recueillis par Corinne Tehetia

Rédigé par Désiré Teivao le Mardi 4 Décembre 2018 à 17:30 | Lu 1954 fois