Tahiti Infos

Une enquête en cours sur les conditions du rachat de Tahiti Phone


Alors que le rachat de Tahiti Phone par Tikiphone, filiale à 100% de l'OPT est évoqué depuis 2010 mais repoussé régulièrement, en 2013, l'opération est menée tambour battant et bouclée en 15 jours, directement par le conseil d'administration de l'OPT. La filiale Tikiphone avait pourtant émis des réserves mais elles ont été passées sous silence au CA de l'OPT.
Alors que le rachat de Tahiti Phone par Tikiphone, filiale à 100% de l'OPT est évoqué depuis 2010 mais repoussé régulièrement, en 2013, l'opération est menée tambour battant et bouclée en 15 jours, directement par le conseil d'administration de l'OPT. La filiale Tikiphone avait pourtant émis des réserves mais elles ont été passées sous silence au CA de l'OPT.
PAPEETE, le 8 octobre 2015. Depuis juillet 2014 et à la suite d'un signalement du commissaire aux comptes de la société Tikiphone, (filiale à 100% de l'OPT) la brigade financière de la DSP enquête sur le rachat de Tahiti Phone. Le dernier rapport de la Chambre territoriale des comptes sur l'OPT pointe aussi une acquisition faite à un prix dix fois supérieur à la valeur réelle de la société.

Forcément, le rachat de Tahiti Phone en mars 2013 pour un prix de 380 millions de Fcfp alors que le prix réel de la société est évalué à 35 millions de Fcfp quelques mois plus tard ne pouvait pas passer inaperçu. Ce jeudi matin, Radio 1 révélait ainsi qu'une enquête préliminaire avait été confiée depuis la fin du mois de juillet 2014 à la brigade financière de la DSP. "C'est le commissaire aux comptes de la société Tikiphone qui avait signalé des opérations qui paraissaient irrégulières dans le cadre de ce rachat de Tahiti Phone par Tikiphone. Le délit visé est l'abus de biens sociaux" précise le Parquet de Papeete. L'enquête préliminaire est toujours en cours et jusqu'ici rien n'a filtré sur ce que peuvent avoir trouvé les policiers de la brigade financière. Difficulté de l'enquête, avec le décès en janvier dernier de l'ancien président du conseil d'administration de l'OPT de l'époque, Christopher Paiman certaines réponses ne pourront peut-être pas êtres apportées définitivement.

En tout cas, en lisant le chapitre consacré à ce rachat du rapport de la Chambre territoriale des comptes publié lundi.tahiti-infos.com/La-CTC-constate-l-enlisement-du-mammouth-OPT-dans-son-dernier-rapport-d-observations_a138202, on comprend mieux ce qui cloche. Certes le rachat par Tikphone de l'enseigne commerciale Tahiti Phone de la société Import Discount "s’inscrit dans le contexte de l’ouverture du marché à la concurrence. La société Import Discount disposait en effet du principal réseau de distribution existant sur le territoire dans le domaine de la téléphonie mobile, hors celui de Tikiphone lui-même". Mais l'acquisition pour 380 millions de Fcfp apparaît entachée de nombreuses erreurs de gestion que la CTC qualifie de "négligences conséquentes".

La prise de décision de l’acte d’achat "s’est effectuée dans des conditions particulièrement contestables". La CTC fait ainsi état d'une "présentation biaisée au conseil d’administration de l’OPT" le 28 février 2013 au cours duquel l'avis "donné avec réserves par le conseil de surveillance de Tikiphone n’a notamment pas été mentionné". La signature de l'achat intervient le 13 mars 2013, quinze jours seulement après le conseil d'administration de l'OPT, un acte qui s'avère "précipité". Or, les comptes 2012 de la société Import Discount (propriétaire de l'enseigne commerciale Tahiti Phone) ne sont remis qu’au moment de la signature de l’acte de cession des parts ! "Ils laissent apparaître un résultat comptable nettement inférieur à celui des exercices précédents, sur lesquels était basée l’estimation du prix de vente" commente la CTC. A peine un mois après l'achat, le nouveau gérant découvre les difficultés de trésorerie de Tahiti Phone et en novembre 2013 la valeur réelle de la société est évaluée à 35 millions de Fcfp.

Des réserves qui n'ont pas été suivies d'effets

Le conseil de surveillance de Tikiphone avait, lors de sa séance du 18 février 2013, émis des réserves portant à la fois sur le prix d’achat de Tahiti Phone, jugé excessif, et les conditions de cet achat. Il préconisait de conditionner la vente à l’examen des comptes 2012 signale le rapport de la Chambre territoriale des comptes dans ses annexes. Pourtant le président de l'OPT de l'époque, Christopher Paiman était également le président du conseil de surveillance de Tikiphone mais "aucune des réserves n’a été mentionnée et l’avis du conseil de surveillance n’a pas été communiqué. Les administrateurs de l'OPT ne disposaient pas non plus du procès-verbal de la séance du 18 février de Tikiphone. Seul l’aval de la présidence de Tikiphone pour le prix de 380 millions de Fcfp a été mis en avant". Pour la CTC, la présentation des estimations comptables du prix a été faussée, faisant apparaître comme acceptable le prix proposé par le vendeur.

Les comptes 2012 de la société Import Discount qui possède l'enseignement Tahiti Phone ne sont remis qu’au moment de la signature de l’acte de cession des parts, ne laissant ainsi aucune place à un véritable examen. Or l'excédent 2012 de cette société est alors de 339 000 Fcfp seulement, bien loin des 40 millions de Fcfp de 2010 et 2011. "Les signataires ont pourtant reconnu dans l’acte d’achat avoir une parfaite connaissance de l’ensemble des documents remis préalablement à l’acquisition". Huit mois plus tard une étude d'un cabinet d'expertise comptable évalue Tahiti Phone à 35 millions de Fcfp.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 8 Octobre 2015 à 16:56 | Lu 3445 fois