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Témoignage : "Je suis passée d'une sleeve à la gastrectomie totale"


"Le lundi 16 janvier, j'ai fait une sleeve, tout s'est très bien passé."
"Le lundi 16 janvier, j'ai fait une sleeve, tout s'est très bien passé."
PAPEETE, le 11 septembre 2018 - Reva n'a pas encore 40 ans, mais il y a plus d'un an, son rêve s'est transformé en cauchemar. Comme pour beaucoup de Polynésiens, Reva a opté pour la sleeve afin de perdre du poids. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu. Après l'opération, les ennuis sont arrivés et Reva a dû, au final, se faire retirer son estomac.

L'obésité ou bien le surpoids, un phénomène qui est bien répandu au fenua. Deux enquêtes avaient été réalisées à ce sujet, sur la population adulte et les enfants. La première enquête, menée en 2010, évoquait des chiffres assez alarmants, avec 70 % de la population adulte qui était en surpoids, dont 45 % étaient obèses et 37 % étaient diabétiques. Chez les enfants (7/9 ans), les résultats de l'enquête menée en 2014, sont tout aussi inquiétants, puisqu'il est ressorti que 35,8 % des enfants sont en surpoids, dont 16,2 % obèses.

Malbouffe, une vie alimentaire désorientée, manque d'activités, les raisons de ces fléaux sont divers. Cependant, depuis quelques années, les mentalités ont bien évolué, puisque de plus en plus de personnes se mettent à faire de la marche un peu partout. Tandis que d'autres optent pour des dispositifs médicaux, tel que le bypass ou bien la sleeve. Et parmi ces patients, on retrouve une jeune mère, Reva.

En surpoids, Reva a mis du temps avant de se lancer pour la sleeve, mais son envie de perdre du poids la poussera à aller jusqu'au bout de la procédure. Après l'entretien avec son chirurgien, elle entame donc ses rencontres avec les différents professionnels de santé avant d'arriver au jour de l'opération. "Le lundi 16 janvier, j'ai fait une sleeve, tout s'est très bien passé. Je suis sortie le jeudi d'après", raconte-t-elle.

Mais quelques jours plus tard, ce sera le début d'un long calvaire. "Le 22 janvier, j'ai senti une douleur que je ne peux décrire, ça me brulait à l'intérieur, comme s'il y avait un liquide. Heureusement que mon petit ami était là, et il m'a allongée. J'étais recroquevillée sur moi-même, tellement j'avais mal. Nous avons appelé l'ambulance, mais avec les intempéries, et les problèmes au niveau de Temaruata, les pompiers ont mis deux heures pour arriver", se remémore Reva.

LE PARCOURS DU COMBATTANT DURERA PLUSIEURS MOIS

La jeune femme a ensuite été transférée à la clinique Paofai, "puisque je me suis faite opérée là-bas". "On m'a mise au bloc et après avoir lu le compte-rendu, j'ai vu qu'on m'avait fait une ponction pleurale, c'est un endroit qui se situe entre le poumon et la cage thoracique, il y avait du liquide. Donc, on m'a mis un drain qui est un tuyau, à gauche de mon ventre", indique Reva.

Le lendemain, Reva apprend que son rythme cardiaque était assez élevé, et le 24 janvier, retour au bloc opératoire, car sa situation ne s'améliorait pas. "J'ai eu ma première laparotomie, c'est-à-dire qu'ils m'ont ouvert le ventre, et ils m'ont intubée." La clinique manquant de moyens, la jeune femme a été conduite vers l'hôpital du Taaone, dans le service de réanimation. "Le 25 janvier, ils m'ont extubée et ils ont arrêté les médicaments. J'ai ouvert les yeux et j'ai cru que j'étais morte, parce qu'il y avait une lumière qui m'éblouissait, et là, j'avais vu une femme devant moi, qui était en fait une infirmière. J'ai donc essayé de parler, mais je n'arrivais pas. Je me suis posée plusieurs questions, qu'est-ce-que je faisais là ? Où était ma famille ? Quelques secondes plus tard, je me suis rendue compte que j'étais dans un hôpital."

Incompréhension et pleurs faisaient partie du quotidien de Reva. Puis, le "30 janvier, mon état s'était aggravé, j'avais des douleurs abdominales intenses. On m'a injectée plusieurs choses tellement j'avais mal. Ensuite, on m'a reprise au bloc, on m'a fait une deuxième laparotomie et on m'a posée deux drains à droite. Il faut savoir qu'avant cela, j'avais eu une jéjunostomie, c'est une sonde qui permet de me nourrir."

Fatiguée par ces interventions chirurgicales, Reva a commencé par perdre espoir, "je voulais même mourir", dit-elle. Puis, un médecin a décidé de la remotiver. "Il est venu me voir pour me demander ce que je voulais pour arrêter de pleurer. Je lui ai dit que je voulais voir mon fils, même si je savais très bien que ce n'était pas possible dans le service réanimation". Conscient de l'importance de cette demande, le professionnel et la mère de Reva ont réussi à réunir Reva et son fiston. "Et le lendemain, lorsque le kiné est venu, il m'a fait asseoir sur le lit et il m'a demandée de me lever, et je me suis levée. Tout le monde était étonné. Mon petit garçon était vraiment ma force."

Mais le parcours médical était loin d'être terminé : "Le 10 février, on m'a proposé de poser une prothèse dans la fistule, ça permettait de mieux drainer, je crois, les impuretés. Donc, je suis retournée au bloc et ils l'ont fait par endoscopie", décrit Reva.

Une intervention qui ne sera pas de tout repos, pour la jeune femme. "J'ai vraiment souffert parce que j'avais un épanchement pleural, j'avais du liquide et un abcès à l'intérieur. J'ai été hospitalisée de nombreuses fois pour des douleurs au dos. J'ai fait énormément de scanners. Le 5 mai, j'ai été hospitalisée pour remplacer mes prothèses. Le 7 juin, j'ai été ré hospitalisée pour remplacer la prothèse parce qu'elle avait sauté. Le 24 août, on a fait un examen endoscopique de la fistule pour voir l'état, et le gastro qui m'a suivie à Taaone a remarqué qu'il n'y avait aucune amélioration."

PLACE À LA GASTRECTOMIE TOTALE

Les allers et retours à l'hôpital n'en finissaient pas, jusqu'au jour où la jeune femme a pris la décision de lui enlever son estomac. "J'ai revu le médecin qui m'a fait ma sleeve. Il voulait encore attendre parce qu'il me disait que toute fistule se refermait toujours, mais j'ai tellement souffert que je ne pouvais plus attendre. Depuis le début de cette aventure, j'ai mis ma vie de femme et ma vie de maman surtout, entre parenthèses."

L'opération s'est produite le 27 septembre, à la clinique Paofai. "Pour moi, c'était bon, je me disais que je pourrai enfin manger de nouveau". Mais la joie de Reva sera de courte durée, puisque deux jours plus tard, retour au bloc opératoire. "J'ai ressenti encore des douleurs. Donc, on m'a fait une nouvelle laparotomie parce que j'avais un abcès". Dix jours plus tard, "il y avait encore un trou, alors que je n'avais plus d'estomac."

Désespérée, Reva pensait ne jamais guérir, et là encore, son fils l'a remotivée pour qu'elle reprenne du poil de la bête. "Il m'a dit une chose surprenante : "Maman, je veux que tu guérisses parce que je veux que tu manges mon gâteau à mon anniversaire.""

"Le troisième jour, je me suis levée, je me suis bien habillée et je suis sortie dans les couloirs. Les infirmières m'ont regardée. J'ai positivé et quelques jours après, on m'a fait un scanner et il n'y avait plus rien, tout s'était refermé."

LA VIE A REPRIS SON COURS MAIS…

Un an plus tard, Reva se sent mieux. Avec du recul, elle ne regrette pas d'avoir franchi le pas pour la sleeve. "La seule chose que je regrette c'est qu'on n'ait pas enlevé l'estomac avant, ça m'aurait évité bien des galères. Il y a eu des personnes où leurs fistules se sont bien refermées, et moi, j'étais l'exception. Je suis passée d'une sleeve à la gastrectomie totale."

Les repas ne sont plus les mêmes. "Je bois une heure avant de manger, ou bien après. La viande rouge, j'évite parce que c'est trop dur. Sinon, je suis obligée de hacher ou de mixer. Les chocolats, je ne peux plus en manger. Il y a des choses que je ne peux plus manger, sinon, je ne me prive pas. Je mange des gâteaux, mais pas au chocolat. Et je mange plus de poissons."

Et de rajouter : "Je n'en veux pas à mon médecin. Il a toujours été là pour moi. J'ai ressenti, par rapport aux autres chirurgiens que j'ai pu côtoyer durant mon parcours, qu'il avait ce côté humain. Quand je n'étais pas bien, je voyais qu'il n'était pas bien."

Au total, Reva a subi, sur plusieurs mois, 5 laparotomies, 5 endoscopies, 15 hospitalisations ainsi que plusieurs séances de kinésithérapie.

Avec, ces nombreuses difficultés médicales, elle s'est retrouvée sans emploi. "Avant l'opération, j'étais esthéticienne, et aujourd'hui, je suis à la recherche d'un emploi".

Pour l'heure, la jeune femme savoure chaque instant de sa vie auprès des siens, en attendant les jours meilleurs.
 

Lexique

- Fistule : une fistule est la formation anormale d’une connexion entre deux organes internes
- Ponction pleurale : la ponction pleurale ou thoracentèse consiste en l’insertion d’une aiguille dans l’espace pleural afin de soustraire et d’analyser du liquide pleural.
- Laparotomie : incision de la paroi abdominale.
- Sonde de jéjunostomie : Petit tuyau qui permet d'administrer directement les nutriments dans le jéjunum, partie de l'intestin située après l'estomac, lorsqu'une alimentation par la bouche est impossible.
- Gastrectomie totale : cette intervention consiste à réaliser l'ablation de l'estomac en totalité, et à relier l'œsophage avec l'intestin grêle sur une anse en Y.
 

À propos de la gastrectomie longitudinale (la sleeve)

Si quelques patients ont mal réagi après leur opération, n'empêche que la gastrectomie longitudinale aide beaucoup de personnes à aller mieux.

La gastrectomie longitudinale consiste à retirer environ les 2/3 de l'estomac, et notamment, la partie contenant les cellules qui sécrètent l'hormone stimulant l'appétit (ghréline). L'estomac est réduit à un tube vertical et les aliments passent rapidement dans l'intestin, ce qui diminue l'appétit. Cette technique ne perturbe pas la digestion des aliments.

Par contre, l’obésité diminue l’espérance et la qualité de vie.
 
Témoignage : "Je suis passée d'une sleeve à la gastrectomie totale"



le Mardi 11 Septembre 2018 à 20:00 | Lu 27542 fois