Tahiti Infos

La Sagep engloutit 150 millions de Fcfp d'argent public


Le 24 janvier 2012, les 37 salariés de la Sagep manifestaient devant les locaux de la direction des affaires foncières. Ils venaient d'apprendre que leur employeur allait être démantelé et qu'une moitié des salariés seraient licenciés.
Le 24 janvier 2012, les 37 salariés de la Sagep manifestaient devant les locaux de la direction des affaires foncières. Ils venaient d'apprendre que leur employeur allait être démantelé et qu'une moitié des salariés seraient licenciés.
PAPEETE, le 7 janvier 2015. Au cours des six derniers mois, la Sagep, cette société d'économie mixte mise en liquidation depuis plusieurs années, vient d'absorber autant d'argent public que son capital social initial.
Au rayon des sociétés d'économie mixte qui plombent les finances du Pays, la Sagep (société d'aménagement et de gestion de Polynésie française) est une structure particulièrement budgétivore. Alors que le démantèlement de cette société est en cours depuis 2011 - le rapport Bolliet de l'Inspection générale des finances avait prescrit au Pays un régime minceur sur ses satellites -, son existence à allure réduite, requiert toujours d'importantes liquidités. Au cours de l'année 2014, 150 millions de Fcfp ont été versés du budget général du Pays à cette SEM. Le 27 juin 2014, par un arrêté en conseil des ministres est approuvée "l'attribution d'une subvention exceptionnelle de 50 millions de Fcfp à la Sagep pour financer, au titre de l'exercice 2014 avec ses autres recettes, ses charges de fonctionnement".

Six mois plus tard, la Sagep fait de nouveau appel aux bourses de son actionnaire principal. Le 20 novembre 2014, le conseil d'administration de la société fait le constat de ses difficultés financières et lance un appel au Pays. Celui-ci est relayé, en urgence, dès le 12 décembre par le président de l'assemblée de Polynésie, et, la commission de contrôle budgétaire et financier (CCBF) statue le 18 décembre. Le 5 janvier 2015, un arrêté ministériel approuve "l'attribution au profit de la Sagep d'une avance en compte courant d'un montant de 100 millions de Fcfp".
La convention signée dans la foulée prévoit que "la Sagep remboursera à la Polynésie française le principal de l'avance au plus tard à la date limite des deux ans suivant le déblocage des fonds" (avec un taux annuel de 4,18%). Cette avance doit permettre à la Sagep de "régulariser sa situation vis-à-vis de ses créanciers pour un montant de 100 millions de Fcfp dans le cadre de ses affaires contentieuses jugées ; ses dettes fiscales et sociales ; sa dette envers la SCI Jardins de Paea".

La convention signée réclame à la Sagep de fournir à la CCBF "les comptes annuels et les rapports des commissaires aux comptes relatifs à la société pour les années 2011, 2012 et 2013". Documents qui, selon la loi, doivent pourtant être communiqués à cette commission et au Haut-commissariat dans les 15 jours suivant l'accord sur une aide financière. Il semble donc que la Sagep ne soit pas complètement transparente vis-à-vis de son actionnaire majoritaire et bailleur de fonds principal. Pourtant, ces 150 millions de Fcfp accordés en 2014 correspondent peu ou prou aux 156 millions de Fcfp du capital social de la Sagep à sa création. Le 25 août 2014, lors d'une séance plénière à l'Assemblée de Polynésie, Jean-Christophe Bouissou qui n'était pas encore ministre de l'économie du Pays avait livré cette analyse sur cette société d'économie mixte dont il avait été l'un des artisans en 2001 souhaitant, alors, que cette société devienne un véritable outil d'aménagement et de développement : "la Sagep a été contrainte à devoir mettre la clé sous le paillasson, dans le sens où le rapport Bolliet avait conclu sur le démantèlement de cet organisme qui commençait à coûter plus d’argent que ça ne pouvait en rapporter".


Pourquoi la Sagep est-elle encore en activité ?

En janvier 2011, le plan de redressement des finances publiques de la Polynésie française était adopté. Dans ce plan, figurait la fermeture de certains satellites du Pays, dont la Sagep dont l'activité d'aménagement et de gestion immobilière n'a jamais été rentable. Les pertes d'exploitation ont varié de quelques 3 millions de Fcfp à plusieurs dizaines de millions de Fcfp chaque année, selon le rapport d'observations définitives de la Chambre territoriale des comptes publié en 2009. Des pertes d'exploitation lourdes car la Sagep s'est vue déposséder quelques mois après sa création de l'activité –plus rentable- des grands chantiers du Pays pour se concentrer sur des actions de gestion ou de promotion immobilière plus hasardeuses.

Parmi elles, la construction du lotissement des Jardins de Paea. En raison des opérations de défiscalisation obtenues –partiellement- pour ce programme immobilier de 78 maisons au cœur de Paea, la fermeture de la Sagep n'a pu être définitive jusqu'ici. Aussi, cette SEM est toujours en veille avec des activités extrêmement réduites, lesquelles en raison des dettes accumulées et des contentieux judiciaires entamés par divers créanciers, nécessitent néanmoins des finances importantes.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 7 Janvier 2015 à 21:12 | Lu 4440 fois