Tahiti Infos

Des scientifiques polynésiens participent à la mission spatiale Rosetta


Jean-Pierre Barriot, astronome, enseignant-chercheur à l'Université de Polynésie française, il est aussi le directeur du laboratoire GePaSUD et du laboratoire Géodésique du Pacifique Sud.
Jean-Pierre Barriot, astronome, enseignant-chercheur à l'Université de Polynésie française, il est aussi le directeur du laboratoire GePaSUD et du laboratoire Géodésique du Pacifique Sud.
PAPEETE, le 14 novembre 2014 - Le professeur Jean-Pierre Barriot est le seul astronome professionnel de Polynésie. Il a travaillé pour le CNES français et la NASA américaine, en particulier sur la sonde Rosetta qui vient d'atteindre sa comète "Tchuri".

Le professeur Jean-Pierre Barriot est enseignant-chercheur à l'Université de Polynésie française, il est aussi le directeur du laboratoire GePaSUD et du laboratoire Géodésique du Pacifique Sud. Il est surtout l'astronome le plus réputé de Polynésie, et pour une bonne raison. Il a ainsi travaillé pour le CNES, l'agence spatiale française, et a été résident plusieurs années à Pasadena chez la NASA aux États-Unis.

Il a justement travaillé, dès le début de l'élaboration de la mission en 1994, sur le projet Rosetta porté par l'Agence Spatiale Européenne. Cette sonde spatiale lancée en 2004 dans l'espace à la poursuite de la comète Churyumov-Gerasimenko a refait parler d'elle la semaine dernière en atteignant enfin son but, après 10 ans de voyage et 500 millions de kilomètres parcourus.

M. Barriot, vous avez donc travaillé sur la mission Rosetta
"Je suis toujours co-investigateur scientifique, en charge avec des collègues de l'interprétation des données de la sonde Rosetta et du robot Philae. On a suivi l'atterrissage, qui s'est plutôt bien passé malgré un atterrissage mouvementé. Moi je travaille sur deux expériences sur Philae et Rosetta, Consert, qui transmet des ondes à travers sa comète pour étudier la structure interne."

Vous attendez-vous à des surprises ?
"Nous en avons déjà eu. Il y avait eu des modèles sur la forme de la comète, on s'attendait à ce qu'elle soit "patatoidale", mais à l'arrivée elle est plutôt en deux morceaux agglomérés, et certains pensent que ce serait même 4 ou 5 morceaux. Notre expérience le révèlera."

Que pouvez-vous nous dire sur cette comète ?
"Tchouri vient de la ceinture de Kuiper, donc de l'intérieur dy système solaire, même si elle a certainement été dans un passé lointain dans les confins du système, dans le nuage de Oort, mais elle a beaucoup voyagé et est entré dans le système solaire interne depuis quelques dizaines d'années après des perturbations causées par Jupiter. Elle va bientôt avoir une chevelure au fur et à mesure qu'elle se rapprochera du Soleil l'année prochaine, ce qui devrait mettre fin à la mission Rosetta. Mais ce sera trop faible pour être visible de la Terre."

Que pensez-vous apprendre de cette comète ?
"Cette mission va permettre de donner des indices sur deux grandes énigmes actuelles. La première est l'origine de l'eau des océans. On pense qu'au moins 10% de cette eau vient des comètes, et en analysant l'eau de ces comètes et les composés organiques qu'elles contiennent, on peut espérer avoir des informations à la fois sur l'origine de l'eau des océans et sur l'origine de la vie. Car elles sont bourrées de composants prébiotiques.

Il y a aussi l'exploit technique de parcourir ces 500 millions de kilomètres. La trajectoire était très compliquée, nous avons fait un rebond gravitationnel sur Mars, deux sur la Terre et tout ça pour faire en sorte que l'orbite vienne tangenter celle de la comète. Pour l'Europe, c'est une belle réussite. C'est une première majeure, et ça montre que les Américains n'ont pas le monopole de l'espace."

Vous en avez pour combien d'année à étudier toutes ces données ?
"Là il y en a pour deux-trois ans de travail. On va essayer d'avoir des étudiants polynésiens, et de s'intégrer dans le réseau scientifique mondial en faisant des choses que ne font pas les autres. Mais la difficulté est de convaincre les instances qu'à Tahiti on peut faire de la science autre que locale? Là c'est de la recherche fondamentale, mais ici on s'attend à ce qu'on fasse de la recherche très appliquée sur la biodiversité, la perle… Et on a du mal à concevoir de faire de la recherche qui a des implications au-delà de la sphère polynésienne.

Mais c'est quand même une joie et une chance d'avoir commencé à travailler sur un projet en 1994, J'étais un jeune astronome de 35 ans, et je me retrouve 20 ans après avec les données qui arrivent. J'arriverai près de la retraite quand on aura les résultats."

La sonde Rosetta, de l'Agence Spatiale Européenne, et son robot Philae
La sonde Rosetta, de l'Agence Spatiale Européenne, et son robot Philae
Un atterrissage mouvementé pour Philae

La sonde Rosetta portait à son bord un petit robot nommé Philae, qui avait pour mission de se poser sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (dite "Tchouri") et d'y réaliser une série d'expériences scientifiques. Mais Philae n'est pas sorti indemne de son long voyage, avec une fuite de carburant qui a sans doute gelé sur ses "pattes". Il devait se fixer sur la comète à l'atterrissage, mais ses grappins ont mal fonctionné et il a rebondi deux fois pour finalement se coincer entre deux rochers dans une pente, un kilomètre plus loin, à l'ombre.

Il manque de soleil pour ses panneaux photovoltaïques, et doit user ses 60 heures de batterie pour travailler. Ce vendredi "80% du travail du robot a été fait, (et) les résultats de Philae sont extraordinaires" expliquait à l'AFP Marc Pircher, le directeur du CNES à Toulouse. "Il est prévu que la mission planifiée de Philae se termine lorsque les batteries seront épuisées, ce qui se produira samedi", indiquait également l'ESA sur son blog. Il restait au robot une mission : effectuer un forage sur la comète et transmettre les résultats de l'analyse, mais sa position précaire et le manque d'énergie rendent ce dernier succès incertain.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 14 Novembre 2014 à 16:35 | Lu 2907 fois