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Des pilotes d'Air Tahiti se déclarent sous pression et "harcelés"


Les pilotes à Air Tahiti dénoncent des plannings de travail sur sept jours avec de multiples escales.
Les pilotes à Air Tahiti dénoncent des plannings de travail sur sept jours avec de multiples escales.
FAA'A, le 19 mai 2016. La grève générale au sein de la compagnie aérienne locale permet de mettre en lumière un mal-être social profond depuis plusieurs années. Des pilotes et copilotes dénoncent, anonymement, les pratiques pour les pousser dehors, à partir en retraite… ou pire.

La grève, les pilotes d'Air Tahiti n'y participent guère. Mais cette fois, la situation est différente. Ils ont des pratiques à dénoncer. Le suicide de l'un des leurs, un commandant de bord, il y a quelques semaines, a changé la donne. Soumis deux fois par an à des tests sur simulateur et un contrôle à bord, les pilotes savent que leur "permis" n'est pas acquis pour toujours. Mais habituellement, les compagnies -qui paient le prix fort pour ces passages sur simulateurs- entraînent leurs pilotes qui peuvent avoir besoin d'une remise à niveau, pour que ces tests soient réussis au maximum.

A Air Tahiti, selon des pilotes que nous avons rencontrés, la situation est différente. La direction de la compagnie, engagée dans une politique de réduction des coûts, n'a qu'une seule variable d'ajustement : la masse salariale. Aussi, se séparer de quelques pilotes dont l'ancienneté coûte cher, paraît le plus simple. "Un pilote qui échoue à ses deux passages sur simulateur perd son permis et peut être mis en congé sans solde, licencié dans le pire des cas. C'est comme ça dans toutes les compagnies" admettent les pilotes. Au sein de la compagnie locale, cet usage serait devenu abusif, un moyen de pousser certains à la faute et vers la porte de sortie. D'autant que, même un test dont toutes les réponses techniques ont été correctes, peut-être invalidé par l'examinateur interne de la compagnie, sur le simple sentiment "que l'ensemble n'est pas satisfaisant".

Si les pilotes d'Air Tahiti travaillent dans ce climat "de terreur" depuis quelques années, il a fallu que l'un de leurs camarades se pende pour qu'ils osent dénoncer le mode opératoire de la direction des opérations aériennes et de la formation et des entraînements de leur employeur. Pour eux, leur camarade a été poussé au suicide, après plusieurs mois d'humiliation et de dépression. "Nous n'avons jamais parlé de ce climat directement auprès de la direction, car si on parle, les têtes tombent. On n'a pas envie d'être le prochain".

Aujourd'hui, ces pilotes dénoncent également une organisation des plannings de travail stressante avec des rotations de plus en plus longues qui ne correspondent pas aux normes européennes. "On peut travailler, parfois, sept jours d'affilée avec des vols à sept escales dans des configurations très différentes. Les erreurs au sein d'un équipage arrivent le plus souvent après la 5e étape et sont purement dues à de la fatigue accumulée".

Interrogé entre deux sessions de négociations avec les centrales syndicales ce jeudi soir, le directeur général Manate Vivish, indique que les pilotes sont astreints "à des critères d'excellence", qu'ils sont préparés par la compagnie pour ces tests de simulation et que les échecs sont rares. Quand ils surviennent, des procédures sont prévues avec des stages de pilotage et de remise à niveau.


Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 19 Mai 2016 à 19:30 | Lu 9619 fois