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Les aventures de Tifo, épisode 6 : Quand les couples de monarques battent de l'aile


Le grand dragueur Tuki (photo: Fred Jacq)
Le grand dragueur Tuki (photo: Fred Jacq)
PAPEETE, le 18 aout 2015 - Pour clôturer la saison de reproduction 2014/2015 et donc la première saison des Aventures de Tifo, Caroline Blanvillain nous propose un petit bilan sur les amours de nos amis à plume, les dernières déceptions sentimentales et couples brisés de la saison, et le danger plus grave causé par l'invasion des clones…

C'est reparti pour les Aventures de Tifo. Les dernières nouvelles remontent à mars, il y a donc eu une pause causée par une grosse opération de dératisation aux Tuamotu/Gambier où Manu et sa vétérinaire Caroline Blanvillain (qui écrit ces chroniques d'après ses observations sur le terrain) étaient mobilisés dans les îles. Résumé des épisodes précédents : Notre jeune omama'o, Tifo, s'était amouraché d'une oiselle de la moitié de son âge, mais n'arrivait pas à lui faire un nid convenable ni un œuf. L'arrivée d'un troisième oiseau dans leur couple, un ou une jeune rouquin(e), semait la zizanie. Plus grave, la petite fourmi de feu s'est installée dans sa vallée en descendant de Te Maru Ata.

TIFO DE NOUVEAU CÉLIBATAIRE ?

Arrive enfin la fin de la saison de reproduction 2014, c’est donc l’heure du bilan. Les deux super couples qui avaient déjà produit deux jeunes pendant la saison de reproduction de 2013 ont récidivé et nous avons vu l’envol de deux jeunes supplémentaires, ce qui porte à 11 le nombre de jeunes envolés avec succès cette année. Le record de 2013 n’est cependant pas battu malgré un nombre, encore jamais atteint, de 31 nids et de 19 couples suivis pour la saison 2014. A l’instar de notre brave Tifo, moult monarques n’ont pas réussi à convaincre leurs dames, probablement encore trop jeunes, de pondre.

Tifo a bien construit un dernier nid, que nous avons retrouvé alors qu’il était déjà abandonné. Mais depuis, madame a disparu ou elle ne s’approche plus de Tifo. Le jeune monarque aux piètres talents de constructeur de nid n'aura donc pas réussi à la garder. Elle est peut-être partie avec le mystérieux oiseau bagarreur (on ne sait toujours pas si c'est un mâle ou une femelle), mais c’est un peu la règle en ce moment : les monarques qui ne se reproduisent plus sont moins territoriaux et certains d’entre eux disparaissent carrément de la zone.

APRÈS LA SAISON DES AMOURS, LA SAISON DES FLIRTS

C’est le moment des combats, des flirts, des rencontres et des séparations. Car si les couples de monarques peuvent être fidèles à vie, ils sont parfois plus… volages. D’ailleurs Tuki, un de nos dragueurs de Papehue qui a déjà changé deux fois de femelle par le passé en les prenant de plus en plus jeune, est tombé amoureux d’une nouvelle femelle. Une plus vieille pour une fois, la fameuse Moerani ! Vous vous souvenez d'elle, elle s'était faite briser le cœur en 2013 quand Omiri (la fameuse baguée bleue qui est aussi une ex de Tuki), lui avait volé son cher Ora Ora.

C’est donc un jeu de chaise musicale qu’ils sont en train de nous faire à l’entrée de la Papehue et évidemment, à cause de tous ces évènements et des nouveaux arrivants qui se bousculent, c’est la bagarre et des chants de séduction tous les jours ou presque.

Les falaises de Maruapo (photo: Roberto Luta)
Les falaises de Maruapo (photo: Roberto Luta)
LA GUERRE DES CLONES PART 2

Mais revenons à notre héros plumitif et au grave danger qui plane au-dessus de son bec. Souvenez-vous, les petites fourmis de feu ou PFF (qui se reproduisent sans mâle, les vilaines) avaient dévalé la pente de Te Maru Ata et amené Josquin, notre courageux cordiste, à se pendre dans le vide à 50 mètres où il a retrouvé des colonies dans une falaise de 300 mètres de haut. Avant de le relancer dans la pente il nous est venu l’idée de chercher si elles n’étaient pas déjà en bas (en 2011 le fond de la vallée était indemne), et las elles y ont été découvertes, impliquant une contamination de la falaise sur une surface de 6 à 8 hectares en plein territoire de Tifo !

Ainsi la guerre est déclarée, la SOP n’a plus le choix. Flanquée de ses défenseurs et de ses financeurs que l’on remercie au passage : l’État, la DIREN, La Mairie de Punaauia, les entreprises Vini et EDT, la pharmacie de Rangiroa, les Hôtels Intercontinental Resort & Spa de Tahiti et de Moorea et les 24 parrains et marraines (dont Tahiti Infos) qui s’impliquent dans son sauvetage, elle part à la chasse au clone sur tous les fronts. La vilaine colonie du pk 17, celle de Te Maru Ata (l’aide de la résidence a été demandée), celle du dépotoir, celle du fond de la vallée et même celles qui espèrent couler des jours heureux dans la falaise vont subir dès la rentrée le courroux de Manu. Nous ne laisserons pas la vallée de Maruapo, celle qui renferme plus de la moitié des derniers monarques, sans défense devant la pire espèce de fourmi au monde pour la biodiversité et pour l’homme.

Si vous demandez à ceux qui ont déjà habité dans une zone infestée par la PFF, vous vous rendrez vite compte que les monarques ne sont pas les seuls à être mis en danger par cette espèce invasive. Jardins inaccessibles, animaux de compagnie rendus aveugles, un passage à l'hôpital pour avoir voulu ramasser un fruit dans la montagne… Voilà les quelques joyeusetés contre lesquelles notre brave Tifo, ou au moins la SOP Manu et son savoir-faire acquis au PK 18,6 où la colonie de PFF a presque disparu, va sauver les habitants de cette vallée.

Et on espère que ce savoir-faire pourra servir d’exemple à d’autres communes pour les aider à venir à bout de ce fléau ou pour ne pas le laisser s’installer, comme à Paea où une colonie se développe tranquillement à l’entrée de Tiapa, autour du cimetière où un pot de plante contaminé a sans doute permis d’introduire l’espèce, à moins que ce ne soit la terre du nouveau lotissement qui a été construit dans la zone. Un autre front pour la SOP, mais plus tard, chaque chose en son temps.

Caroline Blanvillain



"LA FOURMI DE FEU ÇA NE SE GÈRE PAS, ÇA DEVIENT TRÈS VITE INSUPPORTABLE"

Laissons parler les habitants de Sainte Amélie, en particulier Nathalie, pour savoir ce qui attend les habitants de Punaauia si cette peste s’installe : "En tant qu'ancienne résidente du lotissement Urumaru à Sainte Amélie, je vous fais parvenir mon témoignage sur la gestion du quotidien dans un endroit infesté par la petite fourmi de feu. Quand on ne l'a pas vécu et lorsque l'on écoute les propos rassurants de ceux qui soit disant connaissent le problème, on part serein en se disant : ce ne sont que des fourmis... ça se gère !

Au final, après plus de deux ans de cette cohabitation forcée, je suis en mesure de vous confirmer que ça ne se gère pas, ça devient très vite insupportable. Ma petite famille et moi étions locataire d'une maison sur un grand et beau terrain. Très rapidement nous avons été contraints de prendre mille précautions avant de pouvoir manger dehors. Il fallait nettoyer à fond et inspecter la table et chaque chaise avant de s'installer ; éviter absolument de se positionner sous ou à proximité de la végétation... et ce n'était pas suffisant.

Au fur et à mesure de notre vie sur place nous avons fini par ne plus manger dehors, ne plus étendre le linge dehors, ne plus frôler la moindre branche de buisson... Un manque de vigilance était vite sanctionné. Mais ça ne s'arrête pas là ! Le pourtour de la maison ainsi que la véranda et la buanderie étaient aussi colonisés. Le quotidien est vite devenu extrêmement désagréable, entre les pleurs des enfants et les plaintes des adultes, régulièrement piqués. Un jour, un de nos amis a voulu gentiment récupérer le ballon de mon fils, qui était tombé dans la végétation. Il a eu tellement de piqûres qu'il a fait un malaise et a passé une demi-journée alité avec le corps couvert de grosses plaques rouges et douloureuses. Pour finir, mon chat se retrouve avec des tâches blanchâtres sur les yeux. Le vétérinaire a confirmé que cela faisait suite aux piqûres des fourmis de feu."


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 18 Août 2015 à 17:56 | Lu 27651 fois