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50 ex-InterConti Moorea attaquent leur licenciement


Tahiti, le 6 octobre 2020 - Après avoir été licenciés en juin dernier, une cinquantaine d'anciens employés de l'Intercontinental de Moorea ont décidé de contester leur licenciement pour raisons économiques devant le tribunal du travail. Ils dénoncent des irrégularités parmi lesquelles leur non-replacement dans les autres établissements du groupe hôtelier.
 
Plus d'une cinquantaine d'anciens employés de l'Intercontinental de Moorea ont déposé un recours pour contester leur licenciement économique prononcé en juin dernier. Cela fait plus d'un mois que ces salariés de l'hôtel fermé en raison de la crise du Covid travaillent sur le montage de leurs dossiers et préparent des requêtes individuelles. Les anciens salariés dénoncent en effet plusieurs irrégularités dans le caractère économique de leur licenciement.
 
Pour rappel, le 27 mai dernier, lors d'un comité d'entreprise, la direction de l'hôtel avait annoncé la mise en place d'un plan social massif concernant 190 employés ainsi que la non-réouverture de l'établissement de l'île sœur. Elle avait alors justifié ce plan social par l'annulation totale des réservations due à l'arrêt des rotations internationales, au confinement et aux restrictions de déplacement inter-îles.

​Contestations

Mais pour un gros tiers des ex-salariés concernés, ce licenciement pour motif économique n'est pas justifié : "Les éléments mis en avant par la direction ne correspondent pas à un licenciement économique. Ils ont utilisé le Covid-19 pour prendre la décision de fermer l'hôtel", indique un ancien membre du comité d'entreprise. Les ex-salariés espèrent faire reconnaître l'absence de motif économique réel dans leur licenciement et les faire requalifier en licenciement sans cause. "La règlementation prévoit qu'en cas de licenciement, sans cause réelle et sérieuse, donc imposé aux salariés, il faut par exemple justifier une indemnité compensatrice pour préjudice moral".
 
Outre des soldes de tout compte, selon eux, "remplis d'irrégularités", les employés pointent du doigt le fait que les documents importants et utiles aux débats leur ont été remis le jour de la réunion du comité d'entreprise, alors qu'ils devaient leur être rendus 15 jours avant. Il s'agit notamment des rapports d'activité de 2017 à 2019 ou encore du budget prévisionnel expliquant le plan social, jugé "très minime" par les élus du comité d'entreprise. "Nous avons demandé à avoir plus d'éléments justifiant la fermeture de l'hôtel", explique-t-on du côté des ex-salariés.
 
Les membres du comité d'entreprise précisent qu'ils n'ont pas donné leur aval concernant le plan social annoncé le 27 mai dernier par la direction, contrairement à ce que cette dernière affirme. Ils estiment donc que les convocations et les entretiens pour licenciement n'avaient pas lieu d'être : "La direction a considéré que le plan social a été acté par les membres du CE, alors que nous n'avons pas finalisé le plan social et que nous avons demandé une seconde réunion. Nous avons refusé le plan social en l'état le 19 juin alors que les entretiens se sont déroulés bien avant". Leur avocate, Me Eftimie-Spitz précise : "qu'un licenciement économique réussi, c'est un licenciement où l'employeur prouve qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour trouver des solutions" ou que le comité d'entreprise a été "consulté" en tant que "partenaire sinon c'est trop violent".

La question du reclassement

Les représentants syndicaux se demandent pourquoi les anciens salariés de l'intercontinental de Moorea n'ont pas été intégrés ou repris dans les autres établissements du groupe hôtelier. "C'est ce que la règlementation met en avant. Nous faisons partie d'un groupe avec Tahiti beachcomber, Bora et le Thalasso. À moins qu'on nous justifie que Moorea est un établissement isolé de l'ensemble du groupe. Donc il se doit de nous reclasser automatiquement dans les autres hôtels", affirme un syndicaliste qui s'étonne : "On subit la crise économique mais seul Moorea serait touché et pas les trois autres hôtels ? J'essaie de comprendre la démarche de la direction et la raison pour laquelle ils ont décidé de fermer l'établissement. Cela n'a aucun sens".
 
Pour Me Eftimie-Spitz, l'établissement aurait pu revoir le temps de travail des salariés ou en mettre certains en retraite anticipée au lieu de tous les licencier. "Ils auraient aimé être mieux considérés surtout que certains ont servi pendant plusieurs années". L'avocate affirme aussi que la direction de l'Intercontinental de Moorea a fait savoir qu'elle allait reclasser son personnel, mais seulement pour une infime partie. Le reproche leur a d'ailleurs été fait par l'inspection du travail, selon elle, qui a regretté que les salariés concernés n'aient pas été au courant de cette mesure de reclassement prise par l'Intercontinental… L'avocate dénonce encore le fait qu'entre la réunion du comité d'entreprise, où la direction a annoncé le licenciement économique, et les convocations pour le licenciement il ne s'est passé que quelques jours. "Cela s'est passé à une vitesse fulgurante. En parallèle l'Intercontinental Tahiti a adopté un accord d'entreprise sur la réduction du temps de travail".

Enfin, Me Eftimie-Spitz ajoute que l'hôtel de Moorea "qui n'est pas un établissement à part entière" fait partie du groupe Beachcomber au fenua qui détient tous les Intercontinental : "cette société est détenue par une autre société dont 75% est détenue par une société de droits Américains. On avait peut-être aussi l'opportunité d'interroger les salariés pour un reclassement à l'extérieur".
 

​"C'est leur droit"

Contacté, le directeur général de l'Intercontinental à Moorea, Jean-Louis Detaille, affirme ne pas être au courant de cette procédure judiciaire en cours. "C'est leur droit", affirme-t-il laconiquement. Quant au reclassement des employés dans d'autres établissements du groupe hôtelier, le responsable balaye : "Vous connaissez la situation de l'hôtellerie en ce moment ? Et les taux d'occupation ? Aujourd'hui nous ne pouvons pas reclasser le personnel dans les autres hôtels qui sont aussi en difficulté". Reste que du côté des ex-employés, on regrette que les échanges avec la direction aient été rompus. L'affaire se réglera donc à la barre du tribunal.

​Douze salariés protégés n'ont pas été licenciés

L'information est passée jusqu'ici inaperçue, parmi les 190 employés de l'Intercontinental Moorea licenciés, 12 étaient des salariés protégés. La direction avait également demandé leur licenciement à l'inspection du travail le 22 juin dernier. Mais cette requête leur a été refusée le 31 juillet. L'établissement a donc pour mission de les reclasser et de mettre en place un "planning de reprise d'activité".
 
Le 2 septembre dernier, la direction a envoyé aux anciens salariés protégés, par l'intermédiaire d'un huissier, un courrier dans lequel il était précisé que pour "sortir de l'illégalité, nous ne pouvons faire mieux que de vous proposer un emploi concret et non fictif et un programme de formation". Ces derniers ont donc été convoqués pour un entretien professionnel où la direction devait leur proposer "les modifications de vos conditions de travail et le plan de formation mis en place".

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 7 Octobre 2020 à 08:30 | Lu 6989 fois